Frazier, meilleur ennemi d'Ali

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avec agences , modifié à
BOXE - Joe Frazier, ancien rival de Mohamed Ali, est mort d'un cancer du foie à l'âge de 67 ans.

"Smokin' Joe" s'est éteint. Joe Frazier, l'un des plus grands boxeurs de l'histoire, qui faisait "sortir la fumée" de ses gants, est mort lundi à l'âge de 67 ans d'un cancer du foie, diagnostiqué il y a un mois.

Frazier, champion olympique en 1964 à Tokyo et champion du monde des lourds entre 1970 et 1973, restera dans l'histoire comme le grand rival de la légende Mohamed Ali, de deux ans son aîné et aujourd'hui atteint de la maladie de Parkinson. A l'annonce de la maladie de son ancien rival, Ali avait déclaré dans un communiqué : " Joe est un combattant et un champion, et je prie qu'il se batte maintenant." Ce dernier combat, Frazier l'a perdu.

Le premier à faire chuter Ali

Frazier-Ali, Ali-Frazier, ce fut trois combats d'anthologie lors des années 1970, les plus riches de l'histoire des poids lourds, et plus largement de l'histoire de la boxe mondiale. Le premier combat entre les deux hommes a lieu le 8 mars 1971. Frazier, alors champion du monde officiel depuis un peu plus d'un an, affronte l'ancien Cassius Clay, toujours invaincu mais déchu de sa couronne après avoir refusé d'incorporer l'armée américaine, alors engagée au Vietnam. Lors de ce qui fut considéré comme le "combat du siècle", Frazier envoie Ali au tapis lors de la 15e reprise et remporte le combat à l'unanimité des trois juges.

Frazier envoie Ali au tapis en 1971 :

Les deux boxeurs se retrouvent près de trois ans plus tard, le 28 janvier 1974, toujours au Madison Square Garden de New York. Ils ne sont alors plus au sommet de leur (noble) art et George Foreman est le poids lourd n°1. Ali l'emporte aux points lors d'une revanche qui ne manque pas de piquant. Car entre Frazier et Ali, ce n'est pas seulement une histoire de boxeurs, c'est aussi une histoire d'hommes. Et d'hommes noirs. D'un côté, il y a Frazier, le taiseux de Caroline du Sud, cadet d'une fratrie de 12, et de l'autre Ali, l'activiste sans peur du Kentucky.

Entre eux, les échanges ne se font pas seulement qu'avec les poings. Frazier appele Ali Cassius Clay, son ancien nom avant qu'il ne se convertisse à l'Islam. Ali traite Frazier de "gorille" et d'"Oncle Tom", terme désignant les Noirs obséquieux envers les Blancs.

Ali s'impose face à Frazier en 1974 :

Au tournant des années 1970, la boxe change de dimension. Un an après le fameux "Rumble in the jungle", qui opposa Ali à Foreman à Kinshasa, au Zaïre (à voir le documentaire oscarisé consacré à ce combat, When we were kings), le jeune promoteur Don King monte une "belle" entre Ali, le tenant du titre, et Frazier, son challenger. Ce sera le "Thrilla in Manilla", aux Philippines.

Le président Marcos souhaite alors redorer le blason de son pays, en pleine loi martiale. Sur le ring, c'est le guerre. Le troisième combat en quatre ans entre Frazier et Ali atteint un degré d'intensité rarement atteint. Juste avant la dernière reprise, le coin de Frazier demande à son boxeur de ne pas reprendre le combat. Ali l'emporte. Frazier ne montera plus que deux fois sur le ring, contre Foreman en 1976 (défaite) et un come-back manqué en 1981 (match nul).

Ali remporte le "Thrilla in Manilla" en 1975 :

Depuis sa retraite, Frazier avait perdu quasiment toute sa fortune et vivait très modestement au-dessus d'un gymnase à Philadelphie, "sa" ville. Il avait tenté un pari dans la chanson et a inspiré le personnage de Rocky Balboa, une icône de "Philly" devenue plus populaire que lui.

Entraîneur de jeunes boxeurs, Frazier n'a jamais eu la popularité d'Ali, pour lequel il aura conservé une inimitié certaine. Réagissant à l'allumage de la flamme olympique par son rival en 1996, aux Jeux d'Atlanta, Frazier avait à l'époque ironisé : "ils auraient pu le lancer dedans". "Je sais qui je suis, et oui, j'ai battu Ali les trois fois", expliquait un Frazier amer au New York Times en 2006. "Ali disait toujours que je ne serais rien sans lui. Mais qu'aurait-il été sans moi ?" Désormais, Ali est sans lui.