Violences, privations de nourriture... Que sait-on de l'école l'Angélus, fermée par la justice ?

L'école l'Angélus a été fermée par la justice début juin.
L'école l'Angélus a été fermée par la justice début juin. © AFP
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M.L , modifié à
Cet établissement catholique traditionaliste, hors contrat, a été fermé le temps d'une enquête sur des soupçons d'abus sexuels et de maltraitances pesant notamment sur son directeur.

Un établissement scolaire français peut-il éduquer les enfants en recourant à des méthodes "dignes du XIXe siècle", dans le plus grand secret ? C'est la question que pose le dossier de l'école l'Angélus, fermée sur décision préfectorale au début du mois de juin à Presly, dans le Cher. L'institution, qui accueillait 109 garçons du primaire à la terminale, fait partie des 1.300 établissements "hors contrat" de France. Elle doit rester close au moins jusqu'à l'été, à moins qu'un recours déposé par l'avocat de son directeur, qui dénonce des "calomnies" et une "vengeance personnelle" d'anciens professeurs, n'aboutisse d'ici-là.

  • Que reproche-t-on à cette école ?

Selon France Bleu, un premier signalement a été effectué par un couple de parents auprès de l'inspection académique et du rectorat, fin mars. Ces derniers faisaient notamment état de "comportements équivoques" de la part du directeur, qui accordait des "attentions particulières" à certains enfants, les portant régulièrement sur ses genoux. Une enquête a été ouverte et une vaste opération de gendarmerie menée au sein de l'établissement, qui s'adresse, selon son site internet, "aux parents catholiques soucieux de la formation spirituelle et humaine de leurs enfants". Une soixantaine d'enfants ont alors été auditionnés, dévoilant aux enquêteurs des méthodes éducatives "reposant sur une forme de violence et une organisation extrêmement hiérarchisée", selon le procureur de la République de Bourges, Joël Garrigues. "Il ne s'agit pas d'éléments de  dysfonctionnement, mais constitutifs d'infractions pénales : des mauvais traitements sur des enfants (violences, privations de repas, punitions à caractère corporel…) et des soupçons d'infractions de nature sexuelle", a-t-il précisé.

Parmi les témoins entendus par les gendarmes, trois ont confirmé les soupçons d'agressions sexuelles, rapportant des "caresses et massages pour le moins inappropriés", selon les termes du procureur. Certains enfants ont aussi fait état de coups donnés par le directeur, ou par les plus "grands" sur les plus "petits", sur instruction de l'encadrement. D'autres ont relaté leur obligation d'effectuer des tâches ménagères pour lesquelles aucun personnel n'était employé. "Le capitaine m'avait dit de finir mon lit avant d'aller manger. Ensuite il m'a dit que je devais faire tous les lits de la chambre. J'ai répondu que je n'avais pas à le faire. Alors quand je suis allé manger, il a pris mon bol et il l'a donné à quelqu'un d'autre", a témoigné un ancien élève de l'école, interrogé par France Info. D'importants stocks de denrées périmées ont en outre été saisis lors de la perquisition.

"Les conditions spartiates de vie dans l'établissement, l'absence de chauffage, la mauvaise qualité de la nourriture, les flux financiers croisés entre plusieurs structures, soulèvent des questions sur le cheminement de l'argent payé par les familles pour la scolarisation de leurs enfants, pouvant aller jusqu'à plusieurs dizaines de milliers d'euros par an", a encore indiqué Joël Garrigues. Des dizaines de personnes travaillaient bénévolement pour l'école l'Angélus.

  • Qui la dirigeait ?

Au cœur de l'enquête se trouve l'abbé Régis Spinoza, 46 ans, directeur de l'école l'Angélus. Lors de la perquisition, l'homme, sans antécédents pénaux, est resté derrière les grilles de l'école en soutane, souriant et refusant de s'exprimer auprès des médias.  En 2010, c'est lui qui a pris l'initiative d'ouvrir l'établissement hors contrat, selon le Journal du Centre.

spinoza

Le Parisienindique que le curé est notamment adepte de la messe en latin et du rite tridentin, consistant à célébrer la messe en tournant le dos aux fidèles. Avant de créer l'école l'Angélus, il était directeur pédagogique d'une autre école hors contrat à Bordeaux. On l'aperçoit en effet dans un documentaire diffusé par France 2 en 2010, "à l'extrême droite du père". Le reportage montrait à l'époque des élèves "punis" devant réciter des prières contre le mur dans un couloir ou dessinant des croix gammées au tableau. Lors d'un cours d'histoire filmé en caméra cachée, un professeur présentait le général de Gaulle comme un "déserteur" et soulignait les "énormes services" rendus à son pays par le Maréchal Pétain.  

  • En existe-il d'autres ?

Parmi les écoles hors contrat de France, seules 300 sont confessionnelles, et 200 catholiques, dont plusieurs dizaines attachées à la "tradition" dans l'église. En vertu de la liberté de l'enseignement, ces établissements, qui n'ont pas signé de contrat avec l'État, ne sont pas tenus de suivre les programmes de l'Éducation nationale, et une déclaration en mairie suffit pour leur ouverture. Lorsqu'elle était ministre de l'Éducation, Najat Vallaud-Belkacem avait souhaité mieux encadrer l'ouverture de ces écoles, mais son projet a été censuré par le Conseil constitutionnel. "Prudente" sur ce dossier, une responsable de la jeune Fédération des parents d'élèves des écoles indépendantes (FPPEI) met elle en avant les "contrôles réguliers" menés dans plusieurs établissements, "habituellement sans problèmes".