Coupe du monde : Didier Deschamps, un coach qui peut inspirer les managers

Didier Deschamps n'hésite pas à féliciter ses joueurs, à leur montrer sa reconnaissance.
Didier Deschamps n'hésite pas à féliciter ses joueurs, à leur montrer sa reconnaissance. © AFP / Europe 1
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MANAGEMENT – Souvent critiqué pour ses choix et la qualité de jeu de l’équipe de France, le sélectionneur des Bleus a su insuffler un esprit d’équipe et un pragmatisme qui l’ont conduit au sommet. De quoi inspirer les entreprises ?

Depuis l’arrivée de Didier Deschamps à sa tête en 2012, l’Equipe de France a presque remporté les deux tiers de ses matches. Et pas des moindres : l’ancien champion du monde est le seul sélectionneur français à avoir amené les Bleus en finale de deux tournois majeurs, en l’occurrence l’Euro 2016 et la Coupe du monde 2018. S’il a souvent été critiqué pour ses choix et la qualité de jeu de l’équipe de France, son pragmatisme, sa force de travail et sa capacité à insuffler un esprit d’équipe sont aujourd’hui salué. De quoi inspirer les managers de toutes les entreprises, de tous secteurs ?  On a posé la question à Bérangère Touchemann, coach professionnel et fondatrice du blog Coachingdecarriere.com.

Avez-vous aperçu, dans le comportement de Didier Deschamps, des gestes susceptibles d’inspirer tout manager ?

La première chose que j’ai remarquée, c’est qu’il sait congratuler les joueurs. Il n’hésite pas à se mouiller, à aller à leur rencontre pour les étreindre à la sortie du terrain, pour les féliciter (même lorsque la prestation n’a pas été folle). Le joueur se sent reconnu. Il sent qu’il a de la valeur, qui plus est aux yeux d’une personne qui a de l’importance : son sélectionneur, son manager. En entreprise, cela fonctionne pareil. Un "bravo", un "merci", un "je suis fier de travailler avec toi" ou "tu nous as sorti d’un beau pétrin avec ce client", cela aide la salarié à se sentir à sa place. En analyse transactionnelle, on appelle ça un "stroke", un signe de reconnaissance envoyé par quelqu’un dont le jugement est important.

La personnalité de Didier Deschamps, son histoire de champion du monde, a-t-elle une influence sur les performances de l’équipe ?

Il y a deux écoles sur ce sujet : ceux qui pensent que les managers ne doivent pas forcément avoir été de bons techniciens, et ceux qui pensent l’inverse, qui sont plus enclins à suivre quelqu’un qui a connu les mêmes situations qu’eux. Avec Didier Deschamps, on peut penser que son passé de champion du monde, sa carrière, lui confèrent un certain charisme, que cela incite les joueurs à l’écouter. En entreprise, on peut avoir été un très bon technicien, avoir été très bon sur le terrain, et être un piètre manager, ou inversement.

" Je suis persuadée que Didier Deschamps les a très vite encouragés à aller plus loin que les demies "

Mais plus on est dans une entreprise où la technique est importante, plus il peut être important que le manager soit aussi un bon technicien. Aujourd’hui, depuis l’arrivée des générations "y" ou "z" sur le marché du travail, les salariés ont besoin de sens, ils ne travaillent plus uniquement pour l’argent. L’amour de l’entreprise ou du "maillot" n’est plus considéré comme un dû. Alors lorsque l’on a un homme d’expérience, qui a joué dans les plus grands clubs et gagné la coupe du monde, cela incite à le suivre, à "aimer le maillot". C’est une histoire de charisme et de fierté : on est fier de travailler pour lui, d’être reconnu par lui. C’est un leader.

Que peut-on retirer de sa manière de gérer un collectif ? Une équipe de foot n’est pas une entreprise…

Non, mais tout manager peut s’inspirer de la manière dont il a su s’effacer au profit du collectif. Didier Deschamps n’est pas ‘bling bling’, on ne l’a pas vu venir, il n’a jamais trop été le chouchou des médias, du public. Il a imposé son autorité par le travail. Et un travail constamment motivé par le souci de trouver un esprit d’équipe. Il n’a pas hésité à se passer de bons éléments (Benzema, Nasri…) après avoir constaté que le collectif fonctionnait mieux sans eux.

Il a, aussi, su concilier plusieurs egos, des individualités qui travaillent dans de grands clubs. Pour cela, je pense qu'il s'est s’appuyé sur une vision, qu'il a réussi à centrer l'équipe sur un objectif, en allant chercher les ressorts de chacun pour s’en rapprocher. Le tout est d’arriver à rendre les salariés fiers de travailler pour le groupe et ses objectifs. Cela nécessite de donner du sens, de donner une vision, une vision partagée et expliquée. Je pense que Didier Deschamps a su leur faire prendre conscience que cette année, c'était possible, afin de pousser les egos à se donner pour le collectif. Dans les médias, on disait que l’objectif des Bleus était d’atteindre les demi-finales de la Coupe du monde. Mais moi je suis persuadée que Didier Deschamps les a très vite encouragés à aller plus loin. Il a dû leur dire 'vous pouvez aller au bout, cette année, c’est votre tour'". C’est ça qui leur fait aimer le maillot. Pour être aimé, un groupe, une entreprise, doit se rendre attirante, séduisante. C’est le meilleur moyen de conserver, et encourager, les meilleurs éléments.

 

Les trois choses à retenir 

- Comme Didier Deschamps, un manager doit apprendre à féliciter ses équipes, à les rendre fiers de travailler pour le groupe

- Un manager doit faire preuve de leadership, donner envie de travailler pour lui 

- Pour créer du collectif à partir d'individualités fortes, il est important d'avoir une vision, de centrer l'équipe sur un objectif partagé, enviable, et réalisable