Pour l'ancien ministre Jérome Cahuzac, c'est l'heure du jugement

Le parquet a requis en septembre de la prison ferme contre les ex-époux Cahuzac
Le parquet a requis en septembre de la prison ferme contre les ex-époux Cahuzac © LIONEL BONAVENTURE / AFP
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avec AFP , modifié à
L'ancien ministre Jérôme Cahuzac risque la prison ferme pour avoir fraudé le fisc français.

Des comptes en Suisse, à Singapour ou sur l'île de Man : l'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac saura jeudi s'il va en prison pour avoir fraudé le fisc français, quatre ans après avoir déclenché le plus retentissant scandale du quinquennat Hollande.

"Une vie familiale enracinée dans la fraude". A l'issue de deux semaines de procès devant le tribunal correctionnel de Paris, le parquet a requis en septembre de la prison ferme contre les ex-époux Cahuzac, pour "une vie familiale enracinée dans la fraude". Le parquet national financier (PNF), né de l'affaire Cahuzac, a demandé trois ans de prison ferme et cinq ans d'inéligibilité contre l'ex-étoile montante socialiste, ancien maire et ancien député, qui a "trahi tous ses serments", et deux ans ferme contre son ex-épouse Patricia.

Le patrimoine dissimulé estimé à 3,5 millions. Le procès a mis à nu les secrets bancaires d'un couple dans la tourmente. Dans les années 90, il fallait placer l'argent qui coulait à flot de la florissante clinique d'implants capillaires gérée par les époux. "On était conscient de l'illégalité" de ces pratiques, a dit l'ex-épouse, une "femme trahie" qui révélera elle-même aux juges l'existence de comptes sur l'île de Man. Leur patrimoine global dissimulé est estimé à 3,5 millions d'euros. L'argent s'est retrouvé à hauteur de 600.000 euros sur le compte suisse de Jérôme Cahuzac, transféré en 2009 de la banque genevoise Reyl vers la Julius Baer de Singapour, à hauteur de 2,7 millions d'euros sur le compte de l'île de Man géré par Patricia Cahuzac, et pour près de 240.000 euros de chèques versés sur les comptes de la mère de l'ex-chirurgien.

L'explication du "trésor" de Rocard. Contre le banquier suisse François Reyl et l'intermédiaire Philippe Houman, soupçonnés d'avoir "organisé l'opacité" des avoirs, le parquet a requis 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 375.000 euros d'amende. Contre la banque genevoise Reyl, il a été demandé l'amende maximale (1,875 million d'euros) et l'interdiction d'exercer une activité bancaire en France pendant cinq ans. Quatre ans après le séisme, Jérôme Cahuzac, 64 ans, a avancé l'explication surprise d'un financement politique, affirmant que le premier compte ouvert à l'Union des banques suisses (UBS) en 1992 était destiné à financer le courant de feu Michel Rocard. Cette "hypothèse du trésor" des Rocardiens, balayée par l'accusation comme "un mirage" de plus, permet, pour la défense, d'expliquer "la faute originelle" et toutes les autres transgressions.

Un risque réel d'aller en prison. Les Cahuzac ont déjà payé leur dette au fisc d'un redressement majoré d'environ 2,5 millions d'euros. Reste la question de la prison. Si elle est condamnée, la dermatologue n'ira sans doute pas en détention compte tenu des possibilités d'aménagement de peine. En revanche, le risque est réel pour Jérôme Cahuzac. Mais quel sens aurait la prison pour cet homme qui est déjà "un banni", ont plaidé ses avocats. Le jugement sera scruté avec attention par d'autres illustres prévenus de fraude fiscale, comme les héritiers du marchand d'art Guy Wildenstein qui seront fixés en janvier ou la petite-fille de la couturière Nina Ricci dont le procès en appel est en cours.