Pourquoi les Français fument-ils toujours autant ?

© YOSHIKAZU TSUNO / AFP
  • Copié
Benjamin Lévêque, édité par A.H.
ENQUÊTE - En dépit des campagnes de prévention et des hausses successives du prix du tabac, les Français restent de gros fumeurs et n'envisagent pas d'arrêter.
L'ENQUÊTE DU 8H

C'est le moment ou jamais pour arrêter de fumer. L'opération "mois sans tabac" commence ce mercredi. Chaque année en France, la cigarette tue 73.000 personnes, soit 200 par jour. Pourtant, les Français fument toujours autant. Ils figurent dans le top 3 européen des plus gros fumeurs, après la Grèce et la Bulgarie.

Tous les arguments sont bons pour continuer. Comment expliquer une telle consommation ? Selon les fumeurs, l'argument qui revient le plus souvent est que la cigarette les aide à gérer leur stress. "Pour fumer, on trouve des raisons sans arrêt : une embrouille avec sa copine, le travail, les ennuis… qui font qu'on se réfugie bêtement vers un substitut", estiment des fumeurs interrogés par Europe 1. Pourtant, les études sont claires : le tabac fait du bien quelques secondes, mais il augmente finalement l'angoisse. Selon les spécialistes, la part de personnes déprimées est trois fois supérieure chez les fumeurs que chez les non-fumeurs.

Le tabac trop exposé en France. Parallèlement, si les Français ont bien du mal à écraser leur dernière cigarette, c'est aussi parce que le tabac est encore bien visible. Chez le buraliste, les paquets sont exposés bien en évidence. Là où dans d'autres pays, comme au Canada ou en Australie, les cigarettes sont cachées sous le comptoir, à l'abri des regards, pour ne pas inciter à l'achat. Par ailleurs, selon une une étude de la Ligue contre le cancer, la cigarette est beaucoup plus présente dans le cinéma français. 70% des films mettent à l'image au moins une fois une personne en train de fumer, ce qui participe à la banalisation du tabac.

Des hausses de prix peu efficaces. Pourtant, les prix des paquets augmentent constamment. En quinze ans, ils sont passés de 3 à 7 euros, et coûteront même 10 euros en 2020. En 2003, la hausse massive du prix des paquets de cigarettes décidée par Jacques Chirac avait eu un réel impact sur la consommation des Français. Mais depuis, le prix a augmenté très légèrement à chaque fois, 10 centimes par-ci, 30 par-là. Pour que le prix suscite une véritable prise de conscience chez les fumeurs, il faut qu'il augmente fortement, en une seule fois, estime la Cour des comptes.

Arrêter de fumer, ça coûte cher ? Plus étonnant, on constate que le coût du traitement pour arrêter de fumer (patchs, gommes, acupuncture, rendez-vous avec un spécialiste, etc) dissuade les fumeurs. Pourtant, cet investissement est bien moins élevé que le budget d'un fumeur régulier. Pour le tabacologue Bertrand Dautzenberg, c'est psychologique car "ce n'est pas le même argent". "Quand vous achetez des cigarettes, vous achetez la drogue, et c'est hors budget. Or, quand vous allez chez le pharmacien et que vous sortez votre billet de 50 euros, vous vous demandez si vous allez pouvoir acheter de la viande le soir, ou des chaussures aux enfants", avance-t-il. 

Alors quid des méthodes de prévention ? Pour l'heure, on n'observe pas de réelle tendance à la baisse de consommation grâce à la généralisation du paquet neutre. Mais ce sont les jeunes qui sont ciblés, ceux qui ne fument pas encore. Ceux qui fument le plus, qui sont le plus souvent les plus précaires, ont en général plus de mal à arrêter. Pour eux, il faut passer par d'autres moyens, comme l'accompagnement régulier d'une infirmière par exemple.