Rats, punaise de lit et amas d’ordures… "l’indigne" prison de Fresnes

prison de fresnes
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Caroline Politi , modifié à
La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté a publié mercredi en urgence des recommandations sur les conditions de détentions de la prison de Fresnes. 

Un lieu "indigne" et "inhumain" dans lequel règne une "hygiène déplorable". Aucun superlatif ne semble suffisant à Adeline Hazan, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, pour décrire le quotidien des détenus du centre pénitentiaire de Fresnes, dans le Val-de-Marne. Les rats qui grouillent de jour comme de nuit. "L’odeur persistante de leur pelage, de leurs excréments, de leurs cadavres s’ajoutent à celles de l’amas d’ordures qui jonchent les bâtiments". Les punaises qui envahissent les lits. Les murs recouverts de moisissures et de crasse. Et en "promenade", les détenus obligés d’uriner dans des bouteilles qu’ils projettent  par-dessus le mur, en raison de l’absence de toilettes. Sans compter une surpopulation qui atteint 188%, voire plus de 200% dans certains bâtiments. Plus de la moitié des détenus sont entassés à trois dans des cellules de 10 mètres carrés.

Catastrophée par cette "violation grave des droits fondamentaux", Adeline Hazan a publié mercredi en urgence des recommandations au Journal Officiel afin que l'Etat se saisisse en priorité du dossier. Une procédure rare, utilisée précédemment à la prison des Baumettes de Marseille ou à celles de Nouméa. "Ces conditions de vie sont indignes et portent directement atteinte à la santé des personnes, personnel et détenus", écrit dans son rapport la contrôleuse générale. Cette année, deux cas de leptospirose, une maladie infectieuse liée à la présence des rats, ont été signalés à l’Institut national de veille sanitaire et un gardien a dû prendre un traitement préventif après avoir découvert un animal dans son lit.

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(56% des détenus vivent à trois dans des cellules de 10 m2 - Crédit: JC Hanché- CGPL)

Usage de la force "banalisé". Mais les observations ne se limitent pas au seul état du bâtiment. Il existe au sein de la maison d’arrêt un « climat de tension » manifeste, ont noté les contrôleurs. Les agents pénitentiaires, en sous-effectif et stagiaires pour quelque 70% d’entre eux, n’ont pas les moyens de répondre aux multiples sollicitations. "Un surveillant d’étage, seul pour prendre en charge 120 personnes, ne peut matériellement effectuer tous les mouvements nécessaires pour permettre aux personnes détenues de se rendre aux activités, soins ou rendez-vous prévus, et moins encore répondre aux demandes".

Dans ces conditions, l’usage de la force est "banalisé et immédiat". Les contrôleurs ont ainsi vu un gardien asséner un coup de pied à un détenu alors même qu’il était immobilisé. Le tutoiement est généralisé et les insultes fréquentes. Le recours aux fouilles au corps est la règle et non l’exception. En témoigne le fait que les surveillants n’ont pas une liste de personnes à fouiller mais à ne pas l’être.

Entre détenus également, les violences sont fréquentes. Le personnel de l’unité sanitaire témoigne de l’augmentation des bagarres et des traumatismes physiques. Certaines zones à risques sont identifiées : les douches dans lesquelles les personnes détenues sont enfermées sans surveillance, les salles d’attente où règnent la promiscuité et les cours de promenade, dans lesquelles les personnes détenues sont entassées avec une surveillance illusoire : un surveillant unique est chargé d’une douzaine de cours alors qu’il ne peut en voir que deux ou trois simultanément et qu’il n’a pas accès à la vidéosurveillance.

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(Les rats grouillent au pied des bâtiments - Crédit: JC Hanché -CGPL)

Projet de construction. Conscient d’une partie de ces difficultés, le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, a rappelé qu’un projet d’élargissement du parc pénitentiaire était en cours et que trois nouvelles maisons d’arrêts sont en projet en Ile-de-France. Pour répondre aux besoins les plus urgents, un programme de dératisation et de désinsectisation d’une ampleur exceptionnelle a été engagé. Des mesures ont également été prises pour mettre fin au système de fouilles intégrales systématiques. En revanche, Jean-Jacques Urvoas affirme que les violences ont baissé au cours de ces six dernières années, passant de 17 incidents pour 100 détenus en 2012 à six en 2016.