Tribunes sur le rapport hommes-femmes : la presse déplore une polémique "sans nuances"

Un premier texte signé dans Le Monde par Catherine Deneuve et une centaine de personnalités, défendant une "liberté d'importuner" les femmes, a suscité la riposte de militantes féministes.
Un premier texte signé dans Le Monde par Catherine Deneuve et une centaine de personnalités, défendant une "liberté d'importuner" les femmes, a suscité la riposte de militantes féministes. © VALERY HACHE / AFP
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avec AFP , modifié à
L'éditorial de Libération juge "discutable" la "contre-offensive inattendue et violente" au mouvement "Balance ton porc" même si "certains arguments sont valables et soulèvent des enjeux de taille".

Retour du "puritanisme" contre "mépris" des victimes de violences sexuelles : la presse de jeudi regrette le ton "sans nuances" de deux tribunes parues la veille sur les rapports hommes-femmes. Un premier texte signé dans Le Monde par Catherine Deneuve  et une centaine de personnalités, défendant une "liberté d'importuner" les femmes, a suscité la riposte de militantes féministes qui ont dénoncé une volonté de "refermer la chape de plomb" soulevée par le scandale Weinstein.

Libération fait sa Une sur la tribune Deneuve en s'interrogeant : "La liberté sexuelle menacée, vraiment ?" L'éditorial du quotidien juge "discutable" cette "contre-offensive inattendue et violente" au mouvement "Balance ton porc", même si "certains arguments sont valables et soulèvent des enjeux de taille. Le risque, notamment, que des accusés le soient à tort".

Une polémique trop binaire ? Évitant le piège des jugements à l'emporte-pièce, la plupart des éditorialistes déplorent une polémique trop binaire, un choc de "provocations folâtres" pour reprendre l'expression d'Alain Dusart dans Le Républicain lorrain. "Sans entrer dans le débat sur 'prédation sexuelle' contre 'liberté d'importuner et liberté sexuelle', le ton des échanges, condamnations et contre-tribunes sans nuances étonne" Bertrand Meinnel du Courrier picard, qui regrette "un défaut de capacités d'échange et d'écoute, qualités paraît-il très féminines".

"Faute de savoir si elle a épuisé toutes ses cartouches, cette guerre des roses surprend par sa violence" Xavier Brouet du Républicain lorrain : "Ainsi donc, hors du viol ou de la pudibonderie, point de salut !" "La société dans laquelle nous vivons autorise-t-elle encore les pensées multiples ?", s'alarme Yves Harté dans Sud-Ouest. Finalement, "l'affaire Weinstein, puis cette tribune, obligent à une prise de conscience : l'excès n'est bénéfique ni dans un sens, ni dans l'autre", professe Christophe Bonnefoy du Journal de la Haute-Marne.

Catherine Deneuve dans le collimateur de la presse internationale

La tribune publiée mercredi dans Le Monde a suscité de vives critiques dans la presse étrangère. Catherine Deneuve est particulièrement décriée pour avoir signé cette tribune défendant la "liberté d'importuner les femmes". Une auteure australienne a par exemple souhaité réagir dans les colonnes du quotidien britannique Le Guardian en s'adressant directement à la comédienne :"Catherine Deneuve, laissez-moi vous expliquer pourquoi #MeToo n'est pas une chasse aux sorcières", est titrée la tribune.

Le New York Times s'offusque également du décalage entre la mobilisation d'Hollywood en faveur du mouvement #Metoo, dimanche lors de la cérémonie des Golden Globes, et cette tribune parue mercredi. Vanity Fair Espagne regrette pour sa part que la signataire du Manifeste des 343, un appel à la légalisation de l'IVG en 1971, ne voit désormais rien de choquant à ce qu'une femme puisse se faire importuner dans les transports en commun. D'autres médias parmi lesquels le quotidien allemand Die Welt et le journal américain The Atlantic estiment que cette tribune ne pouvait être publiée qu'en France. "En France, vous avez plus de chances d’être accusée de 'collabo' ou de 'traître' lorsque vous donnez des noms", explique la journaliste.

D'autres éditorialistes ont toutefois soutenu l'initiative de Catherine Deneuve et des signataires de la tribune. C'est le cas de la chroniqueuse québécoise Sophie Durocher : "Moi aussi, j’en ai marre que l’on démonise le désir masculin, moi aussi, j’en ai marre qu’on mette une main sur le genou sur le même plan qu’un viol avec pénétration…" écrit-elle. 

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