Dabaya: "Rien ne me perturbe"

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Propos recueillis par Thomas PISSELET , modifié à
Souriant, une poche de glace sur chaque cuisse après l'un de ses derniers entraînements à l'Insep, Vencelas Dabaya était serein avant de s'envoler pour les Jeux Olympiques de Pékin. Le champion du monde 2006 d'haltérophilie, en -69 kg, espère même battre ses propres records en Chine. Et ainsi ravir l'or, seul titre majeur manquant à son palmarès.

Souriant, une poche de glace sur chaque cuisse après l'un de ses derniers entraînements à l'Insep, Vencelas Dabaya était serein avant de s'envoler pour les Jeux Olympiques de Pékin. Le champion du monde 2006 d'haltérophilie, en -69 kg, espère même battre ses propres records en Chine. Et ainsi ravir l'or, seul titre majeur manquant à son palmarès. Vencelas, comment s'est passée votre préparation ? L'essentiel du travail a été effectué à l'Insep. Mais les deux dernières semaines avant les Jeux sont aussi très importantes. C'est là qu'on peaufine notre tactique et que j'essaye de me rapprocher de mes objectifs personnels. Les conditions climatiques en Chine peuvent-elle être un problème dans votre performance ? Evidemment, ces conditions sont primordiales. Si l'on s'entraîne toute l'année sous une température de 15°C, et que l'on se retrouve d'un coup à 35°C, c'est difficile. On le subit, on peut très mal le prendre. Moi, j'ai cette faculté d'adaptation parce que je suis né dans un pays où il fait chaud (le Cameroun, ndlr). Le climat de Pékin peut être un avantage pour moi. Quels objectifs vous fixez-vous à Pékin ? A l'arraché, j'ai un record à 148 kg. Donc je vais essayer de faire beaucoup plus. A l'épaulé-jeté aussi, mon record est à 188 kg et je veux faire encore mieux. Ce sera compliqué mais je me suis entraîné pour. Après, il y a d'autres critères à prendre en compte. La difficulté, c'est qu'on s'entraîne pour être fort un seul jour (le 12 août, ndlr). Mais il ne s'agit pas uniquement de force, il faut aussi avoir un peu de chance pour être le meilleur. "Je suis déjà bien" Et vous, vous sentez-vous fort ? Je suis quelqu'un d'assez serein. Je ne ressens pas de pression particulière, rien ne me perturbe. Je suis déjà bien, mon regard est braqué vers ces Jeux. Que dire de plus ? Tout se passe bien dans ma tête. On imagine que vous attendez cette date depuis longtemps... Ah non, pas vraiment. J'ai essayé de faire attention à ça justement. Contrairement à d'autres compétitions où on est fatigué de la préparation, où on a envie d'en finir, là, j'ai veillé à faire les choses dans l'ordre. Cela fait quatre ans que je m'entraîne pour Pékin, comme tous les autres sportifs d'ailleurs. Alors je n'étais pas à une semaine près. Comment jugez-vous vos derniers mois de compétition, avec notamment l'argent conquis aux Championnats d'Europe et votre record de France du total olympique en +77 kg (*) ? Je suis en progression, ces performances situaient l'état de ma préparation. Mais je dois faire quelque chose de plus important à Pékin. Ce ne sera pas les Championnats de France... Aux Jeux, dans ma catégorie, tout le monde est un concurrent potentiel. Il faut se préparer mentalement à se faire violence. Votre voyage en Iran en début d'année a dû vous aider dans ce sens... Oui, j'y suis allé pour y disputer un tournoi et travailler ce cauchemar de l'arraché. C'était le but, je sortais de vacances, il fallait entrer à nouveau dans le vif du sujet. Ce tournoi tombait vraiment au bon moment, je voulais voir où j'en étais. "150 kg à l'arraché, c'est un révélateur" A ce moment-là, l'arraché était votre talon d'Achille. Depuis, avez-vous progressé dans ce domaine ? Je ne sais pas. En tout cas, je l'ai vraiment travaillé. Plus que d'habitude. Pékin sera révélateur, je verrai si j'ai vraiment bien assimilé tout ce travail. Aux Championnats de France, c'était plutôt pas mal. J'ai passé la barre des 150 kg, même si c'était dans une catégorie au-dessus. En Allemagne pareil, j'ai passé 152 kg. Maintenant, il faut concrétiser. Pourquoi parle-t-on de barre psychologique à 150 kg ? Dans ma catégorie des -69 kg, c'est une barre mythique. C'est une barre qui vous place directement parmi les meilleurs dans ce mouvement. Je me suis toujours trouvé un peu à l'écart dans cette spécialité, mais quand vous passez 150 kg, peu importe le nombre d'adversaires, vous êtes au moins dans les cinq meilleurs. Nous on fait un sport de chiffre. C'est comme un mec qui va courir le 100 mètres sous les 10'', il va se placer parmi les favoris. C'est révélateur. Et où vous situez-vous dans la hiérarchie mondiale ? Au ranking list, je suis quatrième, il y a deux Chinois et un Arménien devant moi. L'an dernier, j'étais premier, en 2006 aussi. C'est le jeu, cela crée une certaine émulation. Chacun fait son parcours dans son coin, ce n'est pas comme si on s'était tous retrouvé à chaque fois sur le même plateau. L'haltérophilie est souvent associée au dopage, l'équipe de Grèce a été épinglée il y a peu. Comment le vivez-vous au quotidien ? Ces contrôles prouvent que les instances sont compétentes. Mais ça ne touche pas que l'haltérophilie. En tout cas, je trouve que c'est de bon augure pour les athlètes français. Notre fédération fait bien son travail à ce niveau-là, et cela peut nous aider à jouer les premiers rôles sur la scène internationale. Il faut aussi voir ce qu'il y a derrière le dopage. Pour certains, c'est dans leur culture. Ils ont toujours fait comme ça. Le dopage peut être la conséquence d'un entourage et des enjeux autour d'une compétition. "Ne pas renier mes origines" Et si l'on vous dit que l'haltérophilie est un sport de brutes... Ceux qui disent ça n'ont jamais pratiqué ce sport. Dans d'autres disciplines, on doit pratiquer l'haltérophilie et on ne dit pas que ces athlètes-là sont des brutes... Un bon haltérophile regroupe un peu toutes les qualités. Souplesse, vitesse, dynamisme, coordination, explosivité. C'est tout ça qui, ajouté au mental, fait le haut niveau. Il y a quatre ans, à Athènes, vous défendiez les couleurs du Cameroun. Pourquoi être passé sous l'étendard français ? Je suis arrivé en France en 1999 et je m'y suis bien senti. Les premiers mois ont été difficiles mais ça s'est arrangé au fil du temps. Je suivais l'équipe de France de loin, même en étant Camerounais. Pour moi, ce choix était un peu égoïste. Quand on rêve du haut niveau, il faut s'en donner les moyens. Pour certains, c'est tricher. Moi, c'était de venir ici, progresser dans les bonnes conditions et bien m'entourer pour continuer à croire en mon rêve. Ce rêve, c'est La Marseillaise à Pékin ? Oui. La France est ma patrie d'adoption. Mais je ne veux pas renier mes origines. Toute ma famille vit au Cameroun, c'est au fond de moi. A Pékin, je défendrai les couleurs tricolores aussi pour le continent africain, qui n'est forcément pas un "grand" au niveau olympique. (*) Vencelas Dabaya sera engagé en -69 kg lors des Jeux Olympiques. Mais il avait tout de même battu son record de France du total olympique (341 kg) et de l'épaulé-jeté (191 kg) lors des Championnats de France, le 24 mai à Clermont-Ferrand, dans la catégorie supérieure des +77 kg.