Nouvelle-Calédonie : la possibilité d'une indépendance soulève de nombreuses inquiétudes sur l'île

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© THEO ROUBY / AFP
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Aurélie Herbemont, édité par R.Da.
À un peu moins d'an du référendum sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, le Premier ministre Edouard Philippe est attendu vendredi à Nouméa.
L'ENQUÊTE DU 8H

Edouard Philippe est attendu vendredi soir à Nouméa. Une visite cruciale pour le chef du gouvernement alors que s'organise le référendum sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie, prévu pour novembre 2018. Sur place l'inquiétude est devenue latente face aux incertitudes qui planent sur l'avenir, comme a pu le constater l'envoyée spéciale d'Europe 1.

"La France est un Etat colonial". Avant le vote, les deux camps font valoir leurs arguments. Car si la Nouvelle-Calédonie dispose déjà d'une très forte autonomie, les compétences régaliennes restent du ressort de l’Etat. Une situation pesante pour Roch Wamytan, le chef de la tribu de Saint-Louis, qui ne mâche pas ses mots à l'égard de la France : "Beaucoup de gens se sentent mal d'être sous la tutelle de la France. Comment dire… sous occupation française. La France est un Etat colonial, quoi qu'on en dise", assure-t-il.

Les aides de l'Etat. Mais sur le papier, les anti-indépendantistes se disent certain de remporter le référendum car la population kanak est minoritaire : elle compte environ 77.000 électeurs contre 92.000 d’origine européenne. Le député loyaliste Philippe Gomes, qui vit sur l'île depuis 40 ans, estime que la Nouvelle-Calédonie n'a pas les moyens de se passer du soutien de la France. "Nous sommes une petite île perdue dans le Pacifique, certes disposant de moyens supérieurs à beaucoup d'autres territoires ultramarins, grâce aux réserves de nickel, mais pour autant, la moitié de notre niveau de vie est conditionné par les transferts financiers de l'Etat", explique-t-il à Europe 1.

Ces transferts financiers représentent 1,2 milliard d’euros par an. L’Etat finance ainsi le système éducatif, la santé, les retraites et la défense. De quoi soulever des inquiétudes sur le marché de Nouméa, lorsque l'on prononce le mot "indépendance". "Je ne sais pas où elle va nous mener, ils nous font peur", explique une passante. "C'est la France qui paye tout ici, comment on va faire ?", ajoute une autre. "Je ne serais pas sûre de rester ici", explique une troisième jeune femme d'origine européenne mais née sur l'île. "On se sentirait chassé".

Une société toujours fracturée par les inégalités. Pourtant, les tensions entre les différentes communautés sont désormais apaisées et la mixité s’est renforcée, même s'il reste des zones quasi exclusivement tribales. À Nouméa, les inégalités entre populations perdurent aussi, comme le dénonce Emmanuel Tjibaou, le fils de l'indépendantiste Jean-Marie Tjibaou assassiné en 1989 par un extrémiste kanak. Tous les matins, en allant travailler, il voit "d'un coté des gens qui, avec des bidons dans des brouettes, vont chercher de l'eau, et de l'autre côté des logements aisés avec des Porsche cayennes".

Pour assurer le vivre ensemble, des élus des deux camps aimeraient signer avant le référendum une déclaration conjointe pour rappeler leurs valeurs communes. L'Etat, de son côté, renforce la présence des forces de l’ordre depuis quelques mois pour que tout se passe pour le mieux.