Université : "sélection", "recrutement", mais de quoi parle-t-on ?

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Le secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur, Thierry Mandon, s’est fait recadrer par sa ministre de tutelle, Najat Vallaud-Belkacem, pour avoir parlé de "sélection" à l’université et non de "recrutement". 

C'est une réforme lourde à laquelle s’attelle le gouvernement. Dans la plus grande discrétion, le ministère de l'Education réunit depuis des mois les présidents d'université et les représentants des associations étudiantes. Le but ? Que les universités puissent choisir leurs candidats au master à l’entrée du M1 et non plus entre le M1 et le M2, comme c'est le cas actuellement. Une proposition de réforme du master doit ainsi être annoncée en octobre. C'est dans ce contexte particulier qu'un petit couac sémantique a eu lieu mardi entre la ministre de l’Education, Najat Vallaud-Belkacem et son secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur, Thierry Mandon. Ce dernier a en effet parlé de "sélection" à l’entrée du master alors que la ministre lui préfère le terme de "recrutement". Les mots ont un sens, surtout lorsqu'il s'agit de communication gouvernementale. 

Sélection pour Thierry Mandon. Le secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur utilise le mot qui fâche dans une interview au Parisien. "Pour moi, la sélection n’est pas un gros mot", explique-t-il, avant d’assurer : "c’est un mot, qui convient à la ministre, sinon je ne l’utiliserais pas".

Recrutement pour Najat Vallaud-Belkacem. Une prise de parole que n’a visiblement pas appréciée la ministre de l’Education pour qui la question "n’est pas sélection ou pas" qu’elle juge "réductrice et simpliste". Sur iTélé, Najat Vallaud-Belkacem précise même : "je veux croire que ses propos ont été tronqués et qu’il aura l’occasion de les repréciser".

Quelle distinction ? Contacté par Europe 1, le ministère de l’Education tient à cette distinction : "les mots ont un sens". "Quand on parle de sélection, on met une barrière, il y a ceux qui pourraient y aller et les autres. Sciences Po sélectionne par exemple", explique-t-on. "Alors qu’avec  le recrutement, il y a le droit à la poursuite de la formation. Ceux qui ne pourraient pas avoir leur premier choix ne seraient pas laissés sur le carreau et se verraient proposer un autre master qui correspond à leur formation", ajoute-t-on.

"Peu importe les mots". Une distinction dont a visiblement cure le président de la Conférence des présidents d’université, Jean-Loup Salzmann qui cite le président chinois Deng Xiaoping : "Peu importe que le chat soit gris ou noir pourvu qu’il attrape les souris". "Quand on appelle ça recrutement ou sélection, peu importe les mots, ça n’est pas notre problème", dit-il à Europe 1. L’important étant, pour lui, que les universités puissent bien "sélectionner" leurs étudiants à l’entrée en master.

 

Comment ça se passe actuellement ? La sélection qui existait jusqu'en 2002 à bac+4, à l'entrée du DEA ou DESS, a été maintenue et s'effectue maintenant à l'entrée de certains masters 2, qui disposent d'un nombre de places limité (pour cause de manque de professeurs, de places ou de stages dans le bassin d'emploi, ou de débouchés restreints). Les sélections se font soit au regard du dossier de l'étudiant, soit parfois par tirage au sort, mais dans un flou juridique. Face à la multiplication de recours en justice de la part d'étudiants refusés, le ministère a adopté au printemps un décret autorisant quelque 1.300 masters à sélectionner leurs étudiants entre la première et deuxième année. Cette solution est cependant temporaire et le ministère a décidé de réunir tous les partenaires pour parvenir à "une solution viable et pérenne", selon les termes de Najat Vallaud-Belkacem mardi.