"Théorie du genre" : nos réponses aux rumeurs

Sur les réseaux sociaux, beaucoup d'informations fausses ont circulé à propos de la "théorie du genre" en France.
Sur les réseaux sociaux, beaucoup d'informations fausses ont circulé à propos de la "théorie du genre" en France. © DR
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Damien Brunon et Fabien Cazeaux , modifié à
FACT-CHECKING - Enseignement de la “théorie du genre”, masturbation : nous avons repris les inquiétudes exprimées par des internautes pour les confronter aux faits.

L’INFO. En deux jours, la polémique autour de l’hypothétique arrivée de l’enseignement de la “théorie du genre” à l’école a généré des rumeurs en cascade. Relayées sur les réseaux sociaux, elles sont vite retrouvées dans les mystérieux SMS reçus par les parents depuis quelques semaines. Elles méritaient d’être sérieusement examinées. Conclusion : la plupart sont fausses ou au moins inexactes.

>> A partir des commentaires postés sur le compte Facebook d’Europe 1, nous avons repris une par une ces rumeurs pour les confronter à des informations vérifiées.

La “théorie du genre” va être enseignée à l’école dès 2014

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A l’origine de la polémique, ils sont nombreux à penser que l’enseignement de la “théorie du genre”, résumée à une éducation qui nierait les différences sexuelles, va bientôt arriver dans les écoles.

Là dessus, Vincent Peillon a été très clair. “Il n’y a pas de théorie du genre enseignée à l’école”, a expliqué le ministre de l’Education nationale. “C’est simplement un enseignement pour éduquer au respect fille-garçon et à l’égalité entre les filles et les garçons”, a-t-il ajouté, faisant référence à l’ABCD de l’égalité, la nouvelle méthode destinée à réduire les conséquences sociales des différences hommes-femmes dès la maternelle. Des conséquences sociales qui font par exemple qu’en moyenne, une femme est payée 16% de moins qu’un homme en France.

L’enseignement supposé de la “théorie du genre” est imposé par l’Europe

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Pas plus vraie que l’instauration de la “théorie du genre” dans les classes de France, son inspiration européenne est également fausse. L’Union n’a en effet aucune compétence en terme d’éducation, pouvoir toujours entre les mains des Etats membres.

Des discussions sont-elles en cours pour créer une harmonisation des politiques ? Là encore, ce n’est pas le cas. “Il n'y a pas un mot dans la partie "Education" des Traités européens sur la promotion de l'égalité des sexes. Il n'y a même pas de recommandation, de "bonnes pratiques" à suivre”, détaille Isabelle Ory, correspondante d’Europe 1 à Bruxelles.

Concernant la condamnation de parents en Allemagne qui auraient refusé l’instauration de la “théorie du genre”, l’information est tronquée. Trois mères ont en effet été condamnées à de la prison ferme, huit jours pour les deux premières, 43 pour la seconde, entre 2010 et 2011. Ces condamnations, qui ont fait parler d’elles outre-Rhin, ne sont néanmoins pas liées à l’enseignement de la “théorie du genre”.

“Au début, c‘était les cours d’éducation sexuelle qui posaient problème, puis l’organisation d’une pièce de théâtre, ‘Mon corps n’appartient qu’à moi’, qui devait sensibiliser les enfants à la question de la pédophilie”, rappelle Hélène Kohl, correspondante d’Europe 1 à Berlin. “On est donc loin de la thématique du genre”.

La masturbation va être enseignée dès la maternelle

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L’inquiétude à ce sujet vient d’un rapport de l’Organisation mondiale de la santé rédigé en 2010, en allemand. Il préconise en effet la pratique de la masturbation, dès la maternelle, dans un cadre pédagogique, afin que les enfants apprennent à vivre avec leur corps. Traduit en 2013 en français, c’est à partir de ce moment-là qu’il a inquiété certaines familles dans l’Hexagone.

S’il est édité par l’OMS, ce document n’est cela dit qu’un rapport. Aucune de ses propositions n’ont vocation à être imposées en France. Dans l’entourage du ministre de l’Education nationale, on confirme que la sexualité n’est abordée à l’école qu’à partir du CM2. Et ce n’est qu’à partir de la quatrième que la sexualité est traitée sous l’angle biologique et “sans gommer les différences sexuelles”, ajoute-t-on dans l’entourage du ministre.

Des militants LGBT vont donner des cours de sexualité

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En France, de nombreuses associations sont agréées pour intervenir dans les établissements scolaires. On fait régulièrement appel à elles pour aborder des sujets sur lesquels les professeurs ont besoin d’un appui. Ces associations font l’objet d’une enquête par des commissions régionales ou nationales. Parmi elles, il existe en effet des association LGBT (Lesbian, Gay, Bisexuel, Transexuel).

“99,9% des interventions LGBT se font au collège et au lycée, explique Olivier Lelarge, porte-parole dédié à l’éducation de l’inter-LGBT, à Europe1.fr. L’idée est de répondre aux questions des élèves et de faire baisser au maximum les problématiques dans les établissements qui vont des remarques désobligeantes, aux agressions en passant par le suicide”. 

Ces interventions se font donc uniquement dans le cadre de la sensibilisation à l’homophobie et jamais sur le thème de la sexualité. C’est notamment pour cela qu’elles sont très rares en primaire, là où l’homophobie a rarement eu le temps d’émerger.

La sénatrice PS Laurence Rossignol considère que les enfants appartiennent à l’Etat

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Dans de nombreux SMS envoyés aux familles, mais aussi sur les sites qui soutiennent le mouvement de la “Journée de Retrait de l’Ecole”, un nom est évoqué, celui de Laurence Rossignol. On attribue toujours la même citation à la sénatrice PS de l’Oise : “les enfants n’appartiennent pas aux familles, mais à l’Etat”.

Problème : cette phrase, la sénatrice ne l’a jamais prononcé. “Je mets quiconque au défi de prouver le contraire”, déclare-t-elle à Europe1.fr. Lors d’un débat sur la laïcité à l’école dans l’émission “Ce Soir ou Jamais” en mars 2013, elle avait évoqué le fait que les enfants n’appartenaient pas aux familles dans le sens où, en France, les lois sont au-dessus de la volonté des parents.

"Les enfants appartiennent à l'Etat" : la...par asi

Depuis, son propos a été déformé et largement relayé, parfois même accompagné d’une photo de Hitler ou de Staline. “Ces propos sont diffamatoires, parce qu’il associe mon nom et ma pensée à un totalitarisme et aux pires dictateurs, donc ils portent atteinte à mon honneur et méritent des suites judiciaires, explique-t-elle. J’ai l’intention de porter plainte en diffamation contre ceux qui utilisent cette phrase et en font une phrase clé de leur propagande”.

 

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