Projet d'attentat contre un sémaphore : "j'ai été happé" par Daech, témoigne l'un des prévenus

L'attaque visait le sémaphore de Béar, dans le sud-ouest (photo d'archives).
L'attaque visait le sémaphore de Béar, dans le sud-ouest (photo d'archives). © AFP
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M.L , modifié à
"Le Monde" et "Le Parisien" ont eu accès au procès-verbal de l'audition dans laquelle le Français Djebril Amara, 23 ans, raconte sa radicalisation et son basculement dans l'idéologie djihadiste.

Aux côtés de deux complices présumés, il comparaît à partir de lundi devant la cour d'assises des mineurs de Paris. Ancien matelot, Djebril Amara est soupçonné d'avoir voulu attaquer un site militaire du Cap Béar, dans le sud-ouest, en 2015. L'homme, aujourd'hui âgé de 23 ans - il en avait 19 au moment des faits - est poursuivi pour association de malfaiteurs terroriste criminelle et encourt 20 ans de prison. Cinq journées d'audience devraient permettre d'éclairer son parcours de radicalisation, marqué par l'influence des réseaux sociaux : le prévenu l'a déjà évoqué lors d'une audition par les policiers de la DGSI, mi-juillet 2015. Le Monde et Le Parisienont eu accès à de larges extraits de son récit, aux allures de monologue.

"J'étais seul, vraiment seul". Djebril Amara y revient sur son parcours, lui qui rêvait de servir sur des navires de l'armée française. Finalement affecté comme guetteur au sémaphore du Cap Béar, l'homme a connu plusieurs arrêts maladie pour dépression avant d'être réformé, voyant s'envoler tout espoir de prendre la mer. "J'avais perdu le rêve de ma vie", a-t-il expliqué aux enquêteurs selon Le Monde. "Je me suis tourné vers l'islam car c'est une période où je cherchais une base solide, un sens à ma vie. J'étais seul, vraiment seul. C'était aussi le 'boum' en Syrie."

Le jeune homme, à peine majeur, s'est alors inscrit sur le site jeuxvideos.com pour y échanger sur un forum consacré à l'islam. C'est là qu'il a rencontré ceux qui deviendraient ses complices présumés. "J'ai été happé par la manière dont les terroristes font leurs vidéos, je suis resté scotché", a-t-il avoué après son arrestation. "C'était plus simple de regarder une vidéo en mangeant des chips plutôt que de se déplacer à la mosquée qui était loin de chez moi."

"La fiction devient réalité". Djebril Amara raconte ensuite comment il s'est progressivement éloigné de sa famille, mais aussi de ses activités habituelles, comme les jeux vidéos : "Je suis hypnotisé. Je me lève Daech, je mange Daech, je vis Daech. (...) Ils ont réussi à me faire détacher les liens que j'ai avec ma mère. Je me prenais pour un référent de Dieu sur terre." Ne se sentant "pas capable" de partir en Syrie, le jeune homme a peu à peu décidé de suivre les conseils prodigués par les vidéos de propagande, appelant à la commission d'actions violentes sur le sol français.

Ont suivi les attentats de Charlie Hebdo - "La fiction devient réalité. Avant ça se passait au Moyen-Orient, là, ça se passe à côté", et la précision de son projet d'abattre les militaires de son ancien sémaphore - "en tout, trois ou quatre personnes". Puis les doutes, et l'abandon du plan, assure le jeune homme : "En mai (2015, ndlr), je lâche Daech. Je recommence à communiquer avec ma mère." Un repentir crédible ? La justice a une semaine pour en décider.