Incidents à Metz-Ligue 1 : les supporters ont-ils marqué contre leur camp ?

Les incidents lors de Metz-Lyon sont venus de la tribune des "Horda Frénétik", un des groupes ultras du club lorrain.
Les incidents lors de Metz-Lyon sont venus de la tribune des "Horda Frénétik", un des groupes ultras du club lorrain. © JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP
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Les incidents à Metz lors de la rencontre contre Lyon interviennent alors que les associations de supporters se plaignent de l’absence de dialogue avec les pouvoirs publics et les instances du foot.

Le monde du foot a unanimement condamné les jets de pétards des supporters de Metz sur le gardien lyonnais Anthony Lopes, samedi soir lors de la 16e journée de Ligue 1. Ces graves incidents en tribunes interviennent alors que de nombreux groupes de supporters se sont récemment plaints de l’absence de dialogue avec les instances du foot ainsi que de plusieurs interdictions de déplacement. De quoi remettre en cause les fragiles avancées constatées ces dernières semaines, symbolisées par le retour des Ultras du PSG au Parc des Princes.

  • Un dialogue difficile avec les instances

Depuis plusieurs saisons, les relations entre les instances du foot et les supporters sont extrêmement difficiles. Les groupes Ultras, regroupant les fans les plus fervents, déploient à intervalles réguliers des banderoles pour se plaindre du traitement selon eux injustifié que leur réservent les autorités publiques. Ces dernières années, les interdictions de déplacement se sont ainsi multipliées, notamment dans le cadre de l’état d’urgence. "Les supporters ont le sentiment, de manière générale, d’être martyrisés par les autorités sportives et publiques", explique Nicolas Hourcade, sociologue et spécialiste des supporters interrogé par Europe 1.

L’Association nationale des supporters (ANS) a ainsi dénoncé un dialogue "actuellement inexistant" entre les instances et les fans, dans une lettre ouverte adressée à la Ligue de foot professionnel (LFP) publiée vendredi, la veille des incidents à Metz. "Il ne s’agit pas de stigmatiser l’ensemble des supporters, mais d’être capable d’identifier et de sanctionner les fauteurs de troubles. Pour gérer ces débordements, il faut combiner la répression et la prévention. Tout l’enjeu est de garder un dialogue fort avec eux pour éviter les problèmes. Or, ce qu’on peut reprocher au football français, c’est de ne pas avoir cette stratégie de travail préventif", estime Nicolas Hourcade.

  • Un dégel relatif mais réel

Pourtant, ces derniers mois ont donné lieu à de réelles avancées. L’adoption de la loi du 10 mai 2016 "renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme" a non seulement renforcé le volet répressif, mais également préventif. Le texte prévoit ainsi la création d’une instance nationale du supportérisme, ainsi que la mise en place dans chaque club professionnel de "référents" chargés d’assurer le dialogue avec les supporters. Autre symbole du dégel entre instances et fans : le spectaculaire retour des Ultras du PSG, après des années de mise au banc.  

"On est au milieu du gué : le dialogue est en train de s’enclencher, mais pas aussi vite que certains supporters le souhaiteraient", nuance Nicolas Hourcade. "La relation de confiance est en train de s’établir, mais lentement, car en France il n’y a pas de tradition de l’échange entre les clubs, les supporters et les autorités."

  • Un risque de rupture de dialogue entre fans et instances ?

Les incidents à Metz peuvent donc faire craindre une rupture de dialogue entre fans et instances, surtout que ces débordements ne sont pas un cas isolé. Depuis le début de la saison, des heurts ont opposé Montpelliérains et Marseillais ou encore Rennais et Toulousains, des supporters nantais mécontents ont tenté de s’en prendre à leurs dirigeants, et 41 fans lillois, voulant en découdre avec des Bordelais, ont été interpellés et placés en garde à vue. "Oui, il faut des sanctions, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Remettre en cause tout le travail avec les supporters à cause de quelques un n’est pas la solution", juge Nicolas Hourcade.

Dès lors, supporters, clubs et autorités pourraient prendre exemple sur le voisin allemand. "En Allemagne, ils arrivent à combiner le fait d’assurer une sécurité autour des matches, même si il peut y avoir des incidents, et des stades remplis (42.000 spectateurs de moyenne par match en Bundesliga, le double de la Ligue 1, ndlr). Si on écarte tous les supporters actifs, il n’y aura plus personne dans les stades, et alors ça n’aura servi à rien de construire des stades de 40.000 places". Malgré la construction d’enceintes ultra-modernes pour l’Euro 2016, la moyenne de spectateur en Ligue 1 reste stable cette saison. Loin, très loin de nos voisins d’outre-Rhin.