Euro 2016 : ne pas s’entraîner aux tirs au but, une erreur des Bleus ?

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En quarts de finale, l'Allemagne a battu l'Italie aux tirs au but. Grâce à ses entraînements ? © VINCENZO PINTO / AFP
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Contrairement aux Allemands, les Bleus ne s’exercent pas spécifiquement en vue d’une éventuelle séance fatidique. Faut-il s’en inquiéter ?

L’expression consacrée divise ses partisans et ses opposants. Les tirs au but sont-ils vraiment une "loterie", un exercice où la chance et l’instinct importent plus que l’entraînement ? Si les gardiens s’abreuvent de vidéos et de statistiques sur les tireurs adverses, travailler les penalties ne va pas forcément de soi.

La France et l’Allemagne, qui s’affrontent jeudi soir en demi-finales de l’Euro, ont adopté deux approches radicalement différentes. Les Allemands, vainqueurs aux tirs au but contre l’Italie en quarts de finale (1-1 a.p. 6-5 t.a.b), ont avoué s’y préparer, enchaînant les penos à l'entraînement, contrairement aux Bleus. "On ne s’entraîne pas aux tirs au but", a expliqué Didier Deschamps en conférence de presse, avant le quart de finale contre l’Islande.

Alors, est-ce une erreur de ne pas répéter ses gammes ? Le Lab Euro pèse le pour et le contre.

  • OUI, c’est une erreur (si et seulement si c'est bien fait !)

Pourquoi Didier Deschamps n’entraîne-t-il pas ses troupes aux tirs au but ? "Je ne l’ai jamais fait parce que j’estime que tirer des penalties à l’entraînement en toute décontraction et en match avec une énorme pression, ça n’a rien à voir", a-t-il étayé. Un argument validé dans le livre de référence sur les penalties, Onze mètres, du journaliste anglais Ben Lidleton. "S'entraîner à faire des choses dans des conditions plus faciles que ce qui vous attend, cela n'a pas de sens", soutient dans l'ouvrage Geir Jordet, un professeur norvégien qui a travaillé sur l’approche psychologique du penalty.

Geir Jordet estime malgré tout qu’une préparation adaptée peut être utile. On peut ainsi s’entraîner aux tirs au but si on se met dans des conditions proches de la réalité. "Il va de soi qu'un joueur qui se retrouve à marcher de longues secondes vers le point de penalty sera intimidé le jour J s'il ne l'a pas fait à blanc au moins une fois." Et le professeur norvégien de rappeler une anecdote : l'équipe de Tchécoslovaquie avait invité ses supporters à faire du bruit lors des leurs entraînements en vue de l'Euro 1976. En finale, les Tchécoslovaques battront la RFA… aux tirs au but (2-2 a.p., 5-3 t.a.b). Mais on imagine mal DD inviter les fans français pour préparer ses joueurs à une éventuelle séance…

  • NON, ce n’est pas une erreur (ça n'aura de toute façon rien à voir avec les conditions d'un match)

Plusieurs acteurs du foot français penchent néanmoins en faveur des arguments de Didier Deschamps. Mickaël Landreau, l’ancien gardien de l’équipe de France et du PSG, assure que travailler les tirs au but "ne sert à rien". Pourquoi ? Parce que "c’est impossible de se retrouver dans les mêmes circonstances qu’en match. Quand on a 120 minutes dans les jambes, avec une pression de folie, ça n’a rien à voir avec l’entraînement", a-t-il expliqué lundi soir dans l’émission 20h Foot, diffusée sur iTELE.

Autre argument régulièrement avancé : même les meilleurs peuvent se manquer lors d’une séance, comme Michel Platini, Roberto Baggio ou David Trezeguet. "Ça ne veut rien dire de les travailler. Regardez Lionel Messi lors de la Copa America (l’Argentin a raté son tir au but en finale, match perdu par l’Argentine contre le Chili, ndlr)", rappelle notre consultant Olivier Dacourt, ancien joueur de l’équipe de France. Un exemple pourrait rassurer DD : Thomas Müller, joueur star de l’Allemagne, pourtant bien préparé, a raté sa tentative contre l’Italie en quarts de finale. Manque de chance, il a promis qu’il ne tirerait plus de penalties avec la Mannschaft. En cas de tirs au but, il faudra compter sur d’autres échecs côté allemand…