Trois ans après les attentats, une journée "Toujours Charlie" pour raviver l’esprit du 11 janvier

Le 7 janvier 2015, la rédaction de "Charlie Hebdo" était touchée par un attentat djihadiste, qui a tué 12 personnes dont 8 membres de la rédaction.
Le 7 janvier 2015, la rédaction de "Charlie Hebdo" était touchée par un attentat djihadiste, qui a tué 12 personnes dont 8 membres de la rédaction. © BERTRAND GUAY / AFP
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Mathilde Belin , modifié à
Samedi, une journée de débats intitulée "Toujours Charlie" se met en quête de l’esprit Charlie trois ans après les attentats, alors que cette notion fait de moins en moins consensus.

Au lendemain du 7 janvier 2015, la France était Charlie. Trois ans après l’attentat qui a visé la rédaction de Charlie Hebdo, que reste-t-il de "l’esprit Charlie" ? Une journée "Toujours Charlie, de la mémoire au combat" est organisée samedi aux Folies Bergères à Paris, à l’initiative de trois collectifs de défense de la laïcité, le Printemps républicain, la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme, et le Comité Laïcité République. "L’objectif est de faire le point trois ans après : où est l’esprit de Charlie Hebdo ? Où en est-on de l’élan du 11 janvier ?", explique à Europe1.fr la porte-parole du Printemps républicain Lunise Marquis, qui entend "raviver l’esprit Charlie".

Un délitement de "l’esprit Charlie"

La journée s’articule autour de plusieurs débats et de tables rondes, pour défendre et évoquer la liberté d’expression et la laïcité au quotidien, que ce soit dans les services publics, en Seine-Saint-Denis, ou encore à l’étranger. Elle se conclura par des concerts d’"artistes engagés", car "ce n’est plus si simple aujourd’hui de dire 'je suis Charlie'",  poursuit Lunise Marquis.

D’après un sondage Ifop pour "Toujours Charlie", 61% des Français se disent Charlie aujourd’hui. Ils étaient 71% en janvier 2016, un an après les attentats. Ce chiffre, qui accuse une baisse de 10 points en deux ans, ne décourage pas pour autant les organisateurs de la journée. "L’esprit Charlie est toujours là. On est très content et surpris de ce sondage, car on pensait que ça serait pire, vu toutes les menaces qu’il y a eu après les Unes de Charlie, sur l’attentat de Barcelone, sur Edwy Plenel (le cofondateur du site Mediapart, ndlr)...", se réjouit la porte-parole du Printemps républicain. Parmi ceux qui ne se disent plus Charlie, plus d’un tiers (38%) estime en effet que le journal va trop loin à travers ses caricatures.

"Défendre le droit que le journal a d’exister"

Et comme en témoigne le numéro spécial publié cette semaine, Charlie Hebdo fait toujours l’objet de menaces pour ses Unes polémiques, et doit vivre sous une sécurisation permanente. "Il y a eu un délitement de l’esprit Charlie dès le lendemain des attentats, avec ceux qui disaient 'Je ne suis pas Charlie'", souligne Raphaël Enthoven, enseignant en philosophie et chroniqueur sur Europe 1, qui participe à la journée "Toujours Charlie". "Charlie Hebdo est menacé depuis 2007, et il y a des esprits qui expliquent que c’est bien fait pour eux (…) Le refus d’être Charlie se planque derrière l’idée que leurs dessins sont choquants : ceci est au carrefour de ce que la démocratie produit d’antidémocratique", poursuit le philosophe.

D’ailleurs, ce délitement de l’esprit Charlie se constate aujourd’hui dans les ventes de l’hebdomadaire : le chiffre d’affaires du journal est tombé à 19,4 millions d’euros en 2016, alors qu’il a atteint des records à plus de 63 millions d’euros en 2015, d'après BFM Business. Un boom des ventes qui s’expliquait alors par l’empathie des Français pour le titre de presse, décimé de huit membres de sa rédaction dans l’attentat. Mais pour Raphaël Enthoven, il faut "répandre la nuance qu’être Charlie, ce n’est pas s’abonner ou adhérer aux idées de Charlie Hebdo, mais défendre le droit que le journal a d’exister".

Une récupération politique ?

Quelque 1.500 personnes sont attendues à cette journée "Toujours Charlie" qui se veut donc comme une résurrection de l’esprit du 11 janvier 2015 - lorsque plus de quatre millions de personnes étaient descendues dans la rue en France pour défendre la liberté d’expression. Seront présentes dans l'assistance des familles de victimes, des personnalités politiques de l’ancien exécutif, comme Manuel Valls, et du gouvernement actuel. Des membres de Charlie Hebdo prendront aussi part aux débats, mais leurs noms n’ont pas tous été révélés pour des raisons de sécurité. Toutefois, l’événement n’est pas organisé par le journal satirique et l’équipe préférerait manifestement "se tenir à l’écart de cette initiative" alors que des acteurs de cette journée sont critiqués pour leurs positions radicales ou taxés de récupération politique, écrit Le Monde.

Par ailleurs, aucun contradicteur n’a été convié à participer aux débats. L’objectif du Printemps républicain, poursuit Le Monde, serait de défendre une position "dure" sur la laïcité dans le débat politique. "Avec toute la vague d’attentats qu’il y a eu (depuis janvier 2015, ndlr), il y a eu une crispation identitaire, des peurs parfois compréhensibles… Mais si on arrête le combat, c’est comme si on tuait une seconde fois les victimes. Cette journée vise à réaffirmer nos valeurs", défend Lunise Marquis. Et la militante de définir ainsi "l’esprit Charlie" tant espéré : "C’est la liberté absolue, la liberté d’être vivant, d’être joyeux comme d’être cynique."

Commémorations républicaines. 
Dimanche, le ministre de l'Intérieur devrait participer à une commémoration à Paris, porte de Vincennes, et un rassemblement est organisé place de la République à l'appel du Mouvement pour la paix et contre le terrorisme. Le conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a pour sa part appelé à un rassemblement mardi porte de Vincennes, en hommage aux victimes de l'Hyper Cacher, tuées dans une attaque djihadiste deux jours après celle visant Charlie Hebdo