Une policière à une jeune collègue : "il est exceptionnel de ne pas perdre ses illusions"

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G.S.
L'Express publie samedi la lettre d'une policière de "11 ans de métier", écrite à une jeune policière de 21 ans. 

"Il est une certaine réalité qui manifestement t'échappe dans l'immédiat, dans la mesure où tu n'y as pas encore été confrontée en étant concrètement du côté 'poulet'". L'Express publie samedi la lettre d'une policière de "11 ans de métier", écrite à une jeune policière de 21 ans qui vient tout juste de réussir ses concours d'entrée dans la police.

Cette jeune policière avait, dans un courrier révélé une semaine plus tôt par l'hebdomadaire, promis de tout faire pour "régler les conflits sans violence". Dénonçant les contrôles au faciès, le racisme ou encore l'utilisation inappropriée des gaz lacrymogène par certains de ses futurs collègues, elle avait fait grincer des dents certains policiers plus anciens. L'une d'elle lui a donc répondue samedi.

" Tu vas être confrontée à tous les maux de la société "

"Tu souhaites 'défendre les citoyens, les aider, les conseiller'. Je ne peux que t'y encourager, il s'agit là des valeurs de la maison police et des idéaux recherchés par la plupart des postulants et lauréats, quel que soit le concours qu'ils réussissent. Protéger, servir et assister. Là sont nos valeurs, énoncées notamment en tant que devise", reconnaît la policière, du haut de ses 11 ans de carrière. "Mais tu découvriras qu'il est difficile d'atteindre et de maintenir ces objectifs, dans la mesure où il est exceptionnel de ne pas perdre ses illusions au fil des années de service. Tu vas être confrontée à tous les maux de la société, des plus anecdotiques aux pires atrocités et perversions. De même, tu devras répondre aux exigences et aux missions variées évoluant de façon exponentielle, et à la complexité y étant liée", poursuit cette policière, à qui L'Express accole le pseudonyme "Jeanne".

"Je te souhaite de réussir à temporiser sans violence le jour où tu auras affaire à des mis en cause qui se rebellent et n'obtempèrent pas, tout ça en te portant des coups. […] Je serais la première à te féliciter si tu arrives, en toutes occasions et en toutes circonstances, à conserver le flegme dont tu te prévaux", enchaîne Jeanne, sans aucune marque d'antipathie à l'encontre de sa jeune collègue.

" Il y a des brebis galeuses dans tous les corps de métiers "

La rédactrice de la lettre publiée samedi soulève, en revanche, la naïveté apparente de sa nouvelle collègue. Celle-ci s'indigne de la haine envers les policiers que l'on voit dans les médias ? Elle n'a encore rien vu, rétorque "Jeanne". "Je suis d'accord avec toi, il est 'aberrant de voir qu'aujourd'hui on essaie de tuer des policiers comme à Viry'. Mais ce ne sont là qu'une partie des événements où nos rangs ont eu maille à partir, et ont souffert", détaille Jeanne. Elle enchaîne, confirmant la difficulté rencontrée par les siens depuis les attentats :

"Le contexte terroriste inédit auquel nous sommes dorénavant confrontés ne fait qu'accentuer l'incroyable difficulté d'être un policier exemplaire en toutes circonstances. Tu découvriras que ce n'est pas parce qu'un policier hausse le ton ou utilise les gestes techniques professionnels d'intervention qu'il n'est pas un bon policier. Il y a des brebis galeuses dans tous les corps de métiers, et ce serait mentir que de ne pas reconnaître que dans nos rangs c'est également le cas. Mais je t'affirme, que c'est le fait d'une minorité, et absolument pas une généralité".

Jeanne conclut, tout de même, par une note d'optimisme. Et souhaite la bienvenue à sa jeune collègue. "Alors même que tous ces propos n'engagent que moi et personne d'autre, je m'arroge le droit de te dire, au nom de tous, bienvenue dans nos rangs, et je te souhaite que comme nous, tes futurs collègues, jamais tu ne perdes cette flamme qui nous anime pour la plupart, voire la majeure partie.... La fierté d'être 'poulet'".