Procès du Carlton de Lille : DSK, les bouches d’égouts et les écureuils

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Revivez les moments forts de la deuxième journée d'audition de Dominique Strauss-Kahn.

• LE CONTEXTE

Dominique Strauss-Kahn et quatre autres co-prévenus sont entendus mercredi au tribunal correctionnel de Lille dans l'affaire de proxénétisme aggravé du Carlton de Lille. Ils doivent continuer de s'expliquer sur les soirées libertines organisées pour l'ancien patron du FMI, et notamment un voyage à Washington. Mardi, DSK a clamé qu'il n'était pas au courant que des prostituées participaient à ces rencontres.

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• LES PERSONNAGES

Cinq personnes doivent être interrogées jusqu'à jeudi.

- Dominique Strauss-Kahn

- David Roquet

- Fabrice Paszkowski

- Jean-Christophe Lagarde

- Virginie Dufour

• LES TEMPS FORTS

Dans la bouche de tout le monde. DSK doute de la sincérité du témoignage d'une jeune femme. Et il en veut pour preuve le vocabulaire qu'elle utilise. "Cette femme parle d'abattage. Ce terme revient plusieurs fois dans la procédure. Je suis de l'avis de Madame la procureure, si un terme revient deux, trois, quatre fois, c'est étrange. Ca me parait bizarre que ce soit dans la bouche de tout le monde", ironise-t-il.

Le torrent de boue. L'une des parties fines de Washington s'est déroulée quelques jours seulement avant l'arrestation de DSK à New York, pour "la petite affaire du Sofitel", comme l'appelle le commissaire Lagarde. "Avec Fabrice, on s'est dit qu'il ne fallait pas que nos parties fines se sachent. On ne voulait pas trop les ébruiter. Mais c'est raté...", explique le policier. "Il y avait une telle boue, un tel torrent d'ordures sur DSK, c'était un lynchage quotidien", poursuit-il. "Je ne cache pas l'admiration que j'ai pour l'homme DSK, j'aime sa personnalité. J'ai eu une peine terrible pour l'image que renvoyait le traitement médiatique, pour ce qu'il subissait", conclut le commissaire.

Une joyeuse luronne, pas une prostituée. Un deuxième voyage à Washington est sous le feu des projecteurs. Cette fois, les filles qui ont participé à ce déplacement ne sont pas présentes à l'audience. Après un long interrogatoire de Fabrice Paszkowski, Jean-Christophe Lagarde et David Roquet sur le paiement, très long à venir, des filles, le président en vient à la question qui occupe les débats depuis hier : DSK savait-il qu'Aurélie était payée pour ce voyage ? D'autant que la jeune femme a affirmé pendant l'enquête que l'ancien patron du FMI lui a demandé ses tarifs. "Je conteste ce point. Pour moi, c'était une libertine assumée, donc je me disais qu'elle avait peut-être du plaisir à le faire avec moi. Je conteste lui avoir demandé ses tarifs, je ne savais pas qu'elle faisait ça pour de l'argent. Mais il est vrai que je lui ai demandé si on pourrait se revoir directement. Je lui ai peut-être dit que si elle venait à Paris, je lui rembourserai ses frais. C'était plus simple si l'occasion se présentait", explique DSK. "Aurélie était pour moi une joyeuse luronne, une libertine", ajoute-t-il. "Elle dit de vous : 'il a des demandes qui peuvent choquer les novices'", conclut le président. DSK acquiesce de la tête.

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© Dominique Strauss-Kahn, David Roquet, Fabrice Paszkowski et Jean-Christophe Lagarde (Crédit : AFP/Denis Charlet, Philippe Huguen et François Guillot)

DSK et les écureuils. La cour examine désormais le voyage à Washington. Jade est invitée à faire le déplacement : "J’étais contente de partir en excursion. J’ai demandé à Fabrice de faire en sorte que je sois payée le plus possible. J’ai obtenu 2.000 euros. Ils ont financé tout le reste." La jeune femme raconte la rencontre : "J’avais une suite, la chambre la plus grande parce que j’avais l’honneur de recevoir les invités. J’ai reçu M. DSK et sa compagne dans mon lit. On a commencé des préliminaires. Puis Monsieur a demandé à ce que Catherine (la compagne de l'un des participants au voyage, ndlr) nous rejoigne. Mais il y a eu un plantage d’ambiance puisqu’elle n’a pas voulu se mélanger. Je sais que M. DSK n’était pas content", se souvient-elle.

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© Jade à la barre AFP/BENOIT PEYRUCQ

Malgré le mauvais souvenir de l'Amigo, Jade se réjouit de ce voyage. "J’avais prévu de lui dire ce que je ne voulais pas, mais ça ne s’est pas présenté", assure-t-elle. Les relations sont d'ailleurs cordiales : "Au restaurant, M. DSK me tenait la chaise, me lisait la carte, me traduisait parfois. Il n’était pas désagréable." La jeune femme se fait prendre en photo avec le président du FMI d'alors dans son bureau, "tout sourire" : "ben oui, c’était une photo sympa. Je ne me suis pas vantée de cette photo, je ne l’ai pas mise sur Facebook. Elle faisait partie de mes souvenirs avec les écureuils et les bouches d’égout qui font de la fumée." Et lorsque l'avocate de DSK évoque à nouveau cette photo, assurant que si DSK avait su que Jade était prostituée, jamais il ne l'aurait fait venir dans son bureau, Jade précise : "sur la photo, derrière, on se tient la main. Lui et moi, on le sait."

Quant à la question centrale du dossier : DSK savait-il que Jade était payée pour avoir une relation avec lui lors de ce voyage ? "Il ne faut pas nous prendre pour des brêles, il ne doit pas être si naïf que ça. Il y a naïveté devant vous la cour et naïveté à la maison", lance Jade, avec son franc-parler habituel. "Ce monsieur doit avoir un QI bien plus élevé que le mien".

Quatre rencontres, un rapport. Cet épisode n'a encore une fois pas éveillé l'attention de DSK sur le fait que Jade était une prostituée, assure-t-il une nouvelle fois. "Au total, j’ai rencontré Jade trois fois, avant le début de la procédure. Dans ces quatre épisodes, le Murano, nous n’avons pas fait l’amour, au Tantra non plus puis à l’Amigo, il y a eu une relation sexuelle et à Washington, il ne se passe rien non plus. Donc quatre épisodes, dont trois où il ne se passe rien. La seule fois où il se passe quelque chose, c’est moi qui propose. Comment j’aurais pu me dire qu’elle était là pour moi ?", s'interroge-t-il.

Une sexualité "plus rude". Après l'épisode du Tantra, DSK rentre bien à Bruxelles avec Jade. Sur l'épisode du rapport non consenti, Dominique Strauss-Kahn n'a pas les mêmes impressions que Jade : "Je ne suis pas pour faire des choses qui sont désagréables à mes partenaires. C’est pour cela que je m’en suis excusé (en confrontation, ndlr.). Je n’ai pas ressenti les choses de la même manière, elle aurait pu partir". "Je dois avoir une sexualité, je le découvre dans ce dossier, qui doit être plus rude que la moyenne des hommes", en conclut-il.

Le produit d'appel. DSK raconte à son tour ses souvenirs de cet épisode. ll a donc été invité au Tantra par son ami Fabrice Paszkowski : "Jade a l’impression que le club avait été réservé pour moi, ça n’a aucun sens. Le barman s’est sans doute vanté en disant cela. Il y avait au moins 40 personnes, je n’en connaissais pas les trois-quarts. Est ce que j’étais un produit d’appel ? Je n’en sais rien. Je ne vois pas pourquoi ça aurait intéressé autant de gens que je sois là."

La boucherie. Jade est de retour à la barre pour raconter sa deuxième rencontre avec DSK. C'était à l'automne 2009, dans un club échangiste en Belgique, privatisé pour l'occasion. Mais la prostituée refuse tout acte sexuel : "C’est une boucherie, ils sont tous sur un matelas, dans tous les sens. Je ne sais pas si ces gens sont propres, je ne participe pas à ce micmac." A la fin de cette soirée, la jeune femme rentre à Bruxelles en voiture avec DSK et la compagne de ce dernier. Sur le trajet, elle lui raconte qu'elle travaille dans un club échangiste, où elle se déshabille sur scène.

A Bruxelles, Jade se rend à l'hôtel avec DSK et sa compagne. Mais pour la prostituée, le rapport tourne au cauchemar : "Pour m’infliger ce qu’il m’a infligé, il ne devait pas avoir beaucoup de considération pour moi", conclut-elle.

DSK au couvent. Après son audition, mardi, Dominique Strauss-Kahn a passé la soirée et la nuit dans un très chic hôtel du vieux Lille : un ancien couvent. Europe 1 l'a suivi.

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