Trois questions (pas si bêtes) sur l'introduction d'une ourse dans les Pyrénées

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Une ourse capturée en Slovénie a été relâchée par hélicoptère, jeudi en Béarn. Une opération qui ne doit évidemment rien au hasard.

Aux premières lueurs de l'aube, jeudi, les bergers en colère ont d'abord entendu un bruit résonner dans le ciel béarnais : celui d'un hélicoptère survolant la vallée d'Aspe. En levant les yeux, éleveurs et journalistes ont même pu apercevoir l'engin transporter une caisse, avant de disparaître au milieu des massifs. Sa passagère, une ourse slovène, a été relâchée aux alentours de 9 heures. Une deuxième suivra dans les prochains jours. Le but n'est autre que la survie de l'espèce en France, et plus précisément dans les Pyrénées occidentales.

Pourquoi une femelle plutôt qu'un mâle ?

Le nombre d'ours est estimé à 39 sur l'ensemble des Pyrénées, selon les derniers chiffres officiels datant de 2016. Mais depuis la mort de Cannelle, dernière représentante de l'ours de souche pyrénéenne, abattue par un chasseur en 2004, il n'en restait que deux, dans le seul département des Pyrénées-Atlantiques : Cannellito, né cette même année 2004 et qui avait miraculeusement survécu à la mort de sa mère, et Néré, né en 1997 de "parents" d’origine slovène. Avec deux mâles, difficile de faire naître des petits, donc…

Les deux plantigrades auraient par ailleurs déménagé vers les Hautes-Pyrénées et la Haute-Garonne. Contrairement aux mâles, qui peuvent ainsi accomplir de longues distances, les femelles, elles, sont plus sédentaires. Afin de garantir la pérennité de l'espèce sur le seul territoire duquel elle n'a jamais disparu, le choix s'est donc naturellement porté sur des ourses femelles.

Pourquoi aller la chercher en Slovénie ?

Tous les ours introduits depuis 22 ans dans les Pyrénées - trois en 1996-97, cinq en 2006 - sont d'origine slovène, et cela pour deux raisons. D'abord, la population d'ours a doublé ces dix dernières années dans le petit pays des Balkans, pour atteindre le millier de spécimens. En soustraire quelques-uns ne met donc pas l’espèce en danger, ce qui pourrait au contraire arriver s'il s'agissait des ours des Cantabriques, au nord-ouest de l’Espagne, qui ne sont quant à eux que 250 environ.

Autre raison : les ours slovènes, comme tous les ours européens, appartiennent génétiquement à la même espèce, à savoir l’ours brun ursus arctos. Ils ont donc globalement le même comportement que les ours pyrénéens. Leur alimentation omnivore s'avère par ailleurs très adaptée à la région.

Pourquoi maintenant ?

La réintroduction des ourses en Pyrénées-Atlantiques, annoncée par Nicolas Hulot, avait été confirmée le 20 septembre par son successeur au gouvernement François de Rugy. Mais le calendrier n'a pas pour autant été totalement dicté par la politique.

Pour favoriser la survie des plantigrades, les spécialistes estiment en effet qu'il ne faut pas dépasser la mi-octobre, période au-delà de laquelle les conditions climatiques peuvent devenir compliquées. Et encore plus pour un ours étranger, qui a besoin de temps pour s'adapter à son nouveau territoire, et commencer à chercher une tanière dans laquelle il pourra hiberner.

Si la réintroduction des ourses en Pyrénées-Atlantiques provoque la colère des bergers, lassés de voir leurs troupeaux décimés, l'automne a également ceci d'avantageux qu'à cette période, les brebis quittent les hauts pâturages pour rejoindre les vallées, ce qui minore le risque d'attaques.

"L'opération de réintroduction se poursuivra dans les prochains jours" avec le lâcher d'une deuxième ourse femelle, a précisé le ministère de la Transition Écologique jeudi. Dans un rapport, le Muséum d’histoire naturelle préconisait "un renforcement idéal de trois mâles et dix femelles sur trois-quatre ans" ou le "renforcement minimal de 4 femelles pour assurer la simple viabilité de cette population".

 

Au fait, combien ça coûte ?

Alors que le chiffre de 1 million d'euros avait circulé dans la presse, le coût de l'opération s'élève en réalité à 350.000 euros, selon François de Rugy.