Le clip des "petits rappeurs de Sarcelles" fait grincer des dents

© CAPTURE @ Sarcelleslite
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Alcyone Wemaere, avec Simon Ruben , modifié à
Un clip de "bébé rappeurs" aux paroles ultra-violentes et mettant en scène des jeunes mineurs de Sarcelles arborant armes et liasses de billets fait polémique.

"Sors pas un tarpé [un pétard, en verlan, c'est-à-dire une arme, NDLR] si t'as pas les couilles de tirer. Eh ouais, ici c'est sans pitié, on t'allume au mortier même si c'est pas le 14-juillet". Le clip s'appelle "1er pocheton" [le pocheton désigne ici un sachet dans lequel on met de la drogue, NDLR] et on peut y voir une dizaine de rappeurs y faire l'apologie du trafic de drogue, de la violence, de l'argent et du sexe en exhibant armes et liasses de billets. Un clip de rap "limite" de plus ? Sauf que, cette fois, les rappeurs en question sont des enfants qui ont l'âge d'être au collège, voire à l'école primaire pour certains. La vidéo qui a déjà été vue plus de 113.000 fois sur Youtube va faire l'objet d'une enquête, selon Le Parisien.

Tous les clichés du rap, par des moins 15 ans. Le clip* de cinq minutes signé "Sarcelleslite" et posté sur Youtube en janvier par "Treize K", a été tourné à Sarcelles par des jeunes du quartier des Lochères. Dans la vidéo tournée en extérieur, on peut voir dix à quinze préadolescents en survêtement rapper face caméra, parfois avec une arme à la main ou une liasse de billets. Les visages enfantins et souriants et les voix prépubères tranchent avec les paroles qui prônent l'argent facile, la vente de drogue, la violence gratuite et le sexe. "Dans le peura [le rap, en verlan], je laisse des cetras [des traces], comme sur le cul à ta reuseu [soeur]", balance notamment un des enfants.

"Inacceptable" pour le maire de Sarcelles. Sur Twitter, depuis 24 heures, certains jeunes du 95 s'étonnent de voir i-Télé, BFMTV et le Parisien parler du clip "des petits des Lochères". L'affaire est revenue aux oreilles de François Pupponi, le maire de Sarcelles qui n'entend pas laisser passer : "que des adolescents fassent de la musique très bien. Qu'ils fassent l'apologie de la violence et du crime, on ne peut pas l'accepter", a-t-il réagi sur Europe1. D'autant que derrière, "on est en train de découvrir que des adultes font de l'argent avec ça", affirme-t-il. Pour le moment, le producteur ne répond pas aux sollicitations des médias.

Interrogé par Le Parisien, le procureur de Pontoise estime, lui, qu'il convient de "visionner attentivement ce clip pour déterminer si des poursuites pénales peuvent être engagées" comme l'apologie de crime, par exemple.

"On imite les plus grands avec des pistolets factices"

"Beaucoup de bruit pour rien". Contacté par Europe1, un jeune d'une vingtaine d'années qui vit dans le quartier des Lochères et qui considère les protagonistes du clip comme "ses petits frères" estime que ce battage politique et médiatique est complètement disproportionné : "tout ça c'est beaucoup de bruit pour rien. Dans ma cité, c'est simplement un loisir : on imite les plus grands avec des pistolets factices et des petites coupures de 20 euros", plaide-t-il. Pour lui, les enfants de "12 ans" du clip sont "des enfants normaux" et si la vidéo a un tel écho "c'est la faute des médias". A ses yeux, il vaudrait mieux s'en prendre aux "professionnels" du rap qu'"aux petits". "Déjà que Sarcelles a une mauvaise réputation", regrette-t-il.

"A l'image des banlieues d'aujourd'hui". Incitation inquiétante à la haine ou simple "loisir" de préadolescents ? Pour le spécialiste du rap, Olivier Cachin, interrogé par Europe1, "ce sont des gamins qui jouent aux cowboys et aux indiens". "C'est à l'image de la France d'aujourd'hui, des banlieues d'aujourd'hui et je pense que ceux qui seront choqués ne sont pas ceux qui habitent ces banlieues mais ceux qui les regardent comme un espèce de zoo sans comprendre ce qui s'y passe".

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