"Punir ne peut pas être un acte automatique" : les annonces d'Emmanuel Macron sur la prison

Emmanuel Macron s'est exprimé depuis l'École nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP), mardi.
Emmanuel Macron s'est exprimé depuis l'École nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP), mardi. © AFP
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Le président de la République a présenté son plan de refonte des peines de prison, axé sur l'efficacité et la lutte contre la surpopulation carcérale, mardi à Agen. 

Emmanuel Macron entend "convertir notre regard sur la peine". Reprenant ses engagements de campagne et s’inspirant en partie des systèmes existants dans les pays du nord de l'Europe, le président de la République a présenté son projet de "refondation" pénale, mardi à Angers. Devant l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP), le chef de l'État a indiqué n'être d'accord ni avec "les laxistes, qui voudraient que personne ne soit puni", ni avec les "vrais durs", partisans d'un emprisonnement systématique. "Cette vision manichéenne des choses est dispensée d'une vraie réflexion sur le contenu moral et politique que nous devons donner aux peines", a-t-il estimé. Europe1.fr fait le point sur les principales annonces. 

  • Plus d'"automaticité" de l'aménagement pour les peines de moins d'un an

"La peine s'inscrit comme un moment dans la vie d'un individu", a rappelé Emmanuel Macron, mettant l'accent sur  la réinsertion. "Punir ne peut pas être un acte automatique." "Nous allons transformer l'aménagement systématique des peines. Pour les peines inférieures à un an, nous mettrons un terme à l'automaticité", a déclaré le président de la République. "C'est le tribunal qui devra décider expressément d'un aménagement au vu du profil de la personne et non plus en se soumettant à un système automatique", a-t-il expliqué.

"Les peines entre un et six mois pourront s'exécuter en dehors des établissements pénitentiaires", a ajouté Emmanuel Macron. "J'invite tous ceux qui pensent que c'est du laxisme à porter un bracelet électronique au quotidien", a noté le président, évoquant également la possibilité d'un régime de semi-liberté ou de la prise en charge par une association. 

  • Plus d'aménagement pour les peines supérieures à un an

En revanche, "au-delà d'une peine de prison d'un an, le juge d'application des peines ne sera plus saisi car il n'y aura plus d'aménagement", a poursuivi Emmanuel Macron, dénonçant une "forme d"hypocrisie collective" dans le système actuel, qui permet l'aménagement pour des peines allant jusqu'à deux ans. "On déresponsabilise toute la chaîne judiciaire. On prononce une peine de prison ferme tout en sachant qu'elle va être aménagée, comme pour indiquer symboliquement une gravité...." a souligné le chef de l'État. 

Pour faciliter la décision du juge le jour même de l'audience, Emmanuel Macron a dit "souhaiter que l'on favorise le dossier unique de personnalité", aujourd'hui utilisé seulement pour les mineurs, et qui recoupe toutes les informations disponibles sur une personne, afin de prendre la décision la plus spécifique possible. Le chef de l'État a en outre indiqué que les magistrats correctionnels pourraient prononcer un mandat de dépôt, mais aussi un mandat de dépôt "différé", donnant à un condamné un délai de quelques semaines pour "mettre de l'ordre dans ses affaires" ou "mettre à l'abri sa famille", par exemple. 

 

  • Les peines de prison inférieures à un mois supprimées

Elles concernent environ 10.000 personnes par an : les peines "supérieures ou égales à un mois" seront désormais "proscrites car elles ne servent à rien", a indiqué le président de la République. "Nous ne pouvons plus nous permettre une justice symbolique. Nous voulons tous une justice efficace", a-t-il encore pointé, rappelant que le taux d'occupation des maisons d'arrêt s'élève "en moyenne à 141%". 

  • Des petits délits, comme l'usage de stupéfiants, "forfaitisés"

"Les petites peines de moins de six mois" sont "particulièrement contre-productives" aux yeux du président de la République. Évoquant notamment la consommation de cannabis, mais aussi les délits routiers ou les vols, le chef de l'État s'est dit favorable à une peine graduée, qui permette de lutter contre la récidive. Pour cela, "nous allons 'forfaitiser' plusieurs délits, notamment l'usage de stupéfiants", a-t-il indiqué. "Nous allons substituer à ce qui sont aujourd'hui des peines de prison et d'enfermement des amendes et des mesures de suivi." 

Sur ce sujet, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb avait annoncé en janvier la mise en place d'une "amende forfaitaire" pour les consommateurs de cannabis, sans éliminer totalement la possibilité de poursuites pénales. 

  • 1.500 postes de conseillers de réinsertion créés 

Enfin, le chef de l'État a annoncé sa volonté de renforcer les dispositifs d'accompagnement, pour éviter les sorties "sèches" de prison. "La libération sous contrainte sera le principe et son refus devra être exceptionnel et motivé", a-t-il indiqué. En pratique, le sursis avec mise à l'épreuve, largement utilisé aujourd'hui, sera fusionné avec la contrainte pénale, permettant un contrôle en milieu ouvert, sans incarcération, qui est beaucoup moins utilisé par les juges. Le but : "simplifier la mesure et accroître un véritable contrôle hors les murs."

Afin de permettre l'accompagnement de ces personnes, Emmanuel Macron a donc annoncé la création de 1.500 postes de conseillers d'insertion et de probation, chargés de suivre les condamnés en dehors de la prison. Actuellement, le nombre de ces conseillers s'élève à 4.000, pour 250.000 personnes suivies en détention ou en milieu ouvert.