Nathalie, accusée d'avoir aidé son fils djihadiste : "Je fais quoi ? J'arrête de l'aimer ?"

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Jean-Jacques Héry, édité par A.H.
Le fils de Nathalie Haddadi est parti faire le djihad en 2016. La mère de famille lui a envoyé de l'argent, mais elle affirme ne jamais avoir été mise au courant des intentions terroristes de son fils.
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C'est un procès atypique qui s'ouvre mardi après-midi à Paris, devant la 16e chambre du tribunal de grande instance, spécialisée dans les affaires de terrorisme. Celui d'une mère, Nathalie Haddadi, jugée pour avoir envoyé de l'argent à son fils de 21 ans parti faire le djihad. Les faits remontent à 2016, année où son fils a rejoint les rangs du groupe État Islamique.

"Je lui ai envoyé de l'argent pour pouvoir manger". "J'ai perdu mon fils dans des circonstances dramatiques. Je dois gérer la tristesse, et avec ça, j'ai encore un procès. C'est scandaleux", s'émeut-elle au micro d'Europe 1. La mère de famille nie farouchement avoir été au courant des activités de son fils au moment du versement des sommes, un peu plus de 2.000 euros versés en plusieurs fois. "Il est parti en vacances en Malaisie, et il a eu un accident. Il s'est fait agresser, il s'est retrouvé à l'hôpital avec des points de suture. Quand votre gamin, à des milliers de kilomètres de vous, vous appelle pour vous dire qu'il est hospitalisé, qu'il a pris des coups de couteau et qu'on lui a volé son argent, vous faites quoi ? Je l'ai aidé, je lui ai envoyé de l'argent pour pouvoir manger, pour pouvoir revenir en France", justifie Nathalie Haddadi.

Entendu sur europe1 :
Il faut comprendre que l'on est aussi des victimes. On n'a pas choisi, on a subi

"Je t'aime, mais j'aime Dieu plus que toi". Mais de la Malaisie, son fils a rejoint l'État islamique. "À aucun moment je n'ai envoyé de l'argent en Syrie ou en Irak", assure-t-elle. Pour cette mère, la suite est terrible. "Il n'a plus donné signe de vie pendant un mois. Et un jour, il m'a appelé pour me dire pardon, pour me dire "Maman, je t'aime, mais j'aime Dieu plus que toi", se souvient-elle. "La première fois, il m'a parlé à peine une minute. Il m'a dit 'Je ne peux pas t'en dire plus'. J'ai eu un deuxième coup de fil au bout de quelques semaines. Là, il m'a fait comprendre que ce n'était pas ce qu'il voulait, que ce n'était pas ce qu'il attendait. Je lui ai dit 'Mon fils, reste en vie, maman va venir te chercher'", raconte Nathalie Haddadi. "Très peu de temps après, j'ai reçu un appel pour me dire qu'il était mort. On m'a dit 'Félicitations, votre fils est mort'."

"On est aussi des victimes". Avec ce procès, Nathalie Haddadi espère avant tout que le regard des gens sur les familles de djihadistes pourra changer. "Quand on voit des attentats, c'est tout à fait normal, on pleure les victimes. C'est la première chose à faire. Mais les parents de djihadistes, on ne sait pas ce qu'ils peuvent ressentir. Ce sont nos enfants. Bien sûr que je ne cautionne pas, mais je fais quoi ? J'arrête de l'aimer ? Il faut comprendre que l'on est aussi des victimes. On n'a pas choisi, on a subi". La mère de famille encourt aujourd'hui dix ans de réclusion.