Serge Dassault, un industriel aux multiples casquettes

Serge Dassault est mort d'une "défaillance cardiaque" à son bureau des Champs-Élysées, lundi.
Serge Dassault est mort d'une "défaillance cardiaque" à son bureau des Champs-Élysées, lundi. © ERIC PIERMONT / AFP
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Thibaud Le Meneec
Industriel, responsable politique et homme de presse, Serge Dassault était inquiété par la justice depuis une dizaine d'années. Il est mort lundi d'une crise cardiaque à l'âge de 93 ans.

Avec la disparition de Serge Dassault, lundi, à l'âge de 93 ans, la France perd l'un de ses industriels les plus emblématiques de ces dernières décennies. À la tête du groupe d'aviation du même nom pendant près de 30 ans, l'homme incarnait ce mélange entre sphères industrielle, politique et médiatique.

Prise de contrôle du groupe Dassault en 1987. Industrielle, d'abord, avec la reprise en main du groupe d'aviation fondé par son père Marcel, à la mort de ce dernier, en 1987. Polytechnicien, Serge Dassault était devenu président d'honneur de Dassault Industries en 2000, avant de choisir Charles Edelstenne comme successeur en 2014, au détriment de ses quatre fils qui se disputaient la suite de leur père depuis plusieurs années.

Homme de droite et baron local. Politique, ensuite, en étant le maire emblématique de Corbeil-Essonnes pendant 14 ans, de 1995 à 2009. Il avait aussi été sénateur de l'Essonne entre 2004 et 2017, siégeant avec les parlementaires UMP puis Les Républicains et défendant avec ardeur les idées de son camp, notamment sur le temps de travail, contre la gauche et les 35 heures : "Les Chinois, eux, ils travaillent 45h, ils dorment dans leurs usines et ils font de bons produits." Il avait aussi choqué avec avec des propos polémiques sur le mariage pour tous, fin 2012 : "On veut un pays d'homos ? Alors, dans dix ans il n'y a plus personne, c'est stupide." 

En retrait du jeu politique depuis la fin de son mandat de sénateur, celui qui s'était lancé en politique dans les années 1970 en adhérant au Centre national des indépendants et paysans (CNIP) avait appelé à voter en faveur de Manuel Valls au second tour des élections législatives de 2017, dans la première circonscription de l'Essonne, face à une candidate de La France insoumise. Le même Manuel Valls l'avait battu aux élections législatives, en 2002. 

Patron du Figaro depuis 2004. Enfin, comme plusieurs grands patrons français, Serge Dassault était le propriétaire d'un média, Le Figaro, depuis 2004 et la prise de contrôle du quotidien par son groupe. Libéral et ferme en matière d'immigration, Serge Dassault intervenait régulièrement dans les colonnes du journal pour distribuer bons et mauvais points à la classe politique au gré de l'actualité. "C'a été un industriel de presse exceptionnel. Quand il achète Le Figaro, c'est un journal qui va mal sur le plan économique et c'est devenu un groupe puissant, sans doute le plus puissant de France", explique Nicolas Beytout, directeur du journal L'Opinion et directeur de la rédaction du Figaro de 2004 à 2007. Il était à la tête de la quatrième fortune française, avec 19 milliards d'euros en 2018, selon Forbes.

Mêlé à des affaires de justice. Ces dernières années, le nom de Serge Dassault avait été associé à plusieurs affaires judiciaires. En 2009, le Conseil d'État avait annulé sa réélection à la mairie de Corbeil-Essonnes l'année précédente en raison de "dons d'argent" et l'avait déclaré inéligible pendant un an. Condamné en février 2017 à cinq ans d'inéligibilité et deux millions d'euros d'amende pour avoir caché au fisc français, pendant quinze ans, des comptes à l'étranger, il avait immédiatement fait appel, ce qui lui a permis de garder son fauteuil de sénateur au moins jusqu'à la fin de son mandat. C'était la première fois que Serge Dassault était condamné. Il devait être jugé en appel la semaine prochaine dans cette affaire pour "blanchiment de fraude fiscale".