Montée des eaux : à Lacanau, des habitants divisés sur le projet fou de la mairie

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Carole Ferry, avec Noémi Marois
D'ici 2040, le trait de côte devrait reculer de 65 mètres à Lacanau. La mairie envisage donc de détruire le bâti du littoral pour le reconstruire plus loin. Un projet pharaonique qui divise. 

Une plage léchée par l'écume des vagues, un front de mer muni de ses commerces et résidences... Lacanau, en Gironde, a tout de la traditionnelle station balnéaire. Plus pour longtemps ? Sans doute car, d'ici 30 ans maximum, ce littoral pourrait être submergé par les flots salins. En cause ? Le réchauffement climatique et la montée des eaux. Mais la commune, pas fataliste, a d'ores et déjà lancé un projet radical : détruire le front de mer pour le reconstruire plus loin. 

165 mètres en moins en 2100. Les prévisions sont sans appel : d'ici 2040, le trait de côte devrait reculer de 65 mètres. En 2100, il sera même 165 mètres plus loin à l'intérieur des terres. Et en cas de grosse tempête, l'avancée pourrait même être plus brutale, de l'ordre de vingt mètres d'un coup.

"Il faut regarder les choses en face". La commune, située à 45 km à l'ouest de Bordeaux, envisage donc de reconstruire dans les terres les bâtiments de son littoral après les avoir rasés. Le projet peut paraître fou. Pas tant que cela selon Gérard Depeyris, un habitant. "J'ai bien vu évoluer la plage et le trait de côte recule, l'océan vient vers les terres", explique celui qui a grandi et qui a été maître-nageur à Lacanau. "Quand j'étais gamin, sur la plage en face, il y avait des blockhaus, l'océan est venu vers eux et les a dépassés", se rappelle cet homme de 61 ans. Et d'estimer qu'en un siècle, "nous avons perdu 150 mètres". "Alors, il faut regarder les choses en face", estime Gérard Depeyris.

Un projet à plus de 300 millions d'euros. Un des scénarios envisagés par la mairie de Lacanau est contenu dans un rapport de 300 pages. Son coût serait énorme. Rien que pour détruire et indemniser les habitants, il en coûterait 300 millions d'euros aux finances municipales. Et à cela, il faut ajouter la reconstruction de 1.200 logements et celle d'une centaine de commerces. 

Déménager ? "Pas forcément à Lacanau". Certains habitants peinent à concevoir la disparition du bâti actuel, comme Annick Goodman. "Nous, on nous a dit qu'au bout de la rue, on aura  l'océan", explique cette caviste. Mais le projet de reconstruction ne l'emballe pas pour autant : "s'il le faut, je déménagerai, mais pas forcément sur Lacanau", assure-t-elle. "Je ne vois pas comment on pourrait refaire un village un peu plus loin". Et surtout où le reconstruire ? se demande cette habitante. "Dans la forêt ?"

Un laboratoire. Le dossier est suivi de près par l'Etat, mais aussi l'Union européenne, car Lacanau sert de laboratoire. Elle n'est en effet pas la seule concernée sur la côte atlantique par le danger de la montée des eaux. Ainsi, Biscarrosse, Mimizan et Capbreton, situées toutes trois dans les Landes, ont notamment été classées zones à risques en 2017 par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM).