Notre-Dame-des-Landes : une semaine pour rien ?

Les expulsions et destructions d'habitats ont ravivé les tensions sur la ZAD cette semaine.
Les expulsions et destructions d'habitats ont ravivé les tensions sur la ZAD cette semaine. © DAMIEN MEYER / AFP
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Mathilde Belin , modifié à
Après une semaine sous haute tension sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, les zadistes promettent de reconstruire les habitats détruits par les forces de l’ordre.

Des zadistes expulsés, des habitats détruits à coup de pelleteuses… En une semaine, les tensions tout juste apaisées ont été ravivées sur la ZAD, lieu prévu de construction du projet, désormais abandonné, d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Ces derniers jours, les opérations d’expulsions ont donné lieu à des scènes d’affrontements entre zadistes et forces de l’ordre, avec plusieurs blessés dans les deux camps. Après la destruction d’une trentaine de "squats", les zadistes ont aujourd'hui dix jours pour régulariser leur situation s’ils veulent poursuivre leurs projets. Ce qu’ils n’entendent pas forcément faire.

Une semaine au pas de charge(s)

Des expulsions qui tournent à l’affrontement. Débutées lundi à l’aube, les opérations d’expulsion des occupants illégaux de la ZAD ont pris fin officiellement jeudi. Au total, 29 "squats" ont été détruits sur les 97 lieux de vie recensés sur le site, et leurs occupants expulsés par des huissiers de justice. "Pour certains, c’est trop, pour d’autres pas assez. Il n’était de toute façon pas possible de tout évacuer puisqu’il y a des gens qui ont le droit d’être là : il y a quatre agriculteurs historiques et 33 conventions d’occupation précaires", a expliqué la préfète Nicole Klein en conférence de presse vendredi. Quant aux quelques individus expulsés, "je ne sais pas où ils sont", admet-elle, reconnaissant qu’ils sont probablement restés sur la ZAD. D’après le service relations médias de la ZAD, "il n’y a eu aucune expulsion puisqu’on était 250 en début de semaine et on est 700 aujourd’hui" sur le site, a-t-on affirmé à Europe1.fr. "Tout ceci n’est qu’une opération médiatique", dénonce-t-on par ailleurs.

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Des zadistes ont fait des chaînes humaines pour préserver leurs habitats. ©LOIC VENANCE / AFP

Quelque 2.500 gendarmes ont été mobilisés pour cette opération de grande ampleur. Les expulsions ont donné lieu à des scènes d’affrontements entre zadistes et forces de l’ordre toute la semaine. Dès lundi matin, des barricades ont été élevées pour retarder les opérations, et des zadistes ont lancé projectiles et cocktails Molotov. En retour, les gendarmes ont usé de bombes lacrymogènes et de grenades. Jeudi, un escadron de gendarmerie est tombé dans une "embuscade", et dix gendarmes ont été blessés par de l’acide ou par les éclats "d’un engin explosif improvisé", selon la gendarmerie, ce que contestent les zadistes.

L’ensemble des violences de la semaine a fait un total de 45 blessés chez les gendarmes, et quelque 150 blessés chez les zadistes, selon des chiffres respectifs. En outre, d’après le parquet de Rennes, cinq personnes étaient en garde à vue vendredi, notamment pour des faits de détention d’engin explosif ou pour violences sur personne dépositaire de l’autorité publique.

Déblaiement et nouvelles violences. Aux expulsions ont succédé les opérations de déblaiement des squats détruits, qui devraient prendre un certain temps. Les forces de l’ordre ont sécurisé dès jeudi le site afin de permettre la destruction des habitats illégaux. Vendredi à l’aube, une opération coup de poing a visé à dégager une route départementale, obstruée par des barricades enflammées. "La mise en place de barricades sur la D81 empêche les gens de circuler normalement. Notre travail est de rétablir la circulation", a indiqué sur CNews le général Richard Lizurey, directeur général de la Gendarmerie nationale. Cette opération a ravivé les tensions sur le site, des tirs de grenade en continu étaient audibles vendredi matin dans la partie sud de la départementale où des affrontements ont eu lieu.

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Les forces de l'ordre tentaient de rétablir la circulation sur une départementale obstruée par des barrages enflammées vendredi. ©FRED TANNEAU / AFP

Alors que le nombre de zadistes a presque triplé en quatre jours, le patron de la Gendarmerie nationale a dénoncé une volonté de "casser du gendarme, de blesser, d'agresser, de vandaliser". Malgré la fin des expulsions, les forces de l’ordre vont rester sur place encore trois semaines à un mois, afin de déblayer les parcelles, garantir la libre circulation sur les routes départementales qui traversent la ZAD et prévenir toute réoccupation illégale.

Vers une régularisation des zadistes ?

La voie de la régularisation. De son côté, la préfecture a tendu la main aux zadistes vendredi : les occupants de la ZAD, y compris les expulsés, sont appelés à "régulariser" leur situation d’ici le 23 avril s’ils veulent rester sur place et poursuivre leurs projets. "Il leur est simplement demandé à ce stade de déclarer leur nom, de déclarer le projet agricole qu'ils souhaitent développer et de préciser les parcelles sur lesquelles ils souhaitent le mettre en œuvre afin que l'État (…) puisse instruire ces demandes", a expliqué la préfète Nicole Klein, en précisant que les projets collectifs sont aussi acceptés, conformément à une demande des zadistes. La préfète a annoncé qu'elle recevrait une délégation des occupants "le plus rapidement possible".

Les zadistes doivent remplir ce formulaire pour "régulariser" leur situation : 

Toutefois, cette démarche "ne saurait prospérer si elle s'accompagnait d'une réoccupation sauvage ou du recours à la violence", a souligné la préfète, appelant à ne pas ériger de nouvelles barricades ou à réoccuper illégalement le site.

"On ne va pas lâcher l’affaire." "On a déjà envoyé nos propositions à la préfecture, il y a un mois, et c’est resté lettre morte", contestent les zadistes auprès d’Europe1.fr. "Ces terres, qui ont été sauvées par le mouvement, c’est à ce même mouvement de continuer à en tenir la gestion collective. C’est ce que nous demandons", explique-t-on, sans exprimer une volonté claire de contribuer à la régularisation proposée par la préfecture. "On ne va pas lâcher l’affaire, on va continuer nos projets agricoles et artisanaux."

Désormais, la fin de semaine va être déterminante. L'importance de l'opération menée depuis lundi a conduit les opposants à durcir le ton. En rasant les lieux de vie installés autour de la D281, les gendarmes auraient détruit au passage des projets agricoles collectifs. "Un quart des champs sont contaminés par les grenades lacrymogènes qui ont été lancées" par les gendarmes, affirme-t-on à Europe1.fr. Choqués par l'ampleur des destructions, les occupants de la ZAD organisent la riposte et appellent leurs soutiens à se mobiliser. Une manifestation est prévue samedi à Nantes, et une autre dimanche sur la ZAD. Cette dernière vise notamment à reconstruire les habitats détruits… Un rassemblement qui s’annonce potentiellement explosif, alors que le Premier ministre a prévenu vendredi que "l’État n’accepterait pas la réoccupation des sites évacués".