Forget: "La volonté et les tripes"

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L'équipe de France de Coupe Davis entame sa campagne 2011 en Autriche, à Vienne, pour le premier tour (du 4 au 6 mars). Guy Forget veut renouer avec l'état d'esprit conquérant qui avait animé les Bleus la saison passée. Sans Tsonga et Monfils, la rencontre sur la terre battue autrichienne apparait a priori dans les cordes des tricolores.

L'équipe de France de Coupe Davis entame sa campagne 2011 en Autriche, à Vienne, pour le premier tour (du 4 au 6 mars). Guy Forget veut renouer avec l'état d'esprit conquérant qui avait animé les Bleus la saison passée. Sans Tsonga et Monfils, la rencontre sur la terre battue autrichienne apparait a priori dans les cordes des tricolores. Guy, quels joueurs avez-vous retenu pour affronter l'Autriche au premier tour ? J'ai retenu Richard Gasquet, Gilles Simon, Michaël Llodra et Julien Benneteau. Les Bleus n'avaient pas été épargnés par les blessures l'an passé. La poisse s'abat de nouveau sur l'équipe de France avec les forfaits de Gaël Monfils et Jo-Wilfried Tsonga... C'est vrai, une nouvelle fois, la malchance s'en mêle. Pour autant, avec les quatre garçons sélectionnés, nous avons une belle carte à jouer. Dans beaucoup d'équipes, si vous enlevez les numéros 1 et 2, leurs chances sont quasi nulles. Nous, nos chances sont bien réelles. Nous avons perdu, c'est vrai, contre Novak Djokovic en finale en Serbie. Nous n'avons pas un Federer ou un Nadal en France, mais en dépit des forfaits de Gaël et de "Jo", notre réservoir nous permet d'aligner une équipe très compétitive. Le tennis masculin français ne se porte pas si mal. J'essaie de voir la bouteille à moitié pleine... N'est-ce pas frustrant de compter deux joueurs classés dans le Top 20, et d'en être privés pour des rencontres de cette importance ? La réponse se trouve dans la question ! Oui, c'est frustrant. Lorsque l'on est capitaine, on aimerait toujours pouvoir disposer de ses meilleurs joueurs, non seulement en bonne forme physique, mais également au top tennistiquement. Mais la Coupe Davis n'est pas une épreuve qui se dispute sur une semaine. C'est une compétition au long cours, jouée sur une année entière. Il peut se passer tellement de choses sur une saison... Tu gagnes un match, mais tu joues le suivant seulement deux ou trois mois après... Le joueur qui a remporté ses matches peut être beaucoup moins en forme lors de la rencontre suivante. Ça déjà, c'est frustrant. Mais quand en plus tu perds des joueurs sur blessures, c'est encore pire ! Tous nos joueurs ont été touchés, que ce soit Gilles, Richard, "Jo", Gaël, Julien... Depuis un an et demi, on ne peut pas dire qu'ils ont été épargnés par les blessures. Ils ont eu leur lot de malchance. J'espère que cela va s'arrêter. N'avez-vous le sentiment que les joueurs français sont un peu plus fragiles que les autres ? Car en faisant l'inventaire de ces derniers mois, tous ou presque ont été confrontés à des blessures plus ou moins sérieuses... Ce serait sans doute intéressant de faire une étude approfondie pour savoir si nos joueurs, par rapport au nombre de matches joués, sont plus souvent blessés que les autres. L'idée m'a traversé l'esprit. Y a-t-il quelque chose que nous ne faisons pas bien ? Je n'en sais rien. Il y a aujourd'hui beaucoup de joueurs de tous pays qui se blessent, mais c'est vrai que depuis un an et demi, nous ne sommes pas épargnés. "Cela n'a jamais été un match facile sur le papier" Finalement, cette rencontre contre l'Autriche, a priori assez jouable sur le papier, devient aujourd'hui très compliquée compte tenu des multiples forfaits... Cela n'a jamais été un match facile sur le papier. J'ai toujours considéré qu'il s'agissait d'un match difficile. Aujourd'hui, il l'est encore davantage. Mais je me répète, face aux quatre garçons que j'ai retenus, s'ils évoluent à leur meilleur niveau, ni Melzer, ni le deuxième joueur autrichien, quel qu'il soit, n'aborderont leur match tranquillement. Vous savez, lorsque vous héritez dans un tournoi de Gilles Simon, de Richard Gasquet ou de Michaël Llodra, ce n'est pas un tirage facile. Je pense sincèrement qu'en prenant connaissance de la composition de l'équipe de France, les Autrichiens ne se diront pas qu'une rencontre facile les attend. Avez-vous été pleinement rassuré sur l'état physique des quatre joueurs que vous avez sélectionnés ? J'espère que ça ira. Pour Julien Benneteau, je pense que le plus dur est maintenant derrière lui. Mika, ça va. En ce qui concerne Richard, il a gagné son premier match de façon convaincante à Dubaï (contre le Bulgare Dimitrov, ndlr), son épaule droite qui l'avait tracassé ces dernières semaines, semble en voie de guérison. Quant à Gilles, le torticolis qui l'avait handicapé à Rotterdam semble aujourd'hui de l'histoire ancienne. Compte tenu de ces incertitudes, n'avez-vous pas envisagé d'emmener un cinquième joueur à Vienne ? Nous allons demander à un joueur ou deux de se tenir prêt au cas où. Mais il faut savoir que là-bas, nous n'aurons qu'un seul court à notre disposition. Nous allons donc essayer d'optimiser les entraînements. Nous aurions eu du mal à préparer cinq joueurs sur terre battue dans de bonnes conditions. Nous allons nous concentrer sur les quatre sélectionnés. Et si nous devions connaître une nouvelle blessure, nous ferions appel à un autre joueur. Mais à l'arrivée, c'est la volonté et les tripes qui vont faire la différence. Comment allez-vous gérer le changement entre les surfaces dures et la terre battue ? Vous ne disposez que de quelques jours pour assurer cette transition. Oui, mais les joueurs ont déjà été confrontés à ce genre de problème. Nous allons évoluer en salle, où il n'y a pas de problème de soleil et de vent. C'est déjà beaucoup plus simple à appréhender. En fait, il y a deux cas de figure. Soit nos joueurs vont loin dans le tournoi où ils sont engagés cette semaine, à Dubaï, et dans cette situation, ils vont jouer ce premier tour de Coupe Davis avec seulement quatre jours sur terre dans les pattes, mais avec le plein de confiance grâce aux matches qu'ils auront gagnés. Soit ils perdent rapidement, et là, ils auront davantage de temps pour se familiariser avec le jeu sur terre. Pour résumer, dans les deux cas de figure, il y a du positif. "On va vraiment avoir besoin de Simon, et je compte sur lui" De son côté, Gilles Simon, la semaine passée, avait avoué ne pas être très chaud à l'idée de jouer sur terre battue en pleine saison sur dur. Avez-vous eu l'occasion d'échanger avec lui ? Non. On avait parlé de tout cela en Australie, mais pas depuis. A l'époque, on savait que Gaël était a priori le numéro 1 de l'équipe sur terre battue. A partir de là, Gilles n'était pas du tout assuré de jouer en simple. Auquel cas, il pouvait renforcer sa préparation sur dur. Ce que je comprenais tout à fait du reste. Aujourd'hui, les données sont complètement différentes. Et heureusement que Gilles joue très bien en ce moment et même de mieux en mieux depuis quelques semaines. On va vraiment avoir besoin de lui, et je compte sur lui. Compte tenu de la composition de votre sélection, les rôles de chacun semblent clairement définis: Richard Gasquet et Gilles Simon en simple ; Julien Benneteau et Michaël Llodra en double. Est-ce aussi limpide que cela ? C'est effectivement possible que cela se passe de cette façon. Maintenant, tout le monde doit se préparer au mieux en simple comme en double pour parer à toutes éventualités. On sait très bien que sur une rencontre, on peut être confronté à des imprévus, à des blessures, à des coups de fatigue... "Mika" et Julien vont donc bien évidemment travailler le simple, car on ne peut pas se permettre de négliger quoi que ce soit. Tout le monde va se préparer avec le maximum de sérieux et de rigueur. En cherchant un peu de positif dans cette succession de pépins, est-ce que tous ces problèmes ne vont pas contribuer à souder le groupe, à former un esprit commando ? Peut-être ! Pourquoi pas, en tous cas, je l'espère. Tout le monde à un rôle à jouer dans cette équipe. Je me souviens avoir dit à Richard l'année dernière, alors qu'il faisait beaucoup d'efforts, et qu'il jouait bien: "Tu n'as pas joué cette année, mais je compte vraiment sur toi l'année prochaine. Soit en simple, soit en double." Et voilà, dès la première rencontre, on va avoir besoin de lui. Je sais qu'il est prêt, qu'il a envie de rapporter des points à l'équipe. De plus, Richard a de l'expérience, ce n'est pas un jeune joueur qui va se retrouver parachuter en Coupe Davis. Il a déjà joué plein de matches dans cette épreuve. Et il a, dans le passé, apporté des points précieux. C'est une très bonne occasion pour lui de bien démarrer une nouvelle saison en Coupe Davis. Que pensez-vous de l'équipe d'Autriche ? Ce n'est pas une équipe aussi homogène que la nôtre. Pour autant, elle est très dangereuse, car elle possède en Jürgen Melzer un leader de grand talent. Il le démontre par ses résultats depuis plus d'un an. Il vient d'intégrer le Top 10 pour la première fois de sa carrière tout récemment. Les Autrichiens possèdent également un double qui, sur le papier, apparaît très solide. Derrière, ils ont des joueurs beaucoup moins bien classés que les nôtres, mais qui, sur cette rencontre, n'auront rien à perdre. Ces joueurs, devant leur public, peuvent s'avérer très dangereux. Ils sont capables de sortir un match complet, audacieux. On doit donc d'attendre à affronter un numéro 2 autrichien qui abordera la rencontre dans cet état d'esprit. Jürgen Melzer apparaît clairement comme l'épouvantail de la rencontre. Il joue bien sur terre battue, il est aujourd'hui dans le Top 10... Tout à fait. On est fixé. On sait parfaitement que lorsqu'il évolue à son meilleur niveau, il est très fort. Les deux joueurs français qui vont l'affronter en simple n'auront rien à perdre. Car aujourd'hui, si on perd contre Melzer sur terre, chez lui en Autriche, il n'y a rien à dire. Dans ce contexte, une victoire sur Melzer serait une très belle victoire. C'est le discours que je vais leur tenir. Deux mots sur le contexte très particulier de cette rencontre. Vous allez évoluer dans un hangar, à l'aéroport. C'est pour le moins curieux... C'est une première pour moi. C'est toujours bien de découvrir de nouvelles ambiances. Mais après avoir vécu ce que l'on a subi en Serbie, on s'attend à une ambiance plus "souple" en Autriche. Ce que je regrette, c'est que l'on ne va pas vraiment profiter de cette magnifique ville qu'est Vienne, mais en même temps, on n'est pas là pour faire du tourisme !