TÉMOIGNAGE EUROPE 1 - Trois ans après les attentats, Émilie peine à se reconstruire : "Pourquoi je suis vivante ? Ça me hante tous les jours"

© Christophe Petit Tesson / POOL / AFP
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Eve Roger, édité par Ugo Pascolo , modifié à
Trois ans après les sanglantes attaques sur Paris, Émilie, qui était au Bataclan avec son mari, souffre encore de stress post-traumatique. Elle s'est confiée au micro d'Europe 1 sur son quotidien, devenu un calvaire.
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>> Trois ans après les attentats du 13 novembre 2015, les séquelles sont encore présentes pour les rescapés. Émilie et Nicolas étaient au concert des Eagles of Death Metal au Bataclan le soir ou des terroristes sont entrés et ont fait feux. Pendant quatre heures, ils sont restés cachés dans les combles de la salle de spectacle au-dessus de la scène. Même s'ils n'ont pas été blessés, ils n'arrivent pas à reprendre le cours de leur vie, dans leur petit village de l'Eure, avec leurs deux enfants. Europe 1 a rencontré Émilie, qui a accepté de se confier sur son quotidien devenu dès lors, un véritable calvaire. 

Entendu sur europe1 :
La colère, l'irritation, la dépression tout le temps, l'envie de rien, du mal à me motiver...

"On était en mode automatique : pendant plusieurs semaines, c'était des amis qui venaient ou de la famille pour nous aider dans notre quotidien, parce qu'on a deux enfants. On avait encore du mal à réaliser ce qui était arrivé. Mais on avait toujours ces visions d'horreur dans les yeux et les oreilles. Et continuer à vivre malgré tout ça, c'était très compliqué : quand il y a de la foule, on ne supporte pas. On a réessayé les concerts, moi je n'y arrive plus. C'est tout bête : avant j'adorais aller faire mes courses, maintenant c'est un truc que je ne peux plus faire. J'ai trouvé un petit supermarché dans le coin où je sais qu'il n'y a personne, il y a deux-trois petits vieux qui se baladent avec moi, c'est tout.

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Des fois on va à Evreux et je me dis 'mince', là il pourrait y avoir quelque chose : un gars qui vient avec sa voiture et qui nous fonce dessus. Je n'arrive plus à travailler, à me concentrer, je n'arrive plus à préparer un repas de A à Z sans m'y reprendre à plusieurs fois. J'ai vu mon médecin généraliste et elle m'a dit que de toute façon il n'y avait pas photo : ce sont des syndromes de stress post-traumatique. La colère, l'irritation, la dépression tout le temps, l'envie de rien, du mal à me motiver...

Entendu sur europe1 :
Pourquoi je suis vivante ? Ça me hante tous les jours

Nicolas [son compagnon, ndlr] lui, fait des crises d'angoisse, des grosses crises d'angoisse : tétanie des muscles, tremblements avec des gros flash-back… Ça m'arrive aussi de temps en temps, sauf que moi, en plus, j'ai des envies suicidaires parce que j'ai ce syndrome du survivant [la culpabilité d'être encore en vie, ndlr] qui me suit, qui me poursuit, qui me hante. On est en vie, on n'a pas été blessé, mais on n'arrive pas à guérir à l'intérieur.

On s'est mariés le 22 septembre dernier, Nicolas a été super content de sa journée. Moi aussi, je ne dis pas le contraire, mais le soir-même en me couchant, j'ai culpabilisé d'avoir eu un bon moment, d'avoir eu une journée heureuse. Avant j'adorais la période de Noël, maintenant c'est difficile. On connait une maman qui a perdu son mari : elle est seule avec ses enfants et maintenant, elle est tous les Noëls sans lui. Et je me dis : pourquoi je suis là et pas lui ? Pourquoi je suis vivante ? Ça me hante tous les jours".

Un stress post-traumatique chez plus d'une victime sur deux des attentats du 13 novembre 2015. 

Selon une étude de Santé Publique France publiée ce mardi, 54% des menacés directs, les personnes directement visées et blessées, et 27% des témoins sur place ont souffert ou souffrent encore de stress post-traumatique.