Prisons : l'infantilisation des détenus pointée du doigt

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Chloé Pilorget-Rezzouk AFP , modifié à
Pour son premier rapport, rendu public mercredi matin, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, a choisi la continuité avec son prédécesseur.

Pas de rupture, mais une continuité dans l'action. Pour son premier rapport, Adeline Hazan, ancienne maire de Reims nommée contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) en juillet dernier, s'inscrit dans l'action de son prédécesseur. Elle souhaite en effet poursuivre le travail de Jean-Marie Delarue dans "l'indépendance" vis-à-vis des pouvoirs publics et dans "l'intransigeance et la transparence" de ses constats et recommandations, tout en "créant un nouveau souffle".

Cette année, les recommandations de la CGLPL portent avant tout sur "l'autonomie" des personnes privées de liberté et le traitement de leurs requêtes. Pour établir ce rapport 2014, les contrôleurs se sont rendus dans 137 établissements durant l'année, dont 81%  de visites inopinées, un record. 

• Lutter contre "l'infantilisation et la déresponsabilisation" des détenus.Adeline Hazan constate en effet de "multiples restrictions de liberté dont le sens ou la nécessité n’apparaissaient pas toujours nettement". Elle met en garde sur l'apparente contradiction qu'il peut y avoir entre l'autonomie et l'enfermement et souligne le fait qu'une trop stricte restriction des libertés entraîne a contrario "la multiplication de pratiques clandestines" et une "infantilisation et une déresponsabilisation" des personnes.

Le rapport souligne ainsi la nécessité d'"un assouplissement des règles en faveur d’un renforcement de l’autonomie", ce qui permettrait de "réduire les tensions tout en favorisant l’épanouissement personnel et le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté". 

• Développer les activités collectives et valorisantes.  Pour améliorer cette autonomie des personnes captives, le rapport insiste sur l'importance pour ces personnes de pouvoir exercer des activités, comme le jardinage "un élément apaisant et valorisant" qui favorise "une appropriation collective de la cour" et d'effectuer les gestes simples du quotidien comme cuisiner ou encore repasser son linge.

Pour cela, la CGLPL recommande le développement d'espaces favorisant "l'émergence d'une vie collective" dans les établissements pénitentiaires ; par exemple des "salles de convivialité" où les détenus pourraient partager un repas ou regarder la télévision ensemble. Le rapport préconise également un "usage, sécurisé et encadré" d'internet, estimant que cet outil est devenu incontournable et la construction en priorité d'unités de vie familiales (UVF) pour que les détenus puissent avoir un droit effectif à la sexualité.

• L'encellulement individuel, une priorité. Inscrit dans le code pénal depuis 1875, le principe d'encellulement individuel est très peu appliqué dans les établissements pénitentiaires, à cause de la surpopulation carcérale. Fin 2014, son application à été reportée à 2022. Mais le rapport de la CGLPL affirme "l'impossibilité de reculer à nouveau" sur cette question sensible. 

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• Mieux prendre en compte les demandes des prisonniers. Pour l'année 2014, l'autorité indépendante a reçu et traité 4.125 lettres concernant avant tout les transferts, les relations entre les détenus et le personnel pénitentiaire et l'accès aux soins. Cet afflux de courriers montre "à quel point les personnes privées de liberté sont attachées à voir leur parole prise en compte", souligne l'institution.

Pourtant, les requêtes des détenus, restent trop souvent sans réponses. Or, précise la contrôleure, cette absence de retour est perçue comme "une forme de mépris". Le rapport suggère donc d'améliorer l'information des détenus sur leurs droits et la mise à disposition de moyens matériels d'expression (papiers, enveloppes, stylos mais aussi boîtes aux lettres sécurisées et bornes tactiles de requêtes) en instaurant "une traçabilité" des demandes. Il insiste également sur la délivrance systématique d'un accusé de réception, notamment afin de mettre fin à l'inquiétude du détenu que sa demande se soit perdue.

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• Les établissements psychiatriques, un nouvel "axe prioritaire". Enfin, depuis la création de l'autorité en 2008, les contrôleurs ont collectivement passé onze ans et cinq mois en prison pour quatre ans et cinq mois dans les établissements de santé. Adeline Hazan souhaite faire de l'examen des établissements psychiatriques "un axe prioritaire", fixant à 2020 l'objectif d'avoir visité l'ensemble des établissements" qui reçoivent des personnes hospitalisées sans leur consentement", au nombre de 360. Pour l'instant, seul un tiers a été contrôlé.

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