Narbonne : Yolande Moustrou est-elle une "veuve noire" ?

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Yolande Moustrou et son ex-mari doivent être jugés à partir de jeudi, à Narbonne (photo d'illustration). © AFP
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M.L avec AFP
La quinquagénaire est accusée d'abus de faiblesse sur deux anciens amants, qui lui ont versé d'importantes sommes d'argent avant de se suicider. Son procès s'ouvre jeudi.  

"Elle était passée maître dans la manipulation", souffle Me Yann Méric. À partir de jeudi, l'avocat défendra, devant le tribunal correctionnel de Narbonne, les familles de deux hommes qui se sont suicidés il y a plus de dix ans. Tous deux ont un point commun : celui d'être tombés sous le charme de Yolande Moustrou et de lui avoir versé des dizaines de milliers d'euros avant de mettre fin à leurs jours. Pour l'avocat, c'est certain, la désormais quinquagénaire, jugée pour "abus de faiblesse", est une "veuve noire".

Deux suicides en cinq mois. Le 19 juin 2005. Didier B., maçon de profession, est retrouvé mort dans sa voiture, un pistolet à la main, à Sigean, dans l'Aude. Cinq mois plus tard, c'est l'un de ses employeurs, Jean-Pierre G., qui est découvert pendu dans un hangar à Narbonne, à une vingtaine de kilomètres de là.

Rapidement, l'enquête montre que les deux hommes entretenaient une relation avec Yolande Moustrou, qu'ils avaient rencontrée via une agence matrimoniale. Leurs familles décrivent un changement brutal dans leur comportement : tous deux étaient devenus angoissés, nerveux et traversaient de graves difficultés financières. Alors qu'ils se disaient athées, ils étaient devenus très croyants et s'étaient mis à porter des croix ou des chapelets.

Un cancer opérable seulement à l'étranger. Yolande Moustrou s'était fiancée aux deux hommes, fréquentés simultanément sans qu'ils ne soient au courant. Se faisant surnommer "princesse", elle se présentait tantôt comme la directrice d'un refuge pour animaux, tantôt comme magnétiseuse ou avocate, selon la Dépêche du midi. Mais en réalité, elle n’exerçait aucun emploi et vivait de l'argent de ses amants.

Avec la complicité de son ex-mari - et coprévenu -, Éric Bourceau, la femme avait pour cela mis en place un stratagème d'emprise psychologique bien rodé : Yolande Moustrou expliquait avoir une santé fragile pour demander à ses "fiancés" un coup de main financier. "Il lui fallait toujours plus d'argent car elle disait être atteinte d'un cancer qui n'était opérable qu'à l'étranger", a témoigné la sœur de l'une des victimes auprès du Parisien.

Un nombre de victimes incertain. Environ "50 à 60.000 euros", en espèces ou en biens, ont ainsi été remis à la femme par ses amants, selon Yann Méric. Une partie de ces sommes était reversée à son ex-mari. Et selon l'accusation, ces pratiques auraient fait au moins une autre victime, un homme qui aurait refusé de porter plainte. Le chef d'accusation de "provocation au suicide", un temps envisagé au cours de l'instruction, a fait l'objet d'un non-lieu au profit de l'abus de faiblesse.

Placée sous contrôle judiciaire, tout comme son ex-mari, la prévenue pourrait pourtant ne pas se présenter au procès ni y être représentée. Avant un premier procès renvoyé en 2016, elle avait longtemps disparu, "courriers et contrôles judiciaires restant lettres mortes", rapporte La Dépêche. Au cours de l'enquête, Yolande Moustrou a rejeté la faute sur son ex-mari, à l'origine, selon elle, de l'idée de la manipulation. Le principal intéressé reconnaît les faits selon son avocat, Me Philippe Calvet, "même s'il est évident qu'il est lui aussi une des victimes de cette dame. Il était sous son emprise, incontestablement".