L'America est convoitée

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AXEL CAPRON , modifié à
VOILE - Alinghi et Oracle s'apprêtent à se disputer la 33e Coupe de l'America.

VOILE - Alinghi et Oracle s'apprêtent à se disputer la 33e Coupe de l'America. Parlons sport ! Après avoir fait la une des gazettes juridiques pendant deux ans et demie (voir La Coupe de l'America en questions, la Coupe de l'America ouvre à partir de lundi une très courte parenthèse sportive pendant laquelle sera offert sur le plan d'eau de Valence, où eu lieu la 32e édition en 2007, le spectacle d'une régate entre deux multicoques de 27 mètres de large (pour une trentaine de long), un catamaran suisse et un trimaran américain, qui rappellera à beaucoup le «Mismatch» (non-match) de 1988 (voir l'historique") entre un petit catamaran américain, Stars and Stripes, et un long monocoque néo-zélandais, remporté par le premier. Comme à l'époque, les deux protagonistes de cette 33e Coupe, le «Defender» suisse Alinghi et son «challenger of record» américain, BMW Oracle, se détestent cordialement, d'autant plus que l'on retrouve dans le camp de ce dernier un marin jusqu'ici invaincu dans la compétition (trois victoires, 14 régates remportées d'affilée), le Néo-Zélandais Russell Coutts, débauché à prix d'or en juillet 2007 par le milliardaire «bling-bling» Larry Ellison, patron d'Oracle, lui qui avait été remercié trois ans plus tôt par un autre milliardaire et boss d'Alinghi, Ernesto Bertarelli, avec lequel il avait remporté la 31e Coupe. Querelles de personnes donc, mais aussi et surtout querelles de gros sous depuis la deuxième victoire d'Alinghi, une nouvelle fois face aux Kiwis, en juillet 2007 à Valence, avec des millions de dollars gaspillés en frais d'avocat, mais également injectés dans la construction et le développement, à grand renfort de matières grises françaises (voir Une Coupe "archi-française""), de deux machines, Alinghi 5 et USA 17, qui ne manquent pas de fasciner les amateurs de belles lignes et de vitesse. Car aussi paradoxal que cela puisse paraître, la Coupe de l'America, "grande saga des temps modernes" pour l'un de ses plus fins connaisseurs, Bruno Troublé, n'en continue pas moins, malgré moult épisodes peu glorieux, d'exercer un pouvoir d'attraction auprès des passionnés de voile, à la fois parce qu'elle est l'une des rares compétitions véliques à opposer des nations, mais également parce que les fortunes qu'y ont consacrées depuis sa création en 1851 nombre de milliardaires (de Sir Thomas Lipton à Larry Ellison en passant par Raul Gardini, le Baron Bich, Ted Turner ou Bill Koch...) ont permis de pousser la recherche et le développement à des niveaux technologiques jamais atteints. Qui ose un pronostic ? Jusque-là, c'est à de lourds monocoques, lestés par des quilles de vingt tonnes, que les plus prestigieux architectes de la planète, ingénieurs, spécialistes de l'hydro, de l'aérodynamisme, des matériaux composites et autres, consacraient leur savoir-faire, cette fois-ci, et c'est une première, ce sont deux multicoques qui s'affrontent sur l'eau, d'abord le lundi 8 sur un parcours de 40 milles (aller-retour), ensuite le mercredi 10 (triangle de 39 milles) enfin, en cas de match nul, le vendredi 12 (parcours similaire à la première manche), date à laquelle devrait en principe être connu le vainqueur de cette 33e Coupe de l'America. Des bateaux ultra-perfectionnés dans lesquels tout a été poussé à l'extrême, à l'image du mât-aile, plus grand qu'une aile d'Airbus 380 (57 mètres contre 39!), équipant USA 17, une innovation technologique jugée par tous aussi osée que risquée, car faisant planer au-dessus de la tête des navigants américains la menace que ça ne marche pas, voire que ça tombe. Les dix jours précédant la première régate ont ainsi donné lieu à toutes les supputations et rumeurs, qui sur la composition des équipages, qui sur la météo attendue sur zone, qui sur les difficultés d'untel à virer ou les supposés pépins techniques de l'autre, si bien qu'au moment d'en découdre sur l'eau, on ne sait plus vraiment à quel saint se vouer et on n'ose plus se risquer au moindre pronostic. Ce que l'on sait en revanche, c'est qu'Alinghi 5 sera barré lundi par Ernesto Bertarelli «himself», avec - cocorico ! (il y a au moins un Français par équipage) - sans doute Loïck Peyron à ses côtés prêt à l'assister, tandis que sur USA 17, ce n'est pas Larry Ellison, qui sera aux commandes (il sera sans doute à bord), mais l'Australien James Spithill, ex-barreur de Luna Rossa. Deux hommes qui seront lundi matin sous très forte pression, au moment de couper la ligne de départ du premier parcours, tant le monde de la Coupe de l'America est suspendu à l'issue de ce duel. Car même si la Cour suprême de l'Etat de New York doit encore se prononcer le 25 février sur un des nombreux points de litige entre les deux parties et que des recours sont toujours ensuite possibles, le visage de la 34e Coupe dépendra du vainqueur de la 33e. Alinghi vainqueur, et le plus vieux trophée du monde pourrait se disputer de nouveau sur multicoque et donc entraîner le retrait de nombre de défis, notamment anglo-saxons, peu portés sur la chose, Oracle lauréat, et l'on pourrait revenir à un format traditionnel sur monocoque voulu par le plus grand nombre. Quoi qu'il en soit, il y aura, mercredi 10 ou vendredi 12, un milliardaire triomphateur et un autre humilié, la récré aura assez duré...