Peut-on être heureux en consommant moins ?

© Blog "Les Yeux en amande"
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Mathilde Belin
Alors que les ressources de la planète sont menacées par la surconsommation, des adeptes du "zéro déchet" racontent à Europe 1 leur mode de vie basé sur le minimalisme… et sans aucune frustration.

L’humanité a consommé mercredi l’ensemble des ressources que la planète peut produire pour l’année. Alors que les ONG alertent sur ce "jour du dépassement" qui arrive chaque année de plus en plus tôt, certains adoptent un mode de vie qui consiste à moins consommer au quotidien, afin de limiter le gaspillage. Ce concept du "zéro déchet" vise aussi bien à refuser les emballages plastiques inutiles, qu’à acheter de manière responsable... Voire à ne pas acheter du tout. Et sans frustration.

Alimentaire en vrac et produits d’hygiène maison

Amandine fait partie de ces adeptes depuis près de deux ans. "Je suis dans une démarche minimaliste. Je fais du 'Do It Yourself', de la récup', je couds moi-même, je composte…", détaille la trentenaire à Europe 1. Amandine a notamment réduit ses emballages en achetant en vrac, grâce à des petits sachets en tissu qu’elle amène systématiquement au magasin, ou encore en fabriquant ses propres produits d’hygiène comme le déodorant. "C’est hyper simple, c’est juste de l’huile de coco et du bicarbonate de soude", rassure-t-elle. "Ça s’inscrit dans une démarche 'zéro déchet' mais c’est aussi pour ma santé, car on n’a pas de produits chimiques. Ça m’a enlevé du stress de ne plus lire la liste des ingrédients des produits cosmétiques", confie celle qui partage ses trucs et astuces sur son blog "Les Yeux en amande".

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Amandine fait ses achats alimentaires en vrac grâce à de petits sacs en tissu et conçoit ses propres produits cosmétiques et ménagers. ©"Les Yeux en amande"

Alors qu’Amandine descendait sa poubelle chaque semaine auparavant, elle ne la descend plus que toutes les 2 à 3 semaines. "Au début le 'zéro déchet', c’était dans une démarche écologique… et finalement ça m’arrange bien car ce me coûte moins cher !", affirme-t-elle. Aujourd’hui, la jeune femme se dit plus heureuse de vivre ainsi car en réduisant ses dépenses, elle a pu changer de métier et se lancer à son compte.

Ne rien acheter de neuf pendant un an

À cause de la surconsommation et du gaspillage, l’ONG WWF considère qu’il nous faudrait l’équivalent de 1,7 planète Terre pour subvenir aux besoins de la population mondiale. Pour contrer cette tendance, des associations ont lancé des initiatives, à l’image du défi "Rien de neuf" de Zero Waste France. Ce challenge consiste à explorer d’autres modes de consommation et chercher à s’équiper ou s’habiller sans rien acheter de neuf pendant un an, exceptés l’alimentation et les produits d’hygiène. Guillemette Faure, auteure de Ça peut toujours servir, a décidé de relever le pari en janvier dernier. "J’en suis arrivée là parce que je me suis rendue compte du côté 'darwinien' de l’Homme, qui est un chasseur de bonnes affaires en permanence. Celui qui s’en sort le mieux serait celui qui est le plus équipé", partage-t-elle avec amertume.

"Désormais quand je vais acheter du lait, je vais acheter du lait. Je ne traîne plus inutilement dans les autres rayons. Mon but n’est pas d’avoir une vie de moine, mais d’arrêter de répondre aux injonctions de la société de consommation", témoigne-t-elle. Ainsi depuis sept mois, Guillemette n’a acheté que dix objets, comme un bonnet de bain pour la piscine ou un livre neuf. Elle confie toutefois avoir des "envies" et se retenir de craquer par moments : "La tentation est partout sur notre chemin ! Ce challenge nous demande de bosser."

" La consommation nous promet un bonheur factice "

"Nous cherchons tous le bonheur individuel et la consommation nous est présentée par la société et la publicité comme LA solution. La consommation nous promet un bonheur factice, mais immédiat et facile d’accès", analyse Elisabeth Laville, fondatrice du cabinet Utopies et auteur de Vers une consommation heureuse. Une analyse acquise à Guillemette, qui estime avoir repris le contrôle sur sa consommation : "Si acheter rendait heureux, je ne me priverais pas. Mais aujourd’hui je suis plus heureuse comme ça, car je choisis ce que j’achète et je suis plus en phase avec mes convictions."

Le "bien-être du minimalisme"

Amandine s’est elle aussi lancée dans le défi "Rien de neuf", et hormis quelques rares achats indispensables, elle tient le pari sans éprouver de frustration : "Je réfléchis à la nécessité de mon achat, j’essaye de trouver des solutions autres que le neuf, comme l’occasion ou la réparation… Et quand j’ai besoin d’acheter, je fais des listes et je m’y tiens. Ce n’est pas seulement un mode de vie, c’est toute une philosophie. Je sens un vrai bien-être d’être minimaliste." Moins consommer, serait-ce ça la clé du bonheur ? En partie, à en croire Elisabeth Laville. "Des recherches ont montré que les individus qui accordent le plus de valeur à la consommation et à la possession sont, presque toujours, moins heureux. Leur niveau d’estime de soi est plus bas, la qualité de leurs relations aussi, et ils présentent un risque plus élevé de dépression et d’anxiété", souligne-t-elle.

Pour autant, Elisabeth Laville insiste sur le fait que ce n’est pas moins consommer qui va nous rendre plus heureux, mais de consommer de manière plus réfléchie : achète-t-on pour répondre à un vrai besoin ou pour chercher une consolation ? La "'consommation heureuse' servirait à répondre avant tout à nos besoins basiques (se nourrir, se loger, se vêtir), mais ne serait pas notre mode principal de participation et d’intégration à la société (…) C’est une consommation raisonnée qui ne se jette pas sur les promotions pour acheter des choses dont on n’a pas besoin et qui participent au gaspillage", explique-t-elle. En somme, ce n’est pas l’achat plus rare qui va participer au bonheur mais davantage l’achat raisonné. Amandine et Guillemette, désormais conquises par ce mode de vie, jurent toutes les deux de poursuivre le challenge l’année prochaine.