Saint-Etienne-du-Rouvray : "j'ai cru que j'étais mort"

© CHARLY TRIBALLEAU / AFP
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Le 26 juillet, Adel K. et Abdelmalik P. ont assassiné le père Jacques Hamel et ont grièvement blessé l’un de ses fidèles, Guy Copenet. L'octogénaire témoigne pour la première fois dans Famille Chrétienne. 

Près de deux mois après, Guy Copenet n’a rien oublié de cette matinée du 26 juillet. La journée avait plutôt bien commencé, il venait de fêter ses 87 ans, dont près de 63 passés au côté de son épouse, Janine. Comme souvent, le couple participait à une messe matinale, célébrée par le père Jacques Hamel en l’église Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen. Un autre laïc et trois sœurs sont également présents. Peu avant 10 heures, l’office est interrompu par l’arrivée de deux djihadites, Adel K. et Abdelmalik P. "Les deux jeunes tueurs m’ont attrapé par le 'colbach', m’ont mis une caméra dans les mains et m’ont dit : 'Papy, tu filmes.' Ils venaient même vérifier la qualité des images et constater que je ne tremblais pas trop. J’ai dû filmer l’assassinat de mon ami le Père Jacques !", confie l’ouvrier à la retraite qui s’exprime pour la première fois dans Famille Chrétienne. L’homme d’Eglise est assassiné sur les marches au pied de l’autel.

" Pense à tes parents, tu es sur une fausse route "

C’est la première fois que Guy Copenet s’exprime. Lui-même a fait les frais du déchaînement de violence des djihadistes. Selon Sœur Danielle, qui est parvenue à prendre la fuite et a donné l’alerte, "K. s’acharnait sur Jacques, qui est tombé face contre ciel ; P. tailladait Guy." Sous les yeux de son épouse, il est poignardé à trois reprises, au bras, au dos et à la gorge. "J’ai cru que j’étais mort. Alors ça ne m’a pas été très difficile de faire semblant." Quelques minutes auparavant, il avait essayé de raisonner son agresseur. "Je lui ai demandé s’il avait des enfants. J’ai ajouté : 'Pense à tes parents, tu es sur une fausse route, tu vas les tuer de chagrin.' Il m’a poignardé, puis m’a traîné en bas des marches de l’autel. C’était tout rouge, mais je ne me rendais pas compte que c’était mon sang qui coulait", poursuit-il.

Son calvaire dure près de 45 minutes, jusqu’à ce que les terroristes décident de sortir avec Janine Copenet et les deux autres religieuses sur le parvis de l’Eglise. Adel K. et Abdelmalik P. sont alors abattus par les forces d’intervention. Le retraité est immédiatement pris en charge. "L’urgentiste qui m’a soigné m’a dit : 'Il y avait une main divine sur vous car aucun des coups n’a touché un organe vital. Or, ce n’était vraiment pas loin… C’est comme un miracle ! '", se souvient-il.

Le difficile pardon. Pour l’instant, le couple n’a pas pardonné aux deux djihadites. "On prie surtout pour leurs familles. J’ai une pensée spéciale pour leurs mamans qui doivent se lamenter : 'Mon fils est devenu fou !' Elles ne vont pas se relever de sitôt. On se dit, avec Guy, qu’on aimerait les rencontrer pour essayer de comprendre et les apaiser", confie au magazine religieux Janine. Et sœur Danielle, qui a donné l’alerte, d’ajouter: "Ce sont des jeunes qui n’ont aucun bagage culturel ni religieux. Dans une tête vide, on peut faire rentrer n’importe quoi…"

La religieuse est toujours en contact avec la famille d’Adel K., qui habite à proximité de l’église."Les parents n’arrivent pas à comprendre comment un de leurs enfants a pu commettre cet acte barbare. Adel était en suivi psychiatrique. Car nous sommes là dans des cas complexes où se mêlent fragilité psychologique, vide existentiel, ignorance religieuse et culturelle… C’est un cocktail Molotov prêt à exploser." Ce sont ses parents qui avaient signalé sa radicalisation et ses velléités de se rendre en Syrie aux autorités.