Jusqu'où peuvent aller les "zadistes" ?

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INTERVIEW E1 - A Notre-Dame-des-Landes, Sivens, Roybon,… des militants occupent la zone et se structurent. 

Notre-Dame-des-Landes, Sivens, Bure, Gonesse, Nice,... ces lieux sont devenus des symboles de la contestation en France. Dernier exemple en date, à Roybon (Isère) où le tribunal administratif de Grenoble devra décider jeudi de suspendre, ou non, les travaux du Center Parcs. De nombreux manifestants s’insurgent depuis plusieurs mois contre le projet de village du groupe Pierre & Vacances. Nicolas Haeringer, spécialiste des mouvements altermondialistes, décrypte les enjeux de ces "zones à défendre".

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Comment pourrait-on définir les "zadistes" ?

Tout est parti de Notre-Dame-des-Landes et du projet très contesté de construction d’aéroport. ‘ZAD’ fait référence à ‘zone d’aménagement différé’. C’est d’abord un jargon administratif, qui est devenu ensuite un marqueur militant : ‘zones à défendre’. Les ‘zadistes’ sont donc les militants qui ne sont pas directement reliés à des partis politiques ou à des associations et qui ont décidé de tenir un siège, d’y construire des cabanes et d’expérimenter à la fois des formes de résistance créatives et d’autres modes de vie (comme l’agroécologie ou la permaculture). On est à la fois dans une logique de résistance où les militants veulent vraiment bloquer l’accès au chantier ou résister à la police qui vient les déloger, mais aussi dans une logique de squat à grande échelle et en pleine nature et enfin les militants expérimentent une société alternative. On a vu ces phénomènes aussi bien à Sivens mais aussi à Roybon et dans beaucoup d’autres endroits en France.

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Quel est l’enjeu de toutes ces mobilisations ? Est-ce, à chaque fois, une lutte très locale ou est-on au contraire dans une indignation plus globale ?

Les ZAD sont des déclinaisons rurales d’Occupy Wall Street. Les occupations rassemblent des gens qui sont là pour des motivations très différentes mais ce ne sont pas du tout des luttes exclusivement locales. Concernant l’enjeu de cette mobilisation, il existe deux hypohèses. Il y a d’abord le postulat formulé par le Comité invisible qui explique que dans le contexte actuel, l’enjeu des luttes n’est plus la question sociale mais le territoire et son contrôle. C’est flagrant dans le cas de Notre-Dame-des-Landes où les manifestants s’opposent à des décisions qui ont été arrêtées il y a 50 ans ! On a de nouvelles données qui font qu’il est relativement normal de remettre en cause ces constructions. Dans ces luttes, il y a ensuite très souvent des enjeux autour du climat et de l’environnement.  

ZAD

© "Les activistes partagent leurs analyses, échangent leurs slogans et revendications". (RETUTERS)

A-t-on affaire à un nouveau mouvement structuré ?                                                          

Quand on voit que ça dure depuis plus de trois ans et que ces luttes se diffusent partout dans le monde, oui, on est bien  en présence d’une nouvelle construction, d’une nouvelle expérimentation. On était dans une phase dans lesquelles les luttes se structuraient autour d’adversaires communs – une solidarité transnationale – comme le FMI, la Banque mondiale, l’OMC. Énormément de militants voyageaient pour manifester notamment lors de sommets comme le Forum social mondial. Aujourd’hui, on est dans une dynamique inverse – que j’appellerai le ‘translocal’ – où tout part d’une occupation très localisée mais où les militants restent en contact. Dans cette phase, les activistes partagent leurs analyses, échangent leurs slogans et revendications.  

Les partis politiques n’ont-ils pas envie de récupérer ce mouvement ?

Certainement mais ils vont avoir beaucoup de mal. Les ‘zadistes’ sont extrêmement méfiants vis-à-vis des partis politiques. Ils ont le sentiment que la plupart de ces acteurs ne vont pas vraiment les aider dans leur lutte. Leur très forte volonté de préserver leur autonomie est vraiment au cœur de la mobilisation.