Meurtre de Mourmelon : 20 coups de couteau pour un amour adolescent ?

Kévin, 17 ans, est mort après avoir reçu une vingtaine de coups de couteau samedi dernier à Mourmelon, dans la Marne.
Kévin, 17 ans, est mort après avoir reçu une vingtaine de coups de couteau samedi dernier à Mourmelon, dans la Marne. © AFP
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avec AFP , modifié à
Les premiers éléments de l'enquête sur l'assassinat de Kévin, 17 ans, révèlent la piste d'un triangle amoureux entre le garçon, sa "presque petite amie" et un autre adolescent, épris de celle-ci.

Kévin, 17 ans, a-t-il été tué pour une simple rivalité amoureuse ? C'est la piste privilégiée par les enquêteurs jeudi, cinq jours après le meurtre du lycéen à Mourmelon-le-Grand, dans la Marne. Le scénario présenté par la jeune fille qui accompagnait l'adolescent, présentant les faits comme un vol ayant mal tourné ?  "Tout était faux", a résumé le procureur de Reims Matthieu Bourrette, mercredi soir. La mineure est désormais mise en examen au côté du principal suspect.

Le signalement d'un homme "issu de l'immigration". Les faits se déroulent samedi, dans le parc du Bois des Soeurs, entre l'église et la mairie de Mourmelon. Kévin, élève en terminale scientifique, se promène dans le parc avec O., en première littéraire. Cette dernière le décrit comme son "presque petit-ami" : tous deux ont entretenu une relation jusqu'à l'automne dernier. Depuis, ils ne cessent de se séparer et se rabibocher. Au parc, un homme surgit et tente de faire tomber O.. Kévin s'interpose et un corps à corps s'engage. L'agresseur, armé d'un couteau, prend rapidement le dessus et poignarde sa victime à une vingtaine de reprises, dont deux fois au poumon. Blessé, il prend la fuite. Secouru par des passants, Kévin décède lui quelques minutes plus tard.

Témoin directe de la scène, O. livre une version bien rodée de la scène aux gendarmes : elle ne connaissait pas son agresseur mais peut le décrire précisément. Il s'agit d'un homme "de couleur de peau de type basanée", âgé de 25 à 30 ans, mesurant entre 1,80 m et 1,90 m, de corpulence plutôt musclée. Ses yeux sont foncés, ses sourcils épais et son nez élargi. Les enquêteurs disposent de suffisamment d'éléments pour diffuser un signalement. Sur les réseaux sociaux, celui-ci fait l'objet d'une vive polémique sur les origines de l'agresseur présumé, alimenté notamment par la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen. Dans un tweet, la responsable politique le présente comme "issu de l'immigration".

Passionné d'armes à feu et de reconstitutions militaires. Mais aucun témoin n'a aperçu d'homme correspondant aux critères d'O.. En revanche, lors de la reprise des cours, lundi matin, les camarades d'un autre lycéen de Mourmelon remarquent qu'il est blessé. Le jeune homme, A., connaissait Kévin : selon France Soir, tous deux ont fréquenté le même collège. Ses amis confirment aux gendarmes qu'il fréquentait aussi O. De proche en proche, la piste d'un trio amoureux prend le relais de celle d'une agression extérieure.

Arrêté lundi soir, A. refuse d'abord de répondre aux questions des enquêteurs. Selon CNEWS, O. appelle en revanche la gendarmerie à plusieurs reprises : elle prévient que le suspect risque de la "charger" et se défend de toute implication. La personnalité d'A. est passée au crible : passionné par les armes à feu et les reconstitutions d'épisodes guerriers, le jeune homme rêve de rejoindre l'armée. Sur son compte Instagram, consulté par Le Parisien, sa devise est "faites la guerre, pas l'amour". Il est connu pour des faits de violences dans un établissement scolaire, mais n'a jamais fait l'objet de poursuites pénales. Son casier judiciaire est vierge.

Des SMS et un sac spécialement préparé. Après une journée de garde à vue, l'adolescent passe aux aveux. Il reconnaît avoir tué Kévin avec un couteau des années 40, utilisé par les militaires de l'armée américaine, qui lui avait été offert par sa famille. Son post sur les réseaux sociaux samedi, une photo de ses baskets avec le message : "j'ai bien couru. LOL", devait lui servir d'alibi… Mais surtout, le jeune homme affirme n'avoir pas élaboré son plan seul. "Il devait simuler le vol du sac de O. pour conduire Kévin à intervenir et ainsi le poignarder à mort", expliquera le procureur. "Il était également prévu que la jeune fille soit légèrement blessée pour donner plus de crédit à l'agression."

Les investigations des gendarmes confortent la thèse d'un meurtre élaboré par les deux adolescents trois ou quatre jours avant les faits. Sur internet, tous deux ont cherché des détails sur la manière dont les enquêteurs établissent les portraits-robots après une agression. Les adolescents ont également échangé de nombreux SMS, et prévu un sac pour ranger la tenue de A., un treillis tâché de sang. À son tour, O. est interpellée par les gendarmes. Tous deux sont mis en examen et écroués.

Rivalité amoureuse ou vengeance adolescente ? L'enquête doit désormais déterminer "s'il y a un pied d'égalité entre les auteurs, ou s'il y a un acteur d'un côté et un initiateur de l'autre", selon le procureur. A. nie pour l'instant toute relation avec O., dont ses proches disent pourtant qu'il aurait pu "décrocher la lune et les étoiles pour elle". "Je ne peux que m'interroger pour savoir si j'ai de nouveaux amants diaboliques ou si j'ai une logique de bras armé avec une tête criminelle", a expliqué Matthieu Bourrette. Une autre piste évoquée par l'entourage des adolescents est celle de la vengeance, Kévin ayant évincé A. de leur bande d'amis. O. a-t-elle alors seulement servi d'appât, pour attirer l'adolescent dans un piège mortel ? Les prochaines auditions des deux mis en cause par un juge d'instruction pourraient permettre d'y voir plus clair.