Hadzibegic à la provençale

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Olivier CORTINOVIS , modifié à
Avec six points engrangés sur les quinze derniers mis en jeu, Arles-Avignon prend progressivement le pli de la Ligue 1 après un début de saison catastrophique et huit journées vierges. Un ersatz de montée en puissance dont Faruk Hadzibegic, successeur de Michel Estevan au début du mois d'octobre, n'est pas totalement étranger. Face à Bordeaux, dimanche, l'entraîneur bosnien en saura davantage sur les prétentions de son groupe.

Avec six points engrangés sur les quinze derniers mis en jeu, Arles-Avignon prend progressivement le pli de la Ligue 1 après un début de saison catastrophique et huit journées vierges. Un ersatz de montée en puissance dont Faruk Hadzibegic, successeur de Michel Estevan au début du mois d'octobre, n'est pas totalement étranger. Face à Bordeaux, dimanche, l'entraîneur bosnien en saura davantage sur les prétentions de son groupe. Faut-il oublier le passé pour se donner un avenir ? En juin dernier, les candidats au baccalauréat littéraire avaient quatre petites heures pour plancher sur le sujet et sortir une prose digne d'intérêt aux yeux de leurs interlocuteurs. Plus qu'il n'en faut pour "Lucky Faruk" Hadzibegic qui pourrait répondre plus vite que son ombre à cette grande question philosophique. Il faut dire que l'expérience et le goût des voyages plaident pour l'entraîneur bosnien, spécialiste des missions commandos et parachuté dans des zones en perdition ces quatre dernières années (Niort, Dijon, Bastia et donc Arles-Avignon). Comme si l'ancien international yougoslave ne souhaitait pas s'investir dans la durée et que sitôt sa tâche terminée, échec ou pas, il effacerait son ardoise et referait son baluchon pour mieux rebondir ailleurs. Une thèse que cet ex-défenseur besogneux aurait nuancé en précisant que cette image de "mercenaire" ne correspondait pas à ses envies mais qu'elle lui collait à la peau comme l'on traîne une erreur de jeunesse dans son casier judiciaire. Il n'était donc pas si déroutant de retrouver l'ancienne idole de Bonal en haut de la liste des possibles successeurs de Michel Estevan à Arles-Avignon. Un promu qui brûlait de toutes parts avec aucun point au compteur en sept journées et de sacrés feux de Bengale en coulisses. Libre depuis son départ de Corse en mai dernier, Hadzibegic n'a donc pas hésité une seconde avant d'accepter le challenge proposé par le club provençal, ressortant ainsi du placard sa panoplie préférée de pompier de service. Les amateurs de clichés diront que retrouver un mec de Sarajevo dans un tel champ de ruines n'est pas si anecdotique. D'autres, encore plus mauvaises langues, insinueront que ce technicien, qui a roulé sa bosse dans les divisions inférieures, a le profil parfait pour coacher les Bucco-rhodaniens en Ligue 2 la saison prochaine. Cette tête brûlée, convaincue dès le départ qu'un maintien dans l'élite était dans ses cordes, n'est de toute façon pas du genre à prêter attention à tous ces commentaires. "L'homme est capable de tout", d'après lui. Psaume : "Depuis l'arrivée du coach, on est reparti sur de belles bases" Mais 28 éléments, dont les trois-quarts nouveaux au club, sont-ils capables d'inverser une tendance qui les amèneraient directement à l'étage inférieur avec le plus petit nombre d'unités jamais enregistré ? Trois fois oui pour Hadzibegic qui a, décidément, réponse à tout. "L'effectif est capable, j'en suis convaincu. L'équipe n'a jamais été faible et elle monte en puissance. Mon premier objectif va être de faire exprimer les joueurs et d'amener de la sérénité", annonce ainsi le nouvel entraîneur provençal lors de sa première conférence de presse. Direction donc l'hôtel du golf de Peralada, en Catalogne, pour un stage de trois jours censé fédérer le groupe. Le même endroit paradisiaque où, début juillet, douze Acéistes étaient devenus la risée du championnat français en commençant leur préparation physique... sans coach, puisque Michel Estevan venait tout juste d'être mis à pied. Mais, cette fois-ci, ce "stage de la dernière chance" sera le déclic de la saison provençale, les joueurs adhérant totalement au mode de fonctionnement du rigoureux technicien des Balkans. Benjamin Psaume, l'homme de la montée, se fait alors le porte-parole de tout un groupe dans la presse : "Il a rétabli une certaine hiérarchie, désormais ce sont les meilleurs qui jouent. Depuis l'arrivée du coach, on est reparti sur de belles bases, ce n'est pas du vent." Durant ce week-end prolongé, Hadzibegic se familiarise ainsi avec un groupe qu'il découvre et dirige trois séances par jour pour équilibrer un "niveau physique qui n'est pas le même pour tous." Droit dans ses bottes, le coach de l'ACA profite de cette émulation pour extraire de la cave certains bannis (Merville, Diawara, Correze, Soro), qui ciraient le banc depuis le recrutement XXL des dirigeants, tout en refusant une mise à l'écart des joueurs étrangers sous prétexte de leurs difficultés de communication. "Je ne suis pas ici pour faire plaisir à qui que ce soit", assène celui qui parle un français impeccable. "J'ai un profil d'entraîneur qui essaie de tirer le maximum de l'effectif dont je dispose. Je dois m'adapter aux joueurs, aller au plus simple." Pas étonnant dès lors que les termes "combat", "guerre", "engagement", "solidarité" soient parmi les plus utilisés de son vocabulaire. Les premiers effets se font immédiatement sentir avec un premier match nul à Brest (0-0), avant un second plus prestigieux face à Lyon (1-1), au terme d'un match homérique. Grâce à son gourou bosnien, le promu gagne progressivement une crédibilité qui lui faisait terriblement défaut depuis son accession dans l'élite et les remous qui ont suivi. Dès lors, son succès au forceps face à Caen, dans son antre du Parc des Sports (3-2), le 6 novembre dernier, est autant vécu comme une "libération" que comme une "simple étape" du processus de maintien entamé par l'entraîneur acéiste. Preuve qu'Hazdibegic garde la tête froide en toutes circonstances, conscient que le chemin est encore long avant de combler le retard sur ses rivaux directs pour le maintien (8 sur le premier relégable, Nancy). En fouillant dans les archives, un seul événement a, en fait, obligé le Bosnien à déposer les armes dans sa longue et riche carrière. Lorsqu'en avril 1992, après un match amical contre les Pays-Pas, il fut contraint de déchirer son billet pour la Suède et son Championnat d'Europe parce que la mosaïque dessinée par Tito implosait. "Mon pays entrait en guerre, on n'allait pas continuer à jouer au foot." Autant dire qu'en Arles-Avignon, où les seules mises à mort sont organisées dans des arènes, on voit mal ce qui pourrait empêcher Hadzibegic de dormir sur ses deux oreilles.