Sophie, 31 ans, a eu recours à la PMA à l'étranger avec sa compagne : "ça reste un sujet très tabou en France"

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Grégoire Duhourcau , modifié à
Stéphanie et sa compagne ont fait une PMA à l'étranger. Un parcours intense que Stéphanie décrit au micro d'Olivier Delacroix sur Europe 1.
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La PMA étant toujours interdite en France pour les couples de même sexe, Stéphanie, 31 ans, est allée en Espagne avec sa compagne, afin de donner naissance à sa fille, Alix. "Je pense que la société française a une vision de l'homoparentalité assez erronée", confie-t-elle au micro d'Olivier Delacroix sur Europe 1.

"Ça fait dix ans qu'on est ensemble [avec ma compagne]. Depuis le début, on a toujours su qu'on voudrait fonder une famille. Il y a deux ans, on approchait de l'âge où ça devient concret, où les envies de fonder une famille sont un peu plus pressantes. Du coup, on s'est lancées dans le parcours il y a à peu près deux ans.

Pour moi, il y a deux grandes étapes. La première est de trouver un ou une gynécologue en France, qui accepte de nous suivre dans le parcours à l'étranger. La deuxième étape est de choisir le pays, la clinique et définir avec la clinique quelles seront les méthodes et les traitements envisagés.

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[Cela n'a pas été si éprouvant] que ça parce qu'on avait des copines qui étaient déjà passées par ce parcours-là et pour qui ça s'était très bien passé. Elles nous ont beaucoup conseillées. On est parties en Espagne et la moitié de la patientèle de la clinique, à peu près, est française. Ils connaissent le protocole, ils savent comment gérer avec les gynécologues français et ils sont vraiment habitués à nous encadrer.

"Si on calcule tout le projet depuis le début, on doit être aux alentours de 10.000 euros"

[Du fait que le protocole se soit déroulé à l'étranger, il n'est pas remboursé par la Sécurité sociale.] Si on calcule tout le projet depuis le début, en comptant tous les soins médicaux et les allers-retours en Espagne, on doit être aux alentours de 10.000 euros. [Aujourd'hui, nous sommes les heureuses mamans d'une petite Alix qui] va avoir huit mois.

Il y a deux grandes choses [qui expliquent que la PMA ne soit toujours pas autorisée en France pour les couples de même sexe]. La PMA reste un sujet très tabou, même pour les couples hétérosexuels. La plupart n'en parlent pas lorsqu'ils sont dans le parcours. Je pense qu'il y a une certaine honte à entrer dans un parcours médical, ce qui n'est pas du tout le cas en Espagne. On a vraiment senti la différence entre les deux pays. Je pense que la société française a aussi une vision de l'homoparentalité assez erronée. Déjà, parce qu'on a l'impression que la plupart a découvert en 2013, avec la loi du mariage pour tous, qu'il existait déjà des familles homoparentales. Quand on regarde un petit peu, il y en a quand même un certain nombre.

"Nos enfants sont les premières victimes de la stigmatisation"

[Malgré tout, les familles homoparentales restent assez discrètes en France.] On essaye de se protéger un petit peu. Quand on voit que les militants anti-PMA sont quand même assez féroces, il y a une certaine volonté de protection. On se protège nous, on protège nos enfants aussi parce que ce sont les premières victimes de cette stigmatisation."

L'avis de Fabien Joly, avocat et porte-parole de l’association des familles homoparentales :

"La loi de mai 2013 a permis le mariage pour les couples de même sexe et en même temps a ouvert une chose dont on pensait qu'elle serait impossible il y a encore 10 ou 15 ans. Le législateur a décidé de permettre aux couples homosexuels d'adopter des enfants. Cette adoption peut se faire en France, mais aussi, le cas échéant, à l'étranger.

[En ce qui concerne la PMA, toujours interdite en France], ce n'est pas parce que ça se fait à l'international que la France doit nécessairement, elle aussi, légiférer et suivre le mouvement. Mais je suis toujours surpris de voir ces espèces d'éructations qui interviennent quand on parle de la PMA pour les couples de femmes, et même pour les femmes célibataires parce que, ne l'oublions pas, les grands enjeux, les grands sujets, ont déjà été tranchés en 2013.

Le grand sujet était de savoir si, par principe, on considérait qu'un couple de femmes ou une femme célibataire, pouvaient être capables d'élever un enfant. En d'autres termes, est-ce que le fait qu'un enfant n'ait pas un homme et une femme pour l'élever, pouvait être contraire à son intérêt supérieur ? Le législateur a déjà répondu à cette question lorsqu'il a permis aux couples de même sexe d'adopter. Il a donc estimé que le fait que ce soit deux personnes de même sexe n'était pas nécessairement contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant, que des enfants pouvaient être élevés convenablement dans l'amour avec des parents de même sexe."