Procès Tron : bousculée par la défense, une plaignante raconte le "brouillard"

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Interrogée par Eric Dupond-Moretti notamment, Virginie Ettel a reconnu les zones de flou que comportent ses accusations, mercredi devant les assises, sans faire évoluer sa version sur le fond.

"J'ai entendu, me semble-t-il, Brigitte prendre du plaisir. Tous les deux ne se parlaient pas. J'ai dû essayer d'ouvrir les yeux une ou deux fois et il me les a refermés..." Il est à peine 17 heures et la nuit semble déjà tombée sur la salle des assises du tribunal de Bobigny. Poussée dans ses retranchements, Virginie Ettel cherche, tant bien que mal, à fournir à la défense les "précisions" qu'elle ne cesse de réclamer. Mais le récit du viol présumé qu'elle affirme avoir subi le 19 novembre 2009 à la mairie de Draveil n'ira pas plus loin. 

"Je reste interloquée, je ne lui dis rien". Cramponnée à la barre, la quadragénaire marque des pauses, pleure parfois. Elle tourne le dos à Georges Tron et son ancienne adjointe Brigitte Gruel. Méthodiquement, leurs avocats attaquent chacun des points exposés par Virginie Ettel le matin. Depuis son premier entretien avec l'édile, au cours duquel elle affirme être restée interdite tandis qu'il lui massait les pieds."Mais vous avez quel âge, madame ? Une trentaine d'années ? Que lui dites vous ?", vocifère Eric Dupond-Moretti. "Je reste interloquée, je ne lui dis rien. Pourquoi ? Ce sont des questions que je me pose." 

Le ténor du barreau bout, et tente de remonter, pèle-mêle, le fil des imprécisions de la plaignante. "Le 19 novembre, vous nous dites que vous avez les yeux fermés. Vous les ouvrez, y-a-t-il de la lumière ? A-t-il éjaculé ? Quelle est la couleur de son caleçon ? Ce sont des questions que l'on pose à un enfant de cinq ans dans une affaire de viol", s'exclame l'avocat. "On le fait parce que c'est important. On le fait dans toutes les enceintes judiciaires."

 

"Je me souviens de me voir avec un verre à la main". Mais outre quelques uns de ces fameux "détails", comme le "collant couleur chair" de Brigitte Gruel, Virginie Ettel ne se rappelle de rien de précis. Le flou reprend avec son récit des heures qui suivent le viol présumé, lorsqu'elle rentre chez elle. "J'ai laissé mes enfants devant la télévision, je suis allée me laver, j'ai pris un bain, je me suis frottée effectivement avec la brosse à ongles... Je ne me souviens plus si j'ai fait dîner les enfants. Je me souviens de me voir avec un verre à la main. J'étais dans le brouillard."

Sur le banc de la défense, Me Vey, autre conseil de Georges Tron, s'étouffe : comment la plaignante peut-elle omettre un élément capital : la tentative de suicide qu'elle a fini par commettre ce soir-là ? Virginie Ettel tente d'expliquer. "A la suite des événements, je me suis mise à boire. J'ai pris des médicaments, alors c'est compliqué de relater certains faits, certaines dates. J'avais une prescription d'un anxiolytique, peut-être un antidépresseur aussi... Je faisais un peu ma sauce." 

"Les faits, je n'en ai pas racontés 50". Des absences, les avocats passent aux mensonges. Pourquoi avoir raconté à des collègues qu'elle souffrait d'un cancer du col de l'utérus après le viol présumé ? "Je savais que Monsieur Tron était très attentif aux maladies, je me suis dit : 'ça va forcément lui remonter aux oreilles et je n'aurai plus de soucis. Donc oui, j'ai menti", reconnaît volontiers Virginie Ettel. Pourquoi avoir envoyé un mail en se faisant passer pour l'autre plaignante, allant jusqu'à créer une fausse adresse ? "J'étais très en colère. Mais je vous assure que je n'ai pas utilisé son nom pour me cacher." Comment concevoir que sa mère photographie Georges Tron pour un calendrier, quelques semaines après les faits ? "C'est comme ça. J'arrivais à faire une 'happy face', tout le temps."

Limpide, la stratégie de la défense est résumée par l'avocat de Brigitte Gruel, Frank Natali : "dans ce dossier il y a des mensonges, des incohérences, des invraisemblances. Est-ce que vous admettez que cela puisse remettre en cause la réalité de vos accusations ?" La quadragénaire marque une temps d'arrêt. "Les mensonges, je les ai reconnus, je n'ai jamais cherché à les cacher. Les faits, je n'en ai pas raconté 50, j'en ai raconté deux. Il y a eu pénétration une fois et pas une deuxième fois. J'aurais pu si j'avais voulu exagérer, nuire", expose-t-elle calmement. "C'était il y a neuf ans. Je n'ai fait que raconter les faits tels que je les ai vécus."