Un téléphone dans chaque cellule : "un effet d'annonce", selon l'UFAP-UNSa-Justice

© KENZO TRIBOUILLARD / AFP
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A.H. , modifié à
Pour le secrétaire général adjoint du syndicat majoritaire de l'administration pénitentiaire, installer un téléphone dans chaque cellule va complexifier la tâche du personnel sans apporter d'effets réellement positifs.
INTERVIEW

La communication va changer en prison. Le ministère de la Justice a lancé un appel d'offres pour installer des téléphones dans la quasi-totalité des cellules, afin de permettre aux détenus d'appeler des numéros autorisés par le juge ou l'administration pénitentiaire.

Pas de retour sur expérience. Une expérimentation de téléphones fixes était menée depuis juillet 2016 dans la prison de Montmédy, dans la Meuse. Or, Stéphane Barreau, secrétaire général adjoint de l’UFAP-UNSa-Justice, syndicat majoritaire de l'administration pénitentiaire, ignorait tout bonnement que l'expérimentation allait devenir généralisation. "On tombe des nues. Pour généraliser une expérimentation, il faudrait déjà avoir un retour d'expérience menée à Montmédy, ce qui n'est pas le cas", dénonce-t-il dans Europe midi, mardi.

Quid du trafic ? Parmi les vertus prêtées à cette initiative, la chancellerie cite le maintien des liens familiaux, qui participe à la réinsertion des détenus une fois libres. L'objectif est également de diminuer les trafics de téléphones portables. En 2016, 33.000 portables ont été saisis dans les cellules. Mais pour Stéphane Barreau, la généralisation du téléphone fixe en cellule ne permettra pas de réduire le trafic. "C'est plus un effet d'annonce. Le détenu qui veut continuer son trafic ne passe pas par les cabines téléphoniques, mais par des portables prohibés", avance-t-il.

Des difficultés à contrôler les appels. A Montmédy, les détenus doivent faire valider les numéros qu’ils veulent appeler par la direction. Les conversations sont payantes, et peuvent être écoutées à tout moment. Encore une fois, le secrétaire général adjoint de l'UFAP-UNSa avoue ne pas être convaincu par la démarche, car "on sait déjà qui les détenus peuvent appeler". "Tout est tracé. Les numéros sont préenregistrés, et autorisés", explique-t-il. Or, on ne sait pas qui se trouve au bout du téléphone. "Ça a déjà été dénoncé. On sait pertinemment qu'au bout du fil, il peut y avoir un autre interlocuteur. Et là, ce n'est pas contrôlé du tout", nuance-t-il toutefois.

Mais l'installation de téléphone dans chaque cellule (plus de 50.000 cellules de 178 établissements pénitentiaires seront concernées, selon la chancellerie) va complexifier le travail de renseignement. "Dans les cabines actuelles, ce qui est écouté en direct, ce sont les conversations de détenus sensibles. Mais vous ne pouvez pas contrôler toutes les communications téléphoniques. Là, en plus, c'est de jour comme de nuit. Et déjà qu'on a du mal à surveiller de jour…"