La F1 rachetée par le groupe américain Liberty Media : ça va changer quoi ?

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La marque F1 continue de générer de l'argent. Beaucoup d'argent… © ANDREJ ISAKOVIC / AFP
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AVENIR - Le groupe américain Liberty Media du milliardaire John Malone a pris le contrôle de la Formule 1, sport auto le plus populaire au monde.

Dans les tuyaux depuis quelques jours maintenant, la vente de la Formule 1 à Liberty Media a été officilialisée mercredi. On vous épargne le détail du montage financier qui a abouti à ce rachat (la F1 était contrôlée jusque-là par un fonds d'investissement, CVC Partners, via une holding), mais au total, le groupe américain, propriété du milliardaire John Malone, déboursera 4,4 milliards de dollars (3,9 milliards d'euros), la valeur de la marque "Formula One" étant évaluée dans cette opération à quelque 8 milliards de dollars (7,1 milliards d'euros), dette comprise. Il faudra toutefois que le groupe de médias américain (qui possède des chaînes, des réseaux câblés et d'autres participations multiples) obtienne le feu vert de la Fédération Internationale de l'Automobile (FIA) ainsi que des autorités de la concurrence pour s'enorgueillir de posséder la discipline porte-étendard du sport automobile mondial.

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Entendu sur europe1 :
La F1 est déjà une machine à cash, une machine qui génère beaucoup d'argent
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La question qui vient à l'esprit de tous les fans de la discipline (il en reste encore, oui !), est la suivante : qu'est-ce que changement de pavillon va impliquer ? "Concrètement, dans un premier temps, pas grand-chose, parce que la Formule 1 est déjà une machine à cash, une machine qui génère beaucoup d'argent", souligne au micro d'Europe 1 Vincent Chaudel, expert sport du cabinet de conseil Wavestone. Manque de suspense, courses ennuyeuses, tribunes clairsemées : on en oublierait presque effectivement que la F1 actuelle, dont le championnat mondialisé s'étale de mars à novembre sur 21 courses, reste une formidable vache à lait pour ses promoteurs, au premier rang desquels Bernie Ecclestone, 86 ans en octobre.

Car ne croyez pas que l'octogénaire britannique, qui n'a jamais autant mérité son titre de "grand argentier de la F1", a profité de cette belle vente pour jouir d'une retraite bien méritée. "Je vais rester à mon poste. Je vais continuer à faire tout ce que je faisais avant, comme négocier avec les circuits, les chaînes de télévision et les gens comme ça", a assuré Ecclestone au site britannique Autosport. On est rassuré.

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Les règles de la discipline, tu ne peux pas les changer comme ça

Le poids des grands constructeurs. Le milliardaire John Malone, propriétaire du groupe Liberty Media mais aussi de la franchise des Atlanta Braves en Major League Baseball (MLB), est un habitué des rachats en tous genres, à l'instar de son rival Rupert Murdoch. De là à voir dans l'opération officialisée mardi un simple "coup" commercial… "C'est une banalité de dire ça, mais c'est une histoire de gros sous", sourit Dominique Bressot, spécialiste F1 d'Europe 1. "Les règles de la discipline, tu ne peux pas les changer comme ça. Il y a les grands constructeurs automobiles qui sont très impliqués. Cette vente ressemble à une opération financière de 'Bernie'. Vous dire que demain ou après-demain, il y aura deux voitures qui partiront en sens inverse des autres pour donner plus d'attrait, non." Pas de risque, donc, a priori, que les courses de F1 virent au spectaculaire à l'américaine (qui a dit dommage ?), quand bien même celui qui en tiendra les rênes, avec "Bernie" donc, Chase Carey, est un ancien ponte du studio de cinéma 21st Century Fox…

Animations sur le circuit et réseaux sociaux. "Le modèle américain repose sur une standardisation des véhicules et une valorisation des pilotes alors que la Formule 1 est une compétition de constructeurs. Ce sont eux qui mettent le plus d'argent dans le système", insiste Vincent Chaudel. "Et je ne pense pas que le rachat de Liberty Media conduira à une opposition frontale avec les constructeurs." Et donc à une modification en profondeur de la discipline, dont la ligne de conduite continuera d'être tracée par (ou au pire avec) les grands constructeurs, comme Mercedes, Ferrari, Renault, ou les grandes marques, comme Red Bull. Pour autant, la F1 pourrait, devrait changer. Selon nos informations, Liberty Media, expert dans l'événementiel, va plancher sur une refonte des week-ends de Grand Prix, guère festifs. Le retour d'un warm-up le dimanche, une séance d'essais qui compte le vendredi, des concerts pour accompagner le week-end ? Tout est envisageable. La F1 devrait également évoluer sur le plan du digital.

"La bonne nouvelle, c'est que Chase (Carey, son nouvel "adjoint") sera capable de faire avancer la F1 dans de nouveaux territoires, grâce aux réseaux sociaux. Je n'ai jamais trouvé le moyen de gagner de l'argent avec 'ça'", a d'ailleurs avancé Ecclestone à Autosport. Le grand manitou de la F1 devrait rester en place pendant deux à trois années encore - pour faire la transition ? - avant de céder définitivement le pouvoir aux Américains, lesquels ne sont guère plus intéressés que lui par le Vieux Continent, mais davantage par les pays émergents d'Asie et... le continent américain bien sûr.

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Le marché américain peut redevenir l'une des priorités

"Il va certainement y avoir une approche pour retrouver un équilibre avec le marché nord-américain, qui est un marché très important", pense Vincent Chaudel. "Parce que là, sur les dernières années, on a vu le barycentre de la Formule 1 quitter l'Europe pour aller vers l'Asie et le Moyen-Orient. Le marché américain doit ou peut redevenir l'une des priorités." Les succès du nouveau Grand Prix des États-Unis, à Austin, au Texas, mais aussi du Grand Prix du Mexique, a sans doute donné des idées à Liberty Media (un Grand Prix en ville ? Un sur la côte ouest ?) en plus, bien sûr, des quelque 1,2 à 1,5 milliard de dollars de revenus générés annuellement par la discpline (de 1,1 à 1,3 milliard d'euros).

Car si la F1 connaît peut-être une crise sportive, elle n'a pas de problème financier. Ses revenus annuels, solides, sont garantis par des contrats XXL avec des géants (les pneus Pirelli, la compagnie aérienne Emirates, les montres Rolex, les bières Heineken) et sans cesse renouvelés par des organisateurs locaux qui ne cessent de mettre au pot, comme en Russie, avec le Grand Prix de Sotchi, ou même, en Azerbaïdjan, où l'on organise le Grand Prix d'Europe… Plus que jamais, la F1 du 21ème siècle n'aura pas de frontières.

Structure bicéphale. La F1 est séparée entre un monde fédéral, la Fédération internationale de l'automobile (FIA), qui gère la dimension sportive, et la société montée par Bernie Ecclestone, la Formula One Management (FOM), qui en gère la dimension commerciale. Selon Vincent Chaudel, "cet équilibre ne devrait pas évoluer à court terme" avec le rachat par Liberty Media.