Soirées réservées aux roux : "Ça me fait rire mais…"

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Fabienne Cosnay , modifié à
GINGER POWER - A Lyon, des soirées sont organisées en l'honneur des rouquin(e)s. Une bonne idée pour échanger ou une manière de s'isoler ?

Se retrouver entre roux. C'est l'histoire de deux amis lyonnais, qui, un soir, alors qu'ils échangeaient sur leurs déboires passés de rouquins, ont eu l'idée de lancer des soirées rien que pour eux. Des "ginger parties" comme il en existe outre-Manche.

Le concept est simple : chaque premier lundi du mois, les cheveux poil de carotte sont invités à faire la fête dans un pub du centre ville. Les non roux peuvent aussi venir à une condition, celle de ressembler … à un roux. "Les vrais roux ont bien sûr de bons prix (la vie est déjà assez difficile pour nous)… et ceux qui viennent avec une perruque ou une teinture ont le droit aux petits prix aussi (parce que vous nous faites sentir moins seuls, rien que pour une soirée", peut-on lire sur leur page Facebook.

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Mauvais souvenirs. A l'école, Gérald et Alice se sont souvent sentis seuls, exclus et moqués par les autres à cause de leur chevelure flamboyante. "Quand on est enfant, on aime se moquer des autres en caricaturant les choses. Ce ne sont pas les mots ou les expressions en tant que telles qui parfois sont les plus blessantes. Mais ça le devient quand elles le sont de façon répétée. Cela peut vraiment être traumatisant", confie Gérald à 20 Minutes. Son amie Alice, Anglaise installée depuis en France, a dû changer d'école, du fait du harcèlement qu'elle subissait à cause de sa tignasse rousse.  "Mon quotidien était horrible, à tel point que mes parents ont fini par me changer d'établissement scolaire (…) Quand j'étais jeune, je détestais ma couleur de cheveux. A 15 ans, je me suis même teinte en noir pour être différente", se remémore la jeune femme.

Thérapie de groupe. Ces soirées sont l'occasion de partager des souvenirs entre roux "comme dans une thérapie de groupe", explique Gérard à 20 Minutes. Un côté communautaire qui ne plaît pas forcément au public concerné. "Ca me fait rire mais je n'irai pas une soirée parce que c'est une soirée de roux !" s'exclame Damien, 25 ans. "Je trouve le concept rigolo mais en voulant dénoncer la discrimination dont sont victimes les roux, ce genre de soirée est aussi excluante", tranche Marion.

Cette jeune trentenaire garde pourtant des mauvais souvenirs de l'école et des colonies de vacances, du fait de sa chevelure flamboyante. "En colo, un camarade a fait passer la rumeur que les roux puaient. Ca a été l'enfer", se souvient-elle. Mais Marion estime qu'elle a passé l'âge de la thérapie de groupe. "On souffre d'être roux quand on est jeunes. Pas à 20, 30 ou 40 ans", insiste la jeune femme.

Racisme capillaire. "Les hommes roux puent. Les femmes rousses sont faciles. Un roux ne vieillit pas, il rouille" : sur Internet, les blagues ou forums anti-roux pullulent. Peut-on pour autant parler de racisme capillaire ? Pour Valérie André, auteur de Réflexions sur la question rousse, la discrimination contre les roux (gingerism en anglais) n'a rien d'anecdotique. " Quand on s'en prend aux roux, on n'a pas l'impression de faire un acte de racisme, on est protégé par le politiquement correct, mais c'est bien de cela qu'il s'agit", indiquait en 2010 à l'AFP cette professeur de littérature.

Au magazine Vice, la chercheuse rappelle que les croyances sur les roux remontent à la nuit des temps. "Dans les sociétés judéo-chrétiennes, le roux est associé aux puissances telluriques, aux forces démoniaques. De nombreux amalgames se sont accumulés au cours de l’histoire".