Pourquoi les enseignants demandent (encore) la profession des parents ?

Mazarine Pingeot, fille cachée de François Mitterrand, avait pris l'habitude de mentir quand on lui demandait la profession de son père, raconte Ève Roger, la chef du service "Société" d'Europe 1.
Mazarine Pingeot, fille cachée de François Mitterrand, avait pris l'habitude de mentir quand on lui demandait la profession de son père, raconte Ève Roger, la chef du service "Société" d'Europe 1. © EUROPE 1
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Eve Roger et , modifié à
VIDÉO - Même Mazarine Pingeot avait appris à mentir face à cette question piège de la rentrée... Et qui n'est pas si anecdotique qu'il y paraît !
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"Vous prenez une feuille blanche et vous écrivez votre nom, prénom, date de naissance... et la profession des parents". Cette petite phrase rituelle de rentrée vous rappelle des souvenirs ? De bons ou de mauvais souvenirs ? Sachez en tout cas qu'elle est de moins en moins souvent posée aux enfants, selon Ève Roger, chef du service "Société" d'Europe 1. Parce que si elle semble anecdotique, elle cache de vrais enjeux sociaux et éducatifs.

Bien plus qu'une case à remplir. Demander la profession des parents n'est pas obligatoire, c'est une tradition qu'on peut faire remonter à la création des "Collèges d'enseignement secondaire" dans les années 60, quand des enseignants découvrent au-delà de l'école communale de nouveaux visages dans leur classe. Mais depuis quelques années, les professeurs sont de plus en plus nombreux à ne plus poser cette question rituelle. D'abord parce qu'elle peut embarrasser sur le moment les enfants, notamment les moins favorisés, ceux dont les parents sont au chômage par exemple. Surtout parce que des études ont montré que connaître la profession des parents pouvait avoir des répercussions sur sa scolarité. "Un enseignant qui sait qu’un enfant vient d’un milieu défavorisé, il aura tendance à moins le pousser parce qu’il attend moins de lui, il anticipe qu'il aura peut-être des difficultés. Et les enfants, ils sentent ce qu’on attend d’eux, donc l’enfant effectivement en fera moins !", explique Ève Roger. 

Peut-on mentir ? De là à mentir, il n'y a qu'un pas... qu'une certaine Mazarine Pingeot, fille cachée de François Mitterrand, franchissait chaque année. "Au lieu de mettre ‘profession du père : président de la République’, elle mettait ‘avocat’ ou ‘écrivain’ ce qui n’était pas complètement faux mais c’est un mensonge un peu… subtil ! Si son père est policier ou sa mère est policière, et qu'on n’a pas envie de le dire, on peut dire ‘fonctionnaire’. Ou pour ‘huissier de justice’, on peut mettre ‘officier ministériel’", raconte encore Ève Roger. 

De l'importance de la réunion parents-profs... A la rentrée, il y a un autre rituel : la réunion parents-profs. Que les parents zapperaient volontiers si on leur laissait le choix... "C’est un peu enquiquinant d’aller à 16h30 à la sortie de l’école. Mais on ne peut pas dire autre chose que : ‘c’est indispensable !’", prévient pourtant Ève Roger avant d'expliquer : "C’est indispensable pour l’enfant parce qu'un des critères essentiels de la réussite scolaire, c’est que les parents s’intéressent à ce qu’il fait. Il faut qu’il y ait un lien, un pont entre l’univers de la famille et l’univers de l’école, qu’il n’y ait pas deux discours différents, deux cultures différentes qui font que l’enfant se trouve dans un conflit de loyauté entre l’école et la famille. Le conflit de loyauté, c’est une des difficultés principales de l’apprentissage, l’enfant ne peut pas apprendre. Donc on est obligé d’y aller !"

Tournage et montage : Agathe Deschamps