Anelka fait débat

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la rubrique Football, avec MORGAN BESA , modifié à
Après avoir donné la parole à Vincent Duluc, auteur du Livre noir des Bleus dans lequel le journaliste fustige l'attitude de Nicolas Anelka pendant la Coupe du monde, il nous a semblé intéressant de vous proposer la version "opposée" d'un autre journaliste, Arnaud Ramsay, biographe du joueur. Forcément un son de cloche en décalage...

Après avoir donné la parole à Vincent Duluc, auteur du Livre noir des Bleus dans lequel le journaliste fustige l'attitude de Nicolas Anelka pendant la Coupe du monde, il nous a semblé intéressant de vous proposer la version "opposée" d'un autre journaliste, Arnaud Ramsay, biographe du joueur. Forcément un son de cloche en décalage... Un même événement pour deux positions sensiblement différentes. La Coupe du monde 2010 restera comme l'une des pires périodes de l'équipe de France de football. Un naufrage collectif marqué par une faillite sportive et humaine dont le point d'orgue aura été les insultes proférées par Nicolas Anelka à l'encontre de Raymond Domenech à la mi-temps de France-Mexique (0-2) puis la grève des joueurs de l'équipe de France un jour d'entraînement public devant les caméras du monde entier. Sur ce point, pourfendeurs et défenseurs de Nicolas Anelka semblent s'accorder: c'était une immense erreur. Pour les uns et les autres, Domenech est le point central de tout ce chaos. Voici leur point de vue: Raymond Domenech Le point de vue de Vincent Duluc, journaliste à L'Equipe "C'est forcément de sa faute si ça n'a pas marché, si le ciment social n'a pas fonctionné. Cela veut dire qu'il n'a pas fait les bons choix, qu'il n'a pas aggloméré le bon nombre d'égos forts et moins forts, de joueurs qui jouent pour eux ou pour l'équipe. Il s'est trompé dans les ingrédients. C'est une évidence. Cette équipe de France ne pouvait pas aller plus loin ainsi déséquilibrée entre l'égo et le talent de ces joueurs offensifs et le manque de talent des éléments défensifs. Il fallait créer un autre modèle. Ce qu'on peut reprocher à Raymond Domenech est donc de ne pas avoir eu le courage de le faire, d'aller au bout de ses idées car je pense qu'il en était conscient." Le point de vue d'Arnaud Ramsay, journaliste à France Soir "Avec Domenech, ça a commencé avec des bas, puis il a rappelé Nicolas Anelka à la surprise générale en 2005 avant de le laisser de coté pour la Coupe du monde. Donc des rapports ambigus. Depuis 2006, il était devenu non pas un relais de Domenech, mais un de ceux en qui il avait confiance. Il avait l'impression d'instaurer un climat de confiance avec Domenech, s'en était expliqué avec lui à Londres avant la Coupe du monde. Il avait l'impression d'avoir été écouté. Ce qu'il n'a pas compris, c'est que ce qu'a écouté Domenech, il ne l'a pas appliqué dans le jeu, à savoir la volonté de ne pas évoluer seul en pointe. (...) Domenech en veut beaucoup à Anelka et vice-versa. De toute façon, toute l'équipe en veut à Domenech." Notre analyse: Finalement, le pouvoir de l'ancien sélectionneur est mis en cause dans les deux cas, mais sans doute pas pour les mêmes raisons. On le comprend évidemment avec le positionnement de Nicolas Anelka, seul en pointe, ce qu'il ne souhaitait pas car il estimait que cela ne pouvait pas marcher. Son incompréhension et l'absence de communication du staff semblent avoir pesé lourd dans la balance. Attaquant de pointe ? Le point de vue de Vincent Duluc "Ah ! Nicolas Anelka... Dans la république, il a un poste à part (rires). J'observe que son début de saison est magnifique avec, et encore cette semaine en Ligue des champions, il a joué avant-centre seul en pointe à la place de Drogba. Et c'est marrant car il n'a rien dit, n'a pas insulté son entraîneur à la mi-temps et n'a pas dit que ce n'était pas son poste. Donc je pense que tout cela repose sur une espèce d'escroquerie intellectuelle ou de caprice passager de quelqu'un qui n'est pas lucide." Le pointe de vue d'Arnaud Ramsay "Le décalage vient du fait que Nicolas Anelka avait demandé à Raymond Domenech lorsqu'ils se sont vus à Londres de ne pas jouer seul en pointe mais de jouer un peu décroché autour de l'attaquant, que cet attaquant s'appelle Gignac, Henry ou Cissé. Le décalage vient de là, Anelka va avoir l'impression d'être envoyé au casse-pipe et, dans cette position de pur attaquant de pointe en équipe de France, de pouvoir jouer des heures sans marquer un but. Ce qui s'est produit. Donc au vu de la Coupe du monde et des matches de préparation, est-ce que Nicolas Anelka méritait de jouer ? Evidemment que non. Il a été mauvais, mais comme l'ensemble de l'équipe de France. C'est un naufrage collectif." Notre analyse: Pour ce qui est des performances d'Anelka avec son club, Arnaud Ramsay se veut très clair et trouve d'autres raisons que Vincent Duluc: Chelsea, en prolongeant son contrat, en le soutenant, lui a fait donner le meilleur de lui-même, ce dont profitent les deux parties. Un soutien dont le joueur ne pensait pas bénéficier auprès de Raymond Domenech qui, estime-t-il, le faisait joueur contre-nature. Cela exuse-t-il pour autant son comportement ? Assurément non... L'insulte C'est évidemment l'épiphénomène, la pointe de l'iceberg. Certains joueurs ont expliqué que ce genre de choses arrive aussi en club. C'est pourtant le plus difficile à comprendre pour le grand public. Le point de vue d'Arnaud Ramsay "Ça commençait à fuiter le vendredi soir, cette histoire de une, j'ai été alerté, j'ai envoyé un texto à Anelka, qui m'a rappelé. C'est moi qui l'ai informé que ça ferait la une de L'Equipe, parce que les journalistes de L'Equipe l'assuraient autour d'eux. On a parlé une heure, il m'a dit les mots qu'il aurait prononcés et qui ne sont pas ceux mis en une. Il a insulté le coach à la mi temps, c'est une certitude. De là à en faire une photo montage où ils sont côte à côte alors que Duluc précise que Domenech n'a pas tout entendu... Anelka était dans son coin assis alors que cette Une suppose presqu'ils en sont venus aux mains. Et Anelka, ça fait vendre." Le point de vue de Vincent Duluc "Peut-être a-t-il été poussé par certains de ses coéquipiers, l'un d'entre eux, peut-être un ancien buteur, qui aurait voulu retrouver sa place (Thierry Henry, ndlr)... Je ne sais pas s'il a tout maitrisé mais en tout cas il a tout raté... Il a laissé cette trace-là, à la fois celle d'une faillite sportive totale mais aussi d'une vrai faillite morale et pas seulement à cause de l'insulte..." Notre analyse: Ces insultes mais également la une de L'Equipe, que beaucoup de joueurs ont dénoncée par la suite, ont entraîné une réaction en chaîne - conférence de presse ahurissante de Jean-Pierre Escalettes, renvoi de Nicolas Anelka, grève des joueurs... - en raison notamment de la très mauvaise gestion de l'affaire par la FFF. Un séisme qui, après coup, pourrait s'avérer bénéfique, puisqu'il a été le point de départ d'une reconstruction de l'équipe de France sur des bases plus saines... La responsabilité d'Anelka dans la grève des joueurs Le point de vue de Vincent Duluc "Je trouve irresponsable de dire avant de partir aux autres joueurs: "J'espère que vous allez faire quelque chose pour moi", alors que lui n'avait jamais levé le petit doigt pour personne. Evidemment, on peut l'interpréter par: "Vous allez gagner, vous qualifier..." Sauf qu'il n'a pas dit cela et que ce n'est pas comme ça qu'ils l'ont entendu. Tous les joueurs se sont sentis obligés à une certaine solidarité factice qu'ils avaient été incapables de montrer sur le terrain et ils ont été embrigadés comme cela dans cette logique suicidaire et gréviste." Le point de vue d'Arnaud Ramsay "Dans la vie très particulière d'Anelka, cette sortie assez catastrophique lui ressemble un peu. L'insulte, c'est l'étincelle lors d'un naufrage sportif. (...) Je crois qu'ils étaient vraiment coupés du monde, à Knysna, le naufrage était sous nos yeux. Peut-être Anelka a-t-il dit cette phrase mais si cela induit que Toulalan et les autres fassent un communiqué et la grève du bus, cela me semble assez grave." Notre analyse: Une fin marquée par la fuite vers Londres. Des images volées à l'aéroport du Cap, celles d'un homme, capuche sur la tête. Avant ce dernier épisode, une dernière opposition sur les modalités des excuses. Un fossé à tous les étages et au moins un point sur lequel les deux journalistes sont d'accord: Anelka a complètement manqué sa sortie... Les excuses Le point de vue de Vincent Duluc "Certains joueurs n'étaient même pas au courant qu'Anelka refusait de s'excuser publiquement. Ou tout court d'ailleurs, puisque c'était ça au début. Au lendemain de l'insulte, quand les joueurs passent devant Domenech dans le hall, un seul ne dit pas bonjour, c'est Anelka. Anelka accepte ensuite de s'excuser en privé mais pas en public comme le réclame la fédération." Le point de vue d'Arnaud Ramsay "Compte tenu de cette une de L'Equipe, la fédération a exigé qu'Anelka présente des excuses publiques. Le problème est qu'il est sûr de n'avoir jamais dit les mots brandis en une. Il ne voyait donc pas de raison de s'excuser. Il est conscient d'avoir insulté son coach et a accepté de le faire devant les joueurs, le staff, ce qui à ma connaissance a été fait. Il voulait bien parler à Domenech, mais lui voulait qu'Anelka vienne seul. Anelka a souhaité que le capitaine soit là et d'autres, pour qu'il n y ait pas de décalage entre ce qu'on dit publiquement et en privé. Domenech a refusé d'avoir ce tête à tête. L'explication n'a jamais eu lieu." Notre analyse: Entre deux hommes aux egos peut-être surdimensionnés, ce qui aurait pu être une franche explication mettant un terme définitif à l'affaire n'a en effet pu avoir lieu. Là-dessus, les responsabilités semblent partagées, et aujourd'hui, ni l'un ni l'autre ne font partie de l'équipe de France...