Théories du complot : "On est face à un problème d'ampleur", estime un journaliste

Thomas Huchon, journaliste pour le site Spicee, s'est spécialisé dans la chasse aux théories du complot.
Thomas Huchon, journaliste pour le site Spicee, s'est spécialisé dans la chasse aux théories du complot. © Europe 1
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C.O. , modifié à
Pour Thomas Huchon, journaliste pour le site Spicee, le complotisme est difficile à contrer et se combat par la pédagogie. "La vraie solution c'est l'éducation", affirme-t-il mardi sur Europe 1.

Près de huit Français sur dix adhèrent à au moins l'une des grandes "théories du complot", selon une étude de l'Ifop pour la Fondation Jean Jaurès et l'observatoire Conspiracy Watch, publiée dimanche. Un chiffre qui n'étonne pas particulièrement Thomas Huchon, journaliste pour le site Spicee, qui s'est spécialisé dans la chasse aux théories du complot, invité mardi dans Village médias sur Europe 1. "Cela fait trois ans que l'on se rend dans les écoles avec Spicee pour faire de l'éducation aux médias, pour faire de la pédagogie et de l'éveil à l'esprit critique, donc ces chiffres ne me surprennent pas beaucoup", explique-t-il au micro de Philippe Vandel. "On est face à un problème d'une ampleur supérieure à ce que les gens voulaient bien admettre sur la désinformation, la fake news, la théorie du complot surtout…"

Un problème de santé publique. Et cela peut avoir des conséquences graves, lorsque par exemple des Français refusent de se vacciner, car ils approuvent l'idée que "le ministère de la santé est de mèche avec l'industrie pharmaceutique pour cacher au grand public la réalité sur la nocivité des vaccins". "Cela devient un problème de santé publique, car lorsque la couverture vaccinale n'atteint pas 80 % de la population, elle ne sert à rien", détaille Thomas Huchon. "On a vu que le phénomène de refus de la vaccination a pris de l'ampleur depuis une quinzaine d'années. On a vu la couverture vaccinale reculer et surtout, on a vu des maladies qui avaient disparu revenir dans notre pays et ça pose un vrai problème. C'est une immense responsabilité des parents qui refusent de faire vacciner leur enfant car ils ont lu trois blogs sur Internet", complète-t-il.

Une vidéo test. Le problème est qu'il est compliqué pour l'heure de limiter la propagation des fake news et des théories les plus farfelues sur Internet. Le journaliste en a fait l'expérience. Avec Spicee, il a inventé un complot selon lequel le Sida avait été créé par la CIA afin de s'attaquer aux Cubains. Selon cette même théorie bidon, la fin de l'embargo décidée en 2015 par Barack Obama n'aurait été en fait qu'un prétexte pour permettre aux multinationales de la santé de récupérer chez les Cubains le vaccin qu'ils avaient développé en secret. "On a fait une petite vidéo dans laquelle on racontait cette théorie du complot. Elle a été déposée sur Youtube par un faux compte", précise le journaliste.

L'éducation comme solution. En trois semaines, cette vidéo a fait des milliers de vues, "elle a été reprise par tout un tas de sites qui prétendent "réinformer" les Français et donc ça nous a permis d'expliquer que ces sources n'étaient peut être pas totalement fiables", rapporte le journaliste. "On voulait voir s'il était possible de devenir un prescripteur d'informations complotistes et s'il y allait avoir à un moment un genre de contrôle." Cela n'a visiblement pas été le cas. Pour le journaliste, la meilleure façon de lutter face à ces théories est de sensibiliser les plus jeunes notamment qui s'informent davantage sur Internet mais sont aussi également plus influençables. "La vraie solution, c'est l'éducation", assure-t-il.