#PayeTonUtérus : des gynécologues répondent aux critiques

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Europe 1 a sélectionné trois tweets emblématiques des situations malheureuses vécues par les patientes et racontées sur Twitter. Deux gynécologues et un généraliste répondent.

Remarques déplacées, examens médicaux brutaux, clichés sur la sexualité… Les pratiques des gynécologues français ont récemment fait l'objet de vives critiques sur Twitter. Sous le hashtag #PayeTonUtérus, de nombreuses femmes ont raconté leurs expériences parfois traumatisantes chez le gynécologue. En quelques jours, près de 10.000 tweets ont été publiés. Certains d’entre eux seront d’ailleurs affichés sur le mur d’accueil des Journées nationales du Collège du 3 au 5 décembre à la Défense. Europe 1 a sélectionné trois tweets emblématiques des situations malheureuses vécues par les patientes. Et les a confrontés à l’avis de deux gynécologues et d'un médecin généraliste.

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#LES EXAMENS BRUTAUX

Le tweet. "Quand le gynéco t'explique pas, te demande pas, et te prévient pas avant de pratiquer un geste invasif."

Sur Twitter, de nombreuses femmes font part de problèmes d’écoute et d’information, donnant lieu bien souvent à des examens traumatisants pour les patientes. Certaines évoquent en effet des “examens brutaux”, réalisés sans consentement.

Que répondent les gynécos ? Pour Martin Winckler, médecin généraliste et auteur du Chœur des femmes*, “la maltraitance médicale et gynécologique” est une réalité très prégnante en France, où les gynécologues sont encore nombreux à avoir une posture méprisante envers leurs patientes. “La culture médicale, en France, n'est pas centrée sur le respect des patientes. C'est une culture élitiste dans laquelle les médecins sont éduqués à penser qu'ils sont ‘meilleurs’ que les gens qu'ils soignent. Alors pourquoi iraient-ils se fatiguer à écouter les femmes, à répondre à leurs questions, à les rassurer et à leur demander l'autorisation de les examiner ?”, s’interroge le spécialiste, auteur d'un site d'informations sur la gynécologie.

Un constat partagé par Jonathan Ouahba, l’un des gynécologues répertoriés sur le site Internet lancé à la suite de la polémique et qui recense les professionnels aux pratiques gynécologiques respectueuses. S’il estime qu’il ne faut généraliser, le spécialiste reconnaît le côté “arrogant” de certains confrères. “C’est vrai que certains gynécologues vont être secs, voire arrogants, ou paternalistes. Ce sont bien souvent des gynécologues d'une autre génération”, fait remarquer l’auteur du blog lagynecologie.fr.

Pour Bernard Hédon, le président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, ces pratiques sont “regrettables” mais ne représentent pas la majorité des cas. “Clairement, le comportement d’un gynécologue ne doit pas être celui-là. Malheureusement, à cause de la routine et du manque de temps, certains fondamentaux ne sont pas toujours appliqués”, reconnaît-il.

un stérilet

#LES QUESTIONS DÉPLACÉES

Le tweet. "Quand je viens pour une infection et qu'on me demande si mon partenaire est infidèle”

Certaines femmes s’interrogent sur la pertinence de certaines questions posées par les gynécologues. Elles dénoncent notamment des questions intrusives d’ordre très privé, estimant que leurs gynécologues devraient se contenter de les soigner.

Que répondent les gynécos ? Pour Bernard Hédon, ces questions sur l’intimité sont normales pour comprendre l’origine des problèmes des patientes. “Le rôle de tout médecin est triple : guérir sa patiente, s’assurer de sa santé future et éviter les risques de contamination. Pour ces raisons, nous sommes dans le devoir de poser des questions, même très intimes à nos patientes”, se défend le spécialiste.

Selon lui, ces questions doivent être posées, mais avec tact. “Par exemple :’il y a une infection, voyez-vous des sources possibles à celle-ci ?’ Il faut expliquer pourquoi l’on est amené à poser des questions d’ordre clairement privé. Mais ne pas s’intéresser à l’origine de l’infection peut même être considéré comme une faute professionnelle”, insiste le président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français.

#LE TOUT-PILULE

Le tweet. “Attendre de devoir se faire opérer d'une phlébite causée par la pilule pour enfin avoir droit à un stérilet.”

Le “tout-pilule” revient également souvent dans les messages publiés sur Twitter. Certaines femmes estiment que leur gynécologue n’écoute pas suffisamment leurs remarques négatives sur la pilule, notamment sur le fait qu’elle réduit la libido. Selon plusieurs témoignages, la prescription de la pilule est bien souvent automatique. A l’inverse les gynécologues semblent rechigner à prescrire la pose d’un stérilet, notamment lorsque les femmes n’ont jamais eu d’enfant.

Que répondent les gynécos ? Sur le “tout-pilule”, la situation semble, encore une fois, très spécifique à la France. Martin Winckler souligne “l'attitude archaïque” des gynécologues français. “Depuis longtemps en Angleterre, aux Pays-Bas, aux Etats-Unis, le DIU (le stérilet, ndlr) est recommandé comme première contraception pour les jeunes femmes. On peut insérer un DIU sans faire mal mais la plupart des gynécos pensent qu'il est ‘normal’ que ça fasse mal. Non, ce n’est pas normal. Et on peut faire autrement, quand on cherche à faire autrement”, martèle le médecin.

Pour Bernard Hédon, la situation est plus complexe que cela. Selon lui, que la “prudence française” repose sur le principe de bénéfice-risque, qu'il est important de respecter. Il faut savoir que la pose d’un stérilet est risquée. Il existe en effet des risques d’infection. Les médecins sont donc précautionneux”, estime le spécialiste.

pilule

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#COMMENT AMÉLIORER LES CHOSES ?

Selon Martin Winckler, le problème doit être pris à la base, c’est-à-dire dès la formation des futurs médecins, jugée “sexiste” par le médecin. L’idée, selon lui, serait de sensibiliser les futurs spécialistes à l’instauration d’une véritable écoute avec leurs patientes. “Aujourd’hui, on forme les gynécos à avoir des attitudes systématiques et ritualisées, de peur de passer à côté de quelque chose. Or, on passe beaucoup plus souvent à côté quand on n'écoute pas les patients”, explique-t-il.

Sur ce point, les trois gynécologues que nous avons interrogés sont d’accord : il est nécessaire d’établir un meilleur dialogue avec leurs patientes. “La délicatesse, l'écoute, la réassurance, prendre son temps, ne pas faire de geste sans utilité. Bref, s'adapter à chaque patiente”, résume ainsi Martin Winckler.

“Tout ce qui touche à l’intimité de la personne doit être expliqué. Le gynécologue se doit de prévenir et de justifier l’examen clinique qu’il va opérer sur sa patiente”, détaille pour sa part Bernard Hédon le président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français. Jonathan Ouahba, lui, met un point d’honneur à respecter l’intimité de ces patientes, pour que ces dernières ne se sentent pas jugées, mal à l’aise, voire agressées.

* Le Chœur des femmes, Éd. P.O.L, 2009.