Procès Neyret : l'ex-policier déchu reconnaît son "aveuglement"

"90% des affaires de grand banditisme m'ont été apportées par des informateurs", s'est défendu mercredi Michel Neyret.
"90% des affaires de grand banditisme m'ont été apportées par des informateurs", s'est défendu mercredi Michel Neyret. © AFP
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avec AFP , modifié à
Celui qui a dirigé la prestigieuse brigade antigang de Lyon pendant vingt ans a reconnu avoir manqué de discernement dans la gestion de ses indics, mercredi, au premier jour de son procès en appel.

L'ex-star déchue de la police Michel Neyret, jugé pour corruption, a reconnu mercredi "un aveuglement" dans la gestion de ses indics au premier jour de son procès en appel où il n'a pas caché son inquiétude sur son sort.

"C'était un aveuglement, j'ai manqué de discernement et commis des erreurs que je n'aurais jamais dû commettre. J'ai été aveuglé par un mode de vie". Cette affaire a "fini par briser ma vie professionnelle", a expliqué à la barre l'homme qui dirigea pendant vingt ans la prestigieuse brigade antigang de Lyon.

Avantages, cadeaux et argent liquide. La justice reproche à Michel Neyret d'avoir fourni des informations confidentielles à des membres du milieu lyonnais, présentés comme des "indics", en échange d'avantages, de cadeaux et d'argent liquide, et d'avoir prélevé sa dîme sur une saisie de stupéfiants pour rétribuer des informateurs. Avec l'éternelle mèche barrant son front, élégamment vêtu d'un costume sombre, Michel Neyret n'a pas masqué son inquiétude sur son sort à l'issue de l'audience: "Évidemment que je suis inquiet. Je n'ai qu'une hâte, c'est que cette épreuve judiciaire se termine", a-t-il glissé. 

Condamné à deux ans et demi de prison ferme en première instance. En première instance, l'ex-numéro 2 de la PJ de Lyon a été condamné à deux ans et demi de prison ferme. Une peine aménageable qui évitait à l'ex-policier, incarcéré sept mois en détention provisoire, de retourner en prison. Mais le parquet, qui avait requis quatre ans dont deux ans et demi ferme, avait fait appel. "Cet appel a été sélectif", a souligné l'avocat général Jean-Christophe Muller en début d'audience, soulignant que seuls quatre des huit prévenus de première instance sont concernés.

Une société au Panama. Parmi eux, deux policiers -Gilles Guillotin et Christophe Gavat- et l'un des corrupteurs présumés, Stéphane Alzraa, incarcéré en Israël mais représenté à l'audience par un avocat. "Pour Michel Neyret, l'appel est fondé sur le fait que le tribunal l'a relaxé des poursuites pour association de malfaiteurs. Cela a pour conséquence de remettre en débat le quantum de la peine prononcée", a justifié le magistrat. Dans son viseur, la création en Suisse par l'épouse de Neyret, en liaison avec deux "informateurs", d'une société panaméenne destinée à recevoir des commissions sur des affaires via des comptes ouverts dans une banque à Dubaï.

Neyret encourt dix ans de prison. Michel Neyret est poursuivi pour huit délits dont corruption et trafic d'influence passives, détournement de scellés de stupéfiants et association de malfaiteurs. Il encoure dix ans de prison. "J'avais été relaxé pour l'association de malfaiteurs. À mon sens, cette qualification n'impacte pas l'appréciation globale du dossier. Je ne sais pas si elle sera retenue par la cour et si cela va impacter une sanction potentielle. Et parce que je ne sais pas, je suis inquiet", a commenté l'ex-policier.

Le "culte de l'informateur". À l'audience, Michel Neyret a été interrogé une bonne partie de la matinée par le président Dominique Pauthe, sur son parcours de policier et ses rapports avec ses "indics". "Je suis entré dans la police pour lutter contre la criminalité organisée, le grand banditisme", a expliqué Neyret parlant de sa vie professionnelle comme d'"une passion". "Pendant 21 ans, je suis resté à la BRI de Lyon, je n'étais pas carriériste, c'était plutôt un frein à mon avancement", a-t-il souligné. À cette époque, "90% des affaires de grand banditisme m'ont été apportées par des informateurs, c'était le seul moyen d'être efficace", a-t-il expliqué en parlant "d'un culte de l'informateur". "Oui, tous mes informateurs étaient défavorablement connus des services de police mais c'était précisément ce qui les rendait efficaces", a-t-il justifié.

"Qui est l'informateur de qui ?". "Mais quand on regarde le dossier, on se demande qui était l'informateur de qui", s'est interrogé le président Pauthe en se référant aux informations confidentielles fournies par Neyret à certains "indics" qui, en échange, ne lui ont pas donné de renseignements mais des cadeaux: montres de luxe, voyages, espèces... "Je n'aurais pas dû accepter", a-t-il reconnu. "Je leur donnais des informations pour qu'ils aient confiance en moi. Certains indics ont mis des années à me procurer de belles affaires", a-t-il justifié. Le procès est prévu jusqu'au 11 avril.