Un prof suspendu pour avoir montré en classe des caricatures de Charlie

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Fabienne Cosnay , modifié à
A Mulhouse, un enseignant vient d'être suspendu pour avoir présenté "sans discernement" des caricatures de Charlie Hebdo devant sa classe de 4e.

L'affaire ne va laisser personne indifférent. En plein débat sur le rôle de l'école après les incidents recensés pendant la minute de silence rendue en hommage aux victimes de Charlie Hebdole Monde révèle jeudi qu'un enseignant a été suspendu quatre mois pour avoir utilisé "sans discernement" des caricatures de Charlie Hebdo avec sa classe de 4e.

"Il nous a montré le prophète tout nu".  Au lendemain de l'attentat contre Charlie Hebdo, le 8 janvier, ce professeur d'arts plastiques dans un collège classé ZEP de Mulhouse débute son cours en sortant de son sac des dessins de l'hebdomadaire satirique. Parmi ces caricatures de Mahomet, une présentant le prophète nu. Le ton serait alors monté dans la classe, composé à 70% d'élèves musulmans. "Il nous a montré le prophète tout nu qui se prenait des balles dans les fesses. Moi je n'étais pas d'accord pour ce cours. Ce n'était pas dans le programme. Ca ne se faisait pas de nous montrer des trucs comme ça", témoigne au micro d'Europe 1 l'un des élèves. 

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"C'est moi le maître ici !" Pour le rectorat, l'enseignant a présenté, "sans explication aucune", une caricature de Mahomet nu, en lançant à sa classe "vous devez regarder ça". "Lorsqu’un élève a répondu 'Moi, ça me gêne', il aurait répondu : "Je suis le chef de mon cours, c’est moi le maître ici… Tu peux sortir ta kalachnikov !"

Une enquête administrative. Une vingtaine d'élèves se sont plaints immédiatement auprès du chef d'établissement. Alerté le lundi, alors que les parents menaçaient de se rassembler devant le collège, le rectorat a alors décidé de suspendre le professeur. Une enquête administrative a été lancée.

"Il faut défendre les valeurs républicaines. De nombreux professeurs l'ont fait en montrant le même jour des caricatures et des dessins. Mais cela doit se faire dans une démarche pédagogique", explique le recteur d'académie qui souhaite "pacifier" la situation.

"Arbitraire". Des syndicats d'enseignants ont témoigné jeudi leur soutien à leur collègue. "Cet enseignant n'a fait que son métier, en travaillant avec ses élèves sur les caricatures", a estimé le FSU dans un communiqué, en demandant l'annulation de cette "mesure de suspension totalement arbitraire" décidée "sur la seule foi de témoignages d'élèves".

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Double discours. Les syndicats d'enseignants fustigent aussi un double discours de l'Education nationale.  "On est en pleine contradiction avec le discours officiel : d’un côté, on prône une mobilisation de l’école sur les valeurs républicaines. De l’autre, on envoie implicitement le message aux professeurs qu’il ne faut pas trop s’aventurer dans la défense de ces valeurs, que c’est risqué", déplore un responsable syndical, interrogé par le Monde.