Il l'a décrit comme une femme "aimante", "libre", "de combat", "une femme pas facile", aussi. Le père Patrick Desbois, ancien responsable des relations de l'épiscopat français avec le judaïsme, a bien connu Simone Veil. À ses côtés, il s'est battu pour la reconnaissance de la Shoah. Au lendemain de la mort de cette icône, il a tenu à lui rendre hommage dans la matinale d'Europe 1, samedi.
"Elle servait le café, et tout de suite, on était à Auschwitz". Les souvenirs des camps nourrissaient constamment les conversations entre le père Desbois et Simone Veil, déportée à l'âge de 16 ans, en 1944. Dans ces camps, son père, sa mère et son frère sont morts. Ces souvenirs, terribles, ont façonné sa vie. "Je ne dirais pas qu'elle était hantée. Elle vivait à Auschwitz", explique le religieux. "Quand j'arrivais, elle servait le café, et tout de suite, on était à Auschwitz. Elle disait 'on était derrière les barbelés, je regardais les trains de Hongroises arriver, on pleurait parce qu'elles ne savaient pas où elles allaient. Les kapos étaient terribles'", rapporte le père Desbois.
"Si elle a réussi à tenir, c'est parce qu'elle avait déjà tenu à Auschwitz". Les drames qui ont jalonné la vie de Simone Veil ont été sa force dans l'action. "Le combat qu'elle a dû mener dans le camp de Birkenau pour survivre l'a habité jusqu'à la fin de ses jours. Elle a vécu des malheurs familiaux [sa sœur est morte après la libération dans un accident de la route en Allemagne, ndlr), et si elle a réussi à tenir, c'est parce qu'elle avait déjà tenu à Auschwitz", assure le père Desbois. Il raconte : "Quand on entrait dans son bureau, on était face à un rocher de combats. Et on se battait avec elle, ou on ne se battait pas".
"Elle voyait que le combat n'était pas terminé". Lucide, ne se berçant jamais d'illusions, Simone Veil a toujours conservé cette vigilance face aux relents antisémites. "La remontée du négationnisme, des expressions de Monsieur Le Pen, de la haine antisémite de tous les jours… ça l'effrayait beaucoup", confirme le père Desbois. "Elle voyait bien que le combat, malheureusement, n’était pas terminé".
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