Tribunaux de commerce en grève : "nous ne sommes pas irresponsables"

Des dossiers dans un tribunal (photo d'illustration).
Des dossiers dans un tribunal (photo d'illustration). © JOEL SAGET / AFP
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avec Liza Kroh , modifié à
Pour protester contre le projet de loi Macron, les juges des tribunaux de commerce sont en grève lundi. Une mobilisation qui pourrait handicaper les entreprises les plus fragiles.

Pourquoi les juges sont en grève. La quasi-totalité des 134 tribunaux de commerce de l’hexagone sont en grève à partir de lundi. Les audiences seront donc renvoyées. Les juges des tribunaux de commerce entendent ainsi dénoncer une disposition de la loi Macron qui prévoit de transférer certains dossiers importants vers des tribunaux plus gros et spécialisés. A l’heure actuelle, ces dossiers sont pris en charge par les tribunaux de commerce les plus proches du siège des entreprises concernées. Les juges craignent donc qu’avec cette mesure de la loi Macron, les entreprises ne bénéficient plus d'une approche de proximité adaptée à leurs besoins.

Les conséquences de la grève. Et pour montrer toute l'importance de leur travail, les juges des tribunaux de commerce vont donc bloquer les dossiers des entreprises. Prenons l'exemple d'une petite entreprise en redressement judiciaire ayant trouvé un repreneur. Cette entreprise doit alors faire valider ce sauvetage par le tribunal de commerce de proximité. Sauf qu’en raison de cette grève, il n’y aura pas d'accord possible. Et le risque de faire échouer le projet de reprise sera accru. Autre risque : le blocage des versements de salaires dans les entreprises en procédure de redressement ou de liquidation. Ce sont en effet les tribunaux de commerce de proximité qui signent ces autorisations.

En résumé, cette grève pourrait donc handicaper les entreprises les plus fragiles, car elles retardent des procédures qui sont vitales pour leur survie. Un risque dont les juges ont pleinement conscience. Ils estiment pour autant qu’ils n’ont pas d’autres choix pour protester contre cette mesure  qui prévoit la création des très controversés tribunaux de commerce spécialisés (TCS), qui prendront le relais sur les tribunaux de commerce de proximité. Et ce de manière automatique pour les dossiers concernant les entreprises de plus de 250 salariés.

Les juges se défendent d'être "irresponsables". "Certaines entreprises pourront clairement souffrir des délais qui vont s’additionner. Nous avons au tribunal correctionnel de Pontoise une centaine de procédures en cours. Et ces audiences seront reportées", reconnaît Jean-Pierre Janton, juge au tribunal de commerce de Pontoise, au micro d’Europe 1.

Mais, pour lui, cette grève est l’unique moyen de faire entendre la voix des juges des tribunaux de commerce. "Nous sommes conscients de cette situation, mais nous ne sommes pas irresponsables. Nous sommes atterrés, moi, tout comme les 2.300 juges de France. Et nous considérons que c’est le seul moyen de faire entendre la raison. Nous espérons que ce sera très court et que le gouvernement comprendra le signal d’alarme que nous sonnons, parce que l’enjeu est là", estime-t-il.

Bercy campe sur ses positions. Pour l’heure, Bercy campe sur sa réforme. Et le ministère de l’Economie ajoute que les dossiers qui devront être délocalisés dans les gros tribunaux ne sont au nombre que de 150. Une goutte d'eau, selon le ministère, sur les 63.000 procédures collectives traitées chaque année.