Samedi après-midi, neuf personnes se trouvaient en garde à vue. 1:53
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Léa Leostic
Après l’assassinat d’un professeur d’histoire-géographie vendredi près d’un collège de Conflans-Sainte-Honorine, l’historien et enseignant Iannis Roder était invité d’Europe 1 samedi. Il a confié sa colère et a estimé que les professeurs n’avaient pas été écoutés à temps. Il pointe également du doigt les politiques qui "minimisent la situation".
INTERVIEW

Au lendemain de l’assassinat d’un professeur d’histoire, décapité près d’un collège de Conflans-Sainte-Honorine, Iannis Roder, historien, enseignant et directeur de l’observatoire de l’éducation à la Fondation Jean-Jaurès, était invité au micro d’Europe 1. Il a d’abord rendu hommage au professeur, puis a confié sa colère. "Cela fait 20 ans que nous sommes quelques-uns à crier dans le vide, à dire qu’il se passe des choses qui peuvent aboutir à des choses extrêmement graves. Nous avons déjà eu des exemples auparavant. Certains continuent encore à minimiser la situation et à ne pas vouloir voir que dans certains espaces, il y a des choses extrêmement graves qui se passent", explique le professeur qui enseigne depuis près de 20 ans en Seine-Saint-Denis.

"Il faut une prise de conscience générale"

Samedi après-midi, neuf personnes se trouvaient en garde à vue. Parmi elles, le père d'une élève du collège. Quelques jours avant le drame, dans une vidéo très relayée sur les réseaux sociaux, il avait dénoncé l'attitude du professeur, qui avait montré à ses élèves une caricature de Mahomet.

"J’espère que ce sera un tournant dans la prise de conscience générale de notre situation, que ça ne servira pas à encore fabriquer de l’amnésie et à passer à autre chose dans 15 jours, comme on est passé à autre chose après d’autres attentats, à Magnanville, à 40 kilomètres de Conflans-Saint-Honorine, ou lors de l’assassinat du père Hamel. Il faut une prise de conscience générale et j’espère que nous n’aurons pas encore des explicitations niaiseuses sur les difficultés sociales des uns et des autres pour faire comprendre que la situation est beaucoup plus grave que cela", a continué Iannis Roder.

Un hommage national prévu

Samedi, l’Elysée a annoncé qu’un hommage serait rendu au professeur d’histoire-géographie, sans préciser la date. "C’est symbolique, mais le symbole, ça compte notamment en politique ou pour unir une Nation derrière notre collègue et le corps enseignant qui est en première ligne. C’est un geste important", a également commenté l’historien.

"L’ennemi, c’est l’islamisme radical"

Un grand rassemblement citoyen pourrait aussi avoir lieu dimanche à 15 heures place de la République à Paris. "Pourquoi pas, mais si c’est pour faire un grand rassemblement en disant non à la barbarie puis rentrer chez nous tranquillement et ne pas vouloir voir la réalité quand elle se propose à nous, ça ne sert à rien du tout. Je préfèrerais une vraie prise de conscience et des discours très clairs, qui nomment l’ennemi. J’ai encore vu des tweets de responsables politiques nationaux qui ne citent même pas l’ennemi. L’ennemi, c’est l’islamisme radical. Il faut oser le dire et arrêter de faire du clientélisme. On peut se pavaner à n’importe quel rassemblement, mais à partir du moment où on ne nomme pas les choses, ça ne sert à rien", a développé Iannis Roder.

Il s’est également exprimé sur l’auto-censure des professeurs. "Consciemment ou inconsciemment, nous allons nous auto-censurer. Qui peut prendre le risque d’être assassiné parce qu’il a montré des dessins ? Ça va être plus compliqué pour les enseignants de parler de ces questions", a-t-il conclu.