Coupe Davis : mais que manque-t-il à l'équipe de France ?

Yannick Noah en Croatie (1280x640) ANDREJ ISAKOVIC / AFP
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avec Corinne Boulloud, à Zadar , modifié à
ÉCHEC - Les Bleus, battus par la Croatie ce week-end (3-2), ont encore dû faire une croix sur le Saladier d'Argent.

Quinze ans que ça dure. Quinze ans que l'équipe de France ne parvient plus à remporter la Coupe Davis. Il y a eu trois finales perdues (2002 face à la Russie, 2010 en Serbie et 2014 contre la Suisse) et, dimanche, une troisième déconvenue en demi-finales, après 2004 et 2011 (à chaque fois contre l'Espagne), cette fois, en Croatie. La génération des mousquetaires (Gasquet-Monfils-Simon-Tsonga), à laquelle on promettait tous les plus beaux succès, reste chaque année à quai.

Même quand les meilleurs zappent la compétition, comme Novak Djokovic et Roger Federer cette année. Même quand le calendrier de la compétition est clément, comme cette année (le Canada sans Milos Raonic, la République tchèque sans Tomas Berdych, la Croatie). Et même quand Yannick Noah, chauffeur de salles comme de joueurs, est aux manettes. Un membre de la délégation française, cité dans L'Équipe, lundi, résume l'agacement général : "On en a marre de perdre contre tous les pays du monde. C'est comme si on était relégable avec le budget du PSG. En Croatie, ils sont 3.000 licenciés, et sept permanents à la Fédé." En France, il y a plus d'un million de licenciés et plusieurs centaines de salariés à la FFT. Mais alors, qu'est-ce qui manque à cette équipe de France pour renouer avec le succès ?

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Il nous manque un top joueur, en grande forme

À cette question, Éric Winogradsky, responsable du haut niveau masculin à la FFT, apporte une réponse sans détour : "Il nous manque un top joueur, en grande forme, capable d'assumer et d'assurer un week-end entier. Ce n'est pas notre cas encore." Le week-end dernier en Croatie, l'équipe de France a subi la loi de Marin Cilic, 11e mondial "seulement" mais déjà vainqueur d'un Grand Chelem, l'US Open 2014, ce qui n'est le cas d'aucun de nos joueurs français.

Cette importance d'un "top joueur", l'équipe de France avait déjà pu la mesurer par le passé, face à l'Espagne de Rafael Nadal ou la Grande-Bretagne d'Andy Murray, l'an dernier. Revenu aux affaires cette année, Yannick Noah, dresse le même constat. "C'est avec un état d'esprit qu'on va gagner des Coupes Davis parce qu'on n'a pas de n°1 mondial, on n'a pas de n°2", a-t-il insisté au micro d'Europe 1. "On n'a pas de Murray, pas de Wawrinka dans l'équipe. On a des joueurs qui sont entre la 10ème et la 20ème place. Mais si on joue ensemble, si on arrive prêts, motivés, on peut gagner la Coupe Davis."

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La Coupe Davis, c'est vraiment un investissement

Bâtir une équipe pour renverser les pronostics, Noah sait faire, lui qui a amené les Bleus à deux succès, en 1991 face aux États-Unis de Pete Sampras et en 1996 contre la Suède de Stefan Edberg. "Les fois où on a gagné, c'est parce qu'on avait un état d'esprit, qu'on travaillait en équipe, qu'on faisait corps", souligne-t-il encore. "Nous, c'est l'équipe, travailler pour l'équipe, faire des sacrificices pour l'équipe, ça veut dire arriver très tôt. Les fois où on a gagné, on a fait des stages de dix jours avant la compétition. La Coupe Davis, c'est vraiment un investissement, un engagement qui va au-delà de rentrer sur le court, de mettre le maillot bleu-blanc-rouge et de chanter La Marseillaise, ça va vraiment au-delà. C'est comme ça qu'on gagne, nous. Si demain, on a un n°1 mondial, ça changera. Comme là, ils (les Croates) ont un joueur qui joue à un très, très bon niveau, il gagne ses trois matches, bon, c'est réglé. Et bien nous, non. Pour l'instant, c'est différent." Quand l'état d'esprit doit être notre arme n°1, forcément, l'épisode Gaël Monfils fait tâche.

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J'en ai envie mais il n'y a pas que moi

Le n°1 français, récent demi-finaliste de l'US Open et 8è joueur mondial (soit devant Cilic), a quitté le groupe mercredi après avoir ressenti des douleurs aux genoux en montant les escaliers… Son forfait, source de plusieurs piques du capitaine pendant le week-end, est venu s'ajouter à celui de Jo-Wilfried Tsonga. Et voilà comment la France a attaqué le week-end sans ses deux meilleurs joueurs. Pour gagner, il faut de la chance et la France n'en a pas eu sur ce coup-là. Mais, ces dernières années (voire ces derniers mois), l'implication des uns et des autres a trop été à géométrie variable pour évoquer seulement le manque de chance. Et c'est ce qui transpire du discours de Yannick Noah quand on l'interroge sur son envie de repartir pour un tour la saison prochaine.

"J'en ai envie mais il n'y a pas que moi, il y a tout un groupe, un projet", précise-t-il au micro d'Europe 1. "Ce qui compte, c'est l'avis des joueurs, on en parle, je leur dis comment je veux fonctionner, et si tous les joueurs sont d'accord, on peut travailler. Je veux des contrats d'un an pour pouvoir les renouveler, en reparler, pouvoir recadrer, pouvoir redéfinir un mode de fonctionnement et avoir des petites améliorations, des petits changements. Et si tout le monde adhère, je reviens avec plaisir. Mais, par contre, j'ai un petit peu d'ambition et c'est bien de gagner. Et au moins qu'on ait tous envie de gagner et qu'on tire tous dans le même sens."

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Par son esprit, Yannick Noah a assis les bases d'un renouveau

En creux, on comprend que ça n'a pas forcément été le cas cette année. Pourtant, cette édition 2016 de la Coupe Davis, dont la plus grande émotion reste sans doute le fait d'en avoir disputé le premier tour outre-mer, en Guadeloupe, pourrait avoir été utile pour les conquêtes futures. "Il manque peu de choses, car Yannick a donné l'essentiel", estime Jean-Claude Perrin, consultant Europe 1 et préparateur physique de l'équipe victorieuse des États-Unis en 1991. "Il a quelques retouches techniques et physiques à effectuer pour que les joueurs arrivent mieux préparés pour l'événement. Il faut que les joueurs sachent que, pour préparer la Coupe Davis, il faut arriver à son meilleur niveau. Mais je pense qu'on doit avoir confiance. Yannick Noah a évité à la Fédération une très grande déconvenue, il a par sa présence et son esprit sauvé l'équipe de France cette année après l'épisode de l'an dernier (élimination en quarts de finale par le Royaume-Uni et divergences entre les joueurs autour du cas de l'ancien capitaine Arnaud Clément, ndlr) et assis les bases par son esprit d'un renouveau."

Celui-ci s'est matérialisé par le retour aux affaires d'un Tsonga démissionnaire l'an dernier ou encore l'intégration réussie d'un Lucas Pouille. Cela portera-t-il ses fruits la saison prochaine ? "La foi d'abord, le geste ensuite", espère Jean-Claude Perrin.