Guichard: "J'ai un très bon cheval"

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Propos recueillis par AXEL CAPRON , modifié à
Sucesseur de Lionel Lemonchois à la barre du trimaran tenant du titre et détenteur du record de l'épreuve, Yann Guichard dispute sa première Route du Rhum dans la classe Ultime. Dans cette optique, Gitana 11 a été rallongé de 60 à 77 pieds (23,50 mètres), le marin, l'un des plus expérimentés en France sur trois coques, espérant des conditions plutôt légères pour damer le pion aux Groupama 3, IDEC, Sodebo ou Oman Air Majan, plus puissants car plus grands.

Sucesseur de Lionel Lemonchois à la barre du trimaran tenant du titre et détenteur du record de l'épreuve, Yann Guichard dispute sa première Route du Rhum dans la classe Ultime. Dans cette optique, Gitana 11 a été rallongé de 60 à 77 pieds (23,50 mètres), le marin, l'un des plus expérimentés en France sur trois coques, espérant des conditions plutôt légères pour damer le pion aux Groupama 3, IDEC, Sodebo ou Oman Air Majan, plus puissants car plus grands. Comment aborde-t-on sa première Route du Rhum à la barre du bateau tenant du titre ? Heureux ! Il y a deux ans, quand le baron Benjamin de Rothschild m'a proposé la barre de Gitana 11, j'ai accepté avec honneur et je me suis préparé pendant ces deux années pour être fin prêt pour le départ le 31 octobre. On a modifié le bateau en conséquence, j'ai un très bon cheval, je me suis très bien entraîné, je suis assez serein. C'est vrai que ça met une certaine pression de faire partir du team tenant du titre, mais j'ai un bateau fantastique, à moi de bien faire les choses pour que ça se passe bien. Gitana 11 a été rallongé de 60 à 77 pieds, pourquoi ? Dès qu'on a appris que la prochaine Route du Rhum était open au niveau des multicoques, on a regardé quels étaient les adversaires potentiels, il y avait Sodebo et IDEC, des bateaux de 30-33 mètres de long. On savait très bien qu'au niveau des performances, un 60 pieds allait très vite dans le petit temps, mais aurait plus de mal dans des conditions ventées avec de la mer. Donc pour combler ce déficit, être plus polyvalent, on a rallongé les coques. Après, il ne fallait pas prendre trop de poids, car la plateforme est restée la même, donc on ne pouvait pas l'augmenter de dix mètres, on a été au maximum des possibilités, ça donne un bateau qui fait 23 mètres de long. On a gagné en polyvalence, mais c'est sûr que des bateaux de 33 mètres iront plus vite que nous dans des conditions assez musclées avec beaucoup de mer. Concrètement, cela donne quoi sur l'eau ? On a un peu moins de déficit dans la brise, on enfourne moins, ça rend le bateau un peu moins dangereux au portant qu'un 60 pieds. Maintenant, le bateau fait 7 tonnes au départ du Rhum, Gitana 11 il y a quatre ans faisait 7 tonnes. Là, on fait cinq mètres de plus, on peut imaginer que le bateau a plus de potentiel de vitesse. On avait des flotteurs qui dataient de 2001 au niveau du design, là ce sont des flotteurs tout nouveaux assez tendus, très plats, qui vont très vite au portant, proches de ceux de Banque Populaire V. Sous certaines allures, on a gagné entre 7 et 10% de vitesse, mais tout dépendra des conditions de vent. "Je n'ai pas mis les pieds sur un monocoque en course depuis 1995 !" Quels sont les atouts de Gitana 11 par rapport à la concurrence ? Gitana 11, c'est un pur sang, un bateau léger, très toilé. Dans le petit temps, on a un plus par rapport à nos adversaires, c'est un bateau difficile en manoeuvre mais beaucoup moins difficile que mes adversaires. Ma voile fait 130 kilos, une grand-voile sur Groupama 3 fait 200 kilos, donc on imagine que les manoeuvres sont plus évidentes sur mon bateau. Les conditions vont favoriser ou non l'un ou l'autre, mais je pense qu'on a un des bateaux les plus polyvalents, l'avenir dira si on a fait le bon choix. Le bateau a un vrai plus entre 6 et 14 noeuds, car il vole sur une patte, mais je ne me focalise pas là-dessus, je prendrai toutes les conditions, je me sens prêt, le bateau est prêt, j'ai une équipe à terre avec qui j'ai déjà travaillé, Sylvain Mondon à la météo, Billy Besson qui est un grand régatier, notre trinôme va bien fonctionner. Vous êtes vous-même un vrai spécialiste de multicoque, considéré comme un barreur hors-pair, c'est un atout en plus, non ? Un vrai, un grand barreur ? (Rires) On peut juste dire que je fais du multicoque depuis très longtemps, je n'ai pas mis les pieds sur un monocoque en course depuis 1995 ! Donc le multicoque, ça me plaît, sur tous les supports, c'est assez fantastique, on apprend toujours. Maintenant, tous les skippers qui vont s'aligner au départ ont une chance de gagner. Et être un bon barreur en ligne droite n'est pas forcément primordial. La Route du Rhum, si je barre 10% du temps, ce sera le grand maximum, c'est avant tout mon pilote automatique qui va barrer le bateau. En revanche, mes connaissances au niveau de la finesse de barre sont importantes pour régler le bateau, le sentir, et surtout ne pas le fatiguer. Parce que ça reste des prototypes, il faut arriver avant tout pour espérer gagner. Ce sont des bateaux exigeants, il faut en prendre soin, l'expérience permet de prendre conscience qu'il faut naviguer en souplesse avec. Maintenant, Franck (Cammas), Thomas (Coville), Francis (Joyon), Sidney (Gavignet) sont aussi de très bons barreurs. Vous ne disputez en revanche que votre première Route du Rhum alors que nombre de concurrents l'ont déjà courue, est-ce un handicap ? La Route du Rhum aurait été l'année dernière, ça aurait pu être un handicap, mais là, je me suis bien entraîné. J'ai fait beaucoup de double, j'ai couru les quatre dernières Jacques-Vabre, toutes les courses en 60 pieds, j'ai beaucoup de milles. Le solitaire, c'est certes très différent, mais j'ai appris à connaître, déjà avec Lionel (Lemonchois) que j'ai routé sur la dernière Route du Rhum, je suis ensuite monté petit à petit en régime à l'entraînement, j'ai appris à me connaître et à connaître mes limites. Le solitaire, il n'y a pas de livre pour l'apprendre, l'exercice qui est difficile, c'est d'accepter d'aller se coucher quand le pilote automatique barre. Je n'ai jamais fait de course en solitaire, jamais de Route du Rhum, mais je ne pense pas que ça va peser dans la balance. Au contraire, j'ai la fraîcheur qui fait que j'ai envie d'y aller.